LR : devant les sénateurs, Bruno Retailleau veut conforter son projet « en machine électorale »

Deux jours après sa large victoire la tête de la présidence des Républicains, Bruno Retailleau a reçu un accueil triomphal au groupe LR du Sénat. Auprès de son ancien groupe qu’il a dirigé pendant 10 ans, le nouveau patron de LR a promis de refaire de la droite « l’élément central du débat politique ».
Simon Barbarit

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La standing ovation aura bien dépassé une minute, un évènement suffisamment rare à la chambre haute pour être relevé. Le ministre de l’Intérieur, tout juste auréolé d’une large victoire face à Laurent Wauquiez à la tête des Républicains, a reçu un accueil triomphal de la part de son ancien groupe qu’il a dirigé entre 2014 et 2024.

« Le rassemblement, c’est le premier défi que nous devons relever »

« C’est un retour dans la maison d’origine. Le Sénat, j’y reste très attaché […] Il y a un lien d’affection très particulier », a-t-il sobrement déclaré à son arrivée. Après 45 minutes d’échanges, le ministre a poursuivi sa revue de troupes à l’Assemblée où il a retrouvé les députés LR dirigés par son ancien rival. « Le rassemblement, c’est le premier défi que nous devons relever. Il ne faut plus mettre en avant cette petite musique disharmonieuse. Nous devons avoir une ligne générale qui soit claire », explique la sénatrice LR de Paris Agnès Evren, qui se félicite d’avoir vu l’ensemble des membres du Conseil stratégique du parti se réunir tôt ce matin. Une absence a néanmoins été relevée, celle du grand perdant du week-end, Laurent Wauquiez. « Il a le droit d’être déçu mais tous ses représentants étaient là », excuse Agnès Evren.

Au Sénat, les soutiens de Laurent Wauquiez sont rares. Laurent Duplomb, élu de Haute-Loire, est de ceux-là. « Je ne peux pas dire que je suis content d’avoir perdu mais la campagne s’est bien passée », estime-t-il oubliant un peu vite les attaques de Laurent Wauquiez à l’encontre du ministre qu’il a accusé de « diluer » la droite dans le macronisme en restant dans le gouvernement. Un argument qui n’a pas porté auprès de la grande majorité des adhérents. « Oui mais n’est pas totalement faux. En politique, on a toujours tort d’avoir raison trop tôt. Les mois à venir pourraient, malheureusement, démontrer qu’il avait raison », met en garde le sénateur.

Le score large de Bruno Retailleau de 74,3 % éloigne pour le moment le spectre de la division de la famille politique. Même si l’on se souvient que Laurent Wauquiez avait fait le même score en 2017, ce qui ne l’avait pas empêché de démissionner de la présidence de LR deux ans plus tard après l’échec retentissant des Européennes. A l’approche des prochaines échéances électorales, les Républicains vont travailler sur les idées. Tous les 15 jours, le comité stratégique, composé d’une trentaine de membres se réunira pour plancher sur le fond du projet. « Avant, la droite souffrait d’un double problème : un manque d’incarnation et un manque d’idées. Maintenant, on n’est plus sur le contenant on est sur le contenu », résume Agnès Evren.

« La vision » de Bruno Retailleau pour « emmener les Français »

Mais l’électorat de droite s’est considérablement rétréci ces 15 dernières années, pris en étau entre les macronistes et le RN. Pour que sa formation politique devienne le vote utile du centre droit « face à la gauche mélenchonisée », Bruno Retailleau a indiqué à ses troupes qu’il comptait s’adresser « à la majorité silencieuse, les honnêtes gens qui bossent », rapporte la sénatrice,

Pas question de verser dans la démagogie ou de promettre la lune, les élus comptent sur « la vision » de leur nouveau leader pour « emmener les Français » vers le redressement du pays. « Si on n’a pas cette vision, on n’en sera incapable et chacun continuera à voir les choses à la petite semaine », considère la sénatrice de Loire-Atlantique, Laurence Garnier.

Comme Nicolas Sarkozy naguère, Bruno Retailleau va devoir trouver une proposition digne du fameux « travailler plus, pour gagner plus », pour reconquérir les classes populaires. Devant les parlementaires, Bruno Retailleau a fixé la stratégie. « Cranter le projet avec des mesures fortes pour que LR reprennent la main et être l’élément central du débat politique. Ce qui n’est pas le cas d’Edouard Philippe », dévoile le sénateur du Nord, Marc-Philippe Daubresse qui lâche un petit pique au passage au maire du Havre. « Quoi qu’il fasse, il a le sparadrap du capitaine Macron sur le front […]. Il peut faire tout ce qu’il veut, il aura l’image d’un haut fonctionnaire qui veut faire de la politique », tance-t-il.

A l’inverse, aux yeux des sénateurs LR, Bruno Retailleau « structure le débat public par ses prises de position en tant que ministre, et par celles qu’il aura en tant que président des Républicains », estime Laurence Garnier. « On n’a l’impression que Bruno Retailleau a redonné de la voix à une majorité silencieuse qui est sur des idées de droite, mais qui n’osait plus les exprimer de peur du politiquement correct ».

« Bruno Retailleau va rester droit dans ses bottes »

Le sénateur Etienne Blanc insiste sur la ligne de conduite que s’est fixé le président de LR devant les élus de la chambre haute. « Le problème, des Français dans la vie politique, c’est la sincérité. Bruno Retailleau va rester droit dans ses bottes, avec une franchise de langage, des positionnements clairs malgré des attaques de toutes parts. Quand vous avez Marine Le Pen ou Jordan Bardella qui parle de retraites à 60 ans, ils ne peuvent pas être sincères ».

Agnès Evren en est sûre, « si Bruno Retailleau est l’une des personnalités politiques les plus populaires, c’est parce qu’’il incarne une droite qui ne s’excuse plus, avec une boussole, le retour à l’ordre ». « L’idée s’est d’avoir un projet, de le conforter et d’en faire une machine électorale », glisse l’entourage du ministre qui a constaté « une ferveur » de la part des militants durant la campagne.

Selon un sondage Toluna Harris interactive pour LCI, Bruno Retailleau grappille des points au leader d’Horizons dans la course à la présidentielle et obtient entre 12 et 13 % d’intentions de vote contre 21 % pour Edouard Philippe. Dans l’hypothèse où la candidature macroniste serait portée par Gabriel Attal, Bruno Retailleau enregistre 16 à 17 % contre 15 % pour le député Renaissance, ce qui ouvrirait la porte du second tour au leader de la droite face à Marine Le Pen ou Jordan Bardella.

La sénatrice Agnès Canayer, rattachée au groupe LR, mais proche d’Edouard Philippe note que les convictions des deux hommes « ne sont pas antinomiques et peuvent être complémentaires ». « Edouard Philippe défend lui aussi ses valeurs qui sont des valeurs de droite. En 2027, il faudra un candidat qui englobe les visions des uns et des autres ». Avec leur nouvel homme fort, les Républicains ne comptent pas jouer les supplétifs du candidat Horizons, déjà déclaré, à la présidentielle. Le rassemblement de la droite hors LR, ce n’est pas pour tout de suite.

 

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