LR : la victoire d’Eric Ciotti face à Bruno Retailleau peut-elle avoir des effets au Sénat ?

LR : la victoire d’Eric Ciotti face à Bruno Retailleau peut-elle avoir des effets au Sénat ?

Deux jours après sa défaite pour la présidence des LR, Bruno Retailleau réitère son appel au rassemblement. Le sénateur a fait son retour devant son groupe. Accueilli par des applaudissements, ses proches estiment que son beau score « renforce sa légitimité au Sénat ». Quelques voix discordantes y voient au contraire « un tournant ».
François Vignal

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Retour à la maison. Deux jours après la défaite de Bruno Retailleau face à Eric Ciotti pour la présidence du parti, le président du groupe LR fait son retour parmi les siens. Un retour en terrain conquis. Dans une tribune de soutien publiée dans l’entre-deux tours, les deux tiers du groupe LR, avec 111 sénateurs sur 145, dont le président du Sénat, Gérard Larcher, apportaient leur soutien au sénateur de Vendée. Seule une quinzaine de sénateurs soutenaient Eric Ciotti.

« Le rassemblement ne doit pas simplement être un slogan » souligne Bruno Retailleau

Malgré un score serré, seul le résultat compte, comme diraient les fans de football. Alors, pas de gueule de bois post-défaite pour Bruno Retailleau ? « Pas du tout, avec le score que j’ai fait. Je ne suis pas parti favori. Entre les deux tours, j’ai eu pratiquement tout le monde contre moi et pour autant, je fais plus de 46 %. C’est un très beau score, j’en suis très heureux. Maintenant, je souhaite qu’il y ait un rassemblement. Ce n’est pas moi qui ai gagné. La responsabilité de ce rassemblement, elle appartient à Eric. Moi, j’y suis prêt », affirme Bruno Retailleau comme au soir du second tour. Il insiste sur ce point : « Il est évident que le rassemblement, ça ne peut pas être une moitié contre l’autre. L’unité, si on veut vraiment la préserver, doit tenir compte de ce qui s’est exprimé dans les urnes dimanche dernier. Et j’y veillerai, scrupuleusement ». Souhaite-t-il le rassemblement au point de faire partie de la direction des LR ? « Je suis président de groupe, donc quoi qu’il arrive, je suis dans les instances dirigeantes. Mais le rassemblement ne doit pas simplement être un slogan. Il doit désormais s’inscrire dans les pratiques du parti », soutient Bruno Retailleau (voir la vidéo, image de Cécile Sixou).

« Quand on s’engage et qu’on est battu, on est déçu », reconnaît le sénateur Max Brisson. Le sénateur des Pyrénées-Atlantiques demande aussi au nouveau président des LR ne pas se refermer. « C’est à Eric Ciotti de faire les gestes nécessaires. […] Le travail est immense. Il y a de la place pour tout le monde et pour Bruno Retailleau et ses qualités intellectuelles », soutient Max Brisson, qui ajoute : « Quand on a rassemblé presque la moitié des adhérents, on a la légitimité pour prendre sa part du travail et ceux qui l’ont soutenu aussi ».

« L’Assemblée prime sur le Sénat donc c’est un peu le reflet de la Constitution. Il y en a un qui est plus connu, qui a déjà fait un tour de piste, l’autre l’est moins et a fait un excellent tour de piste. L’important maintenant, c’est de rassembler. C’est à Eric Ciotti de le faire », confirme Jérôme Bascher, qui ajoute :

Il faut faire très attention à un point : la France n’est pas les Alpes-Maritimes.

Au-delà du parti, reste une question : malgré les nombreux appuis dont il dispose chez les sénateurs LR, la défaite du sénateur de Vendée peut-elle l’affaiblir à la tête du groupe ? « Vous verrez », lâche Bruno Retailleau dans un large sourire. Réponse quelques secondes après. En faisant son entrée dans la salle Médicis, en sous-sol du Sénat, Bruno Retailleau reçoit « une standing ovation » de ses collègues.

« Personne ne remettra en cause sa légitimité »

Ses proches l’assurent : sa défaite ne va pas le mettre en difficulté à la Haute assemblée. « Pas du tout. Bruno Retailleau est pleinement légitime à la tête du groupe. Il a été élu par 145 voix sur 145 il y a deux ans. Le score qu’il a fait au congrès est un très bon score. Certains nous disaient qu’il perdrait dès le premier tour, écrasé par Eric Ciotti. Cela n’a pas été le cas, loin de là. C’est passé de très près, à 4.600 voix, c’est rien. Cela renforce sa légitimité au Sénat et personne ne la remettra en cause », soutient le sénateur Stéphane Le Rudulier, son porte-parole pendant la campagne. Il ajoute : « Je crois que nul ne peut remplacer Bruno Retailleau au Sénat ».

« Il a perdu mais il a quand même fait un score extraordinaire », ajoute Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice LR du Val-d’Oise, « on est très content du score qu’il a fait ». Pour cette fidèle, « on ne peut pas ne pas tenir compte du score qu’il a fait pour écrire la suite ».

« Le score aurait été de 60/40, peut-être qu’on aurait pu être affaibli pour la suite », pense Laure Darcos, « mais très honnêtement, c’est plutôt une surprise. Tout le monde pensait qu’Eric Ciotti allait plier le match. Bruno Retailleau a plutôt gagné ses galons de personnalité politique de premier plan », soutient la sénatrice LR de l’Essonne.

« La fin d’une séquence »

Quelques voix discordantes se font cependant entendre, sous couvert d’anonymat. Un sénateur qui connaît bien le groupe donne son analyse : « Je pense que c’est un tournant. L’épisode a montré plus de difficultés qu’autre chose, avec un affrontement députés/sénateurs. Donc je pense que c’est un mauvais coup pour le Sénat et pour l’attelage Larcher/Retailleau. C’est la fin d’une séquence. Enfin parfois, la fin se traduit en quelques années. C’est aussi un mauvais coup pour Wauquiez. On voit que l’homme providentiel qu’on va investir tout de suite n’a pas créé de vague ».

Un autre sénateur pense même que « Bruno Retailleau est très affaibli » par sa défaite. Reste que l’élu de Vendée dispose toujours de bon nombre de sénateurs derrière lui. Sa capacité d’écoute et de maintenir l’unité du groupe est appréciée.

« On disait qu’il y aurait la moitié des parlementaires qui foutraient le camp si c’était Ciotti… »

Alors que le risque de voir des départs se produire après une victoire d’Eric Ciotti était agité, certains font remarquer qu’il n’en est rien, du moins au Sénat : « On disait qu’il y aurait la moitié des parlementaires qui foutraient le camp si c’était Ciotti… » raille-t-on.

Les premiers pas du nouveau patron des LR seront néanmoins regardés de près. « Moi j’attends de voir. Je ne vais pas le faire dans la précipitation. J’attends de voir l’équipe autour d’Eric Ciotti, son bureau politique et voir comment il va réorganiser le parti », confie Laure Darcos, à l’origine proche de Valérie Pécresse. La sénatrice LR de l’Essonne ne cache pas que certains se posent des questions dans son département depuis dimanche. « J’ai des gens, notamment des élus, qui m’appellent pour me demander où aller, car ils ne se reconnaissent pas forcément dans ce scrutin » raconte la sénatrice.

Certains veulent « voir comment se recompose la majorité sénatoriale. Car il faudra beaucoup de clarifications »

Tout le monde s’accorde sur un point : personne ne devrait bouger d’ici les sénatoriales de septembre 2023, où la moitié des sièges du Sénat seront renouvelés. « Il ne se passera rien d’ici là », soutient un membre du groupe. « Beaucoup sont aux ordres », persifle un autre sénateur, « et il y a les investitures qui arrivent. Ça va calmer tout le monde ». Et même si certains quittent in fine les LR, Laurent Darcos pense pour sa part qu’ils resteront malgré tout « au groupe », qui compte déjà un certain nombre d’apparentés ou de rattachés LR.

Mais l’avenir est incertain. D’autant que les sénateurs pensent que « la recomposition » de la vie politique n’est pas terminée, du côté du Palais du Luxembourg. « Il peut y avoir des manœuvres aux sénatoriales », pense Laure Darcos. « La poutre travaille. Le problème est de savoir si ça vaut le coup de le faire avant septembre ou pas. Ça dépend des personnes, des endroits », estime un membre du groupe. « Après les sénatoriales, moi je ne sais pas à quoi ressemble le Sénat », lâche Jérôme Bascher, qui veut « voir comment se recompose la majorité sénatoriale. Car il faudra beaucoup de clarifications ». Les divergences avec les centristes sont mal passées ces derniers mois à droite.

« L’inconnu, c’est Edouard Philippe. Tout le monde l’attend. Il y a plein de LR qui attendent un signe de sa part »

Les regards se tournent du côté du Havre. « L’inconnu, c’est Edouard Philippe. Tout le monde l’attend. Il y a plein de LR qui attendent un signe de sa part », avance un sénateur du groupe, alors qu’aujourd’hui, on ne compte que 7 sénateurs Horizons, le parti d’Edouard Philippe, sur les 14 du groupe Les Indépendants. « Il y aura un groupe au Horizons au Sénat en septembre prochain », assure avec certitude un député proche d’Edouard Philippe, « après, est-ce que ce sera 15, 30 membres… ou plus ? »

Avant d’en arriver là, les sénateurs LR sont invités à se retrouver ce soir pour un dîner du groupe de fin d’année, avant demain, à la présidence du Sénat, un déjeuner de la majorité, avec les sénateurs du groupe LR et ceux du groupe Union centriste, avec à sa tête le courtisé Hervé Marseille, qui vient de prendre la tête de l’UDI. « Au moins, sur les deux présidents, il y en a un qui a été élu. Mais l’un sans grande difficulté », rigole un sénateur LR. Hervé Marseille n’avait, il est vrai, aucun candidat face à lui.

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