En déplacement au Salon de l’élevage à Cournon d’Auvergne (Puy-de-Dôme), Michel Barnier a annoncé une aide de 75 millions d’euros pour les éleveurs de brebis victimes de la fièvre catarrhale ovine et des prêts garantis par l’Etat pour les exploitations en difficulté. Des mesures bienvenues pour les agriculteurs qui ne calment pas pour autant leur colère.
Lubrizol : « On fait peser moins de contraintes sur les industriels au détriment de la sécurité »
Par Héléna Berkaoui
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Créée suite à l’incendie industriel de l’usine Lubrizol, la commission d’enquête sénatoriale poursuivit ses travaux afin d’évaluer l’intervention des services de l’État. Ce mardi la commission auditionnait différents acteurs associatifs pour revenir sur les principales problématiques causées ou révélées par cet incident industriel et recueillir leurs recommandations. Une séance dense durant laquelle les associatifs ont notamment pointé les insuffisances des dispositions réglementaires et législatives ou encore leurs inquiétudes quant aux indemnisations.
Un encadrement réglementaire et législatif insuffisant ?
« On peut parler de déconstruction du droit de l’environnement au profit des industriels, c’est-à-dire qu’on fait peser moins de contraintes sur les industriels au détriment de la sécurité des populations », affirme l’avocat de Générations Futures François Lafforgue. Selon lui, il y a eu une absence d’évaluation environnementale qui résulte de certaines dispositions législatives. Il vise ici un décret d’août 2016 qui a fait passer certaines installations classées du régime de l’autorisation au régime du cas par cas et la loi du 10 août 2018 qui a permis une modification des règles Seveso.
« Il y a eu 40 % de contrôles en moins sur les douze dernières années. »
Une analyse pleinement partagée par le vice-président de France Nature environnement (FNE), Alain Chabrolle, pour qui « Lubrizol n’est pas un accident mais la parfaite illustration de tout ce que FNE a dénoncé ces dernières années. » Il souligne, lui aussi, le fait qu’aucune enquête environnementale n’ait été faite en 2019 alors que les stocks de l’usine étaient en augmentation. Cette souplesse réglementaire et législative s’accompagne d’une baisse des contrôles par les administrations compétentes, d’après eux. La chargée de campagne de Greenpeace, Hélène Bourges, parle d’un manque de moyens dans l’administration chargée du contrôle des ICPE (installation classée pour la protection de l'environnement) : « Il y a eu 40 % de contrôles en moins sur les douze dernières années ».
Une remise en cause du rôle de la direction régionale de l'environnement
Le rôle de certaines instances de contrôle a également été remis cause comme celui de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Normandie (DREAL). « La DREAL fait à la fois du conseil et du contrôle, dans ces conditions est-ce qu’on peut considérer qu’elle est juge et partie prenante ? », interroge le sénateur du Rhône, Gilbert-Luc Devinaz. Une question rhétorique pour les associatifs dont certains attendent encore que la DREAL réponde à leurs interpellations. Le vice-président de la FNE appelle, lui, à la création d’un « véritable corps indépendant à l’image de l’ASN (autorité de sûreté nucléaire) » (voir la vidéo ci-dessus).
« Il faudrait quand même l’accompagner de moyens financiers suffisants, d’une commission des sanctions, ce qui n’est pas du tout le cas de l’ASN, et d’une diversité des membres en faisant particulièrement attention aux modes de désignation afin que ce corps puisse jouer un réel rôle de gendarme », précise la représentante de Greenpeace, Hélène Bourges.
L’indemnisation en question
Autre sujet de préoccupation et pas des moindres, les indemnisations. Guillaume Blavette signale que les associations n’ont pas été conviées à l’instance concernant les indemnisations agricoles. « On a une gestion par un organisme privé, Exetech, qui est encadrée par un comité mis en place par la préfecture (…) La convention entre Lubrizol et la caisse des dépôts et consignations qui organise tout ce régime d’indemnisation n’est pas publique », indique-t-il également. Maître François Lafforgue regrette par ailleurs « qu’on laisse à l’exploitant la faculté de déterminer les conditions d’indemnisation des victimes, c’est le signe de la faiblesse de notre système judiciaire en termes d’indemnisation » (voir la vidéo ci-dessus).
« Il semblerait que les gens qui acceptent des indemnisations s’engagent à renoncer à un recours. »
Pour l’avocat de Générations future, « il faudrait revoir le système d’indemnisation des victimes dans le cadre des grands accidents industriels pour qu’on ait des réponses plus rapides et plus adaptées ». En France, l’action de groupe en matière environnementale est encore difficile à mettre en œuvre notamment à cause de la « longueur de la procédure pour faire acter le principe de responsabilité ». Et de convoquer l’exemple du dieselgate où « on est toujours englué dans des procédures pénales qui n’en finissent pas depuis 5 ans et où il n’y a aucune réponse indemnitaire apportée aux victimes ».
« Il semblerait que les gens qui acceptent des indemnisations s’engagent à renoncer à un recours et ça nous semble abusif surtout en l’état de toutes les incertitudes qui planent sur ce dossier », s’inquiète le président de l’association Respire, Olivier Blond.