« 70 détenus incarcérés pour des faits de terrorisme et dont le profil est encore inquiétant, pourraient être libérés dans les deux ans à venir. Nous devons agir. » C’est avec ce chiffre glaçant que le rapporteur LR de la commission des lois, Marc Philippe-Daubresse présente le texte déposé par les LR Bruno Retailleau, François-Noël Buffet et le chef de file des centristes Hervé Marseille.
L’actualité parle pour eux, en décembre dernier un homme de 26 ans a attaqué au couteau et au marteau des passants à proximité de la tour Eiffel, tuant un touriste allemand. L’auteur de l’attentat de Bir-Hakeim était un Iranien naturalisé français, connu des services de police et déjà condamné pour un projet d’attentat terroriste.
C’est pour cette raison que les sénateurs demandent à ce qu’à l’avenir certains individus puissent rester sous une certaine forme de détention même après avoir purgé leur peine. C’est le cœur de la proposition de loi déposée en décembre et adoptée la semaine dernière par la commission des lois. Après modification du rapporteur, elle ne propose pas de grande révolution, mais des ajustements travaillés en lien avec le Ministère de l’Intérieur, le Ministère de la Justice et les services secrets français.
Le rapporteur propose aussi une interdiction à paraitre dans certains lieux notamment notamment sur les sites olympiques pendants les JO.
Le Sénat demande un meilleur suivi des individus
D’après la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), depuis l’été 2018 : 486 détenus islamistes ont été libérés, parmi eux, près de la moitié serait encore radicalisée. Depuis une loi de 2021, les terroristes qui sortent de prison et qui sont considérés comme dangereux peuvent faire l’objet d’un suivi spécifique.
C’est ce qu’on appelle des « mesures de contrôle individuel » : l’ex-détenu peut avoir l’obligation de pointer au commissariat ou de porter un bracelet électronique.
Mais ce ne sont que des mesures administratives et limitées dans le temps. Les sénateurs veulent aller plus loin : avec la création pour tous les condamnés pour terrorisme de mesures de suivi et de surveillance judiciaires (écoutes, perquisitions pour voir s’ils présentent toujours un risque à leur sortie.)
Ils proposent aussi deux nouvelles rétentions de sûreté : la première en raison de troubles psychiatriques graves, ce qui n’existe pas pour l’instant, la seconde pour les condamnés encore engagés dans une idéologie radicale.
« Le problème c’est d’arriver à qualifier la dangerosité de l’individu tout en évitant la censure du Conseil constitutionnel, donc j’ai revu la loi », explique le rapporteur Marc Philippe Daubresse, « en abaissant le critère de dangerosité à celui d’un risque élevé de récidive et en visant l’adhésion avérée à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme. Cela va nous permettre de combler des manques, exemple, pour l’attentat de Bir-Hakeim, l’auteur avait chez lui, 500 tracts d’apologie du Djihad et de la Charria, et bien nous n’aurions pas pu le mettre en état de nuire dans l’état actuel de la loi. »
Les sénateurs proposent aussi une interdiction à paraître dans certains lieux et transports en commun, notamment à l’approche des Jeux Olympiques de Paris.
Moderniser l’arsenal pénal français
Le Sénat, veut aussi adapter l’arsenal pénal français aux nouveaux modes opératoires des terroristes. Il s’agit de s’attaquer aux « loups solitaires » : ceux qui se radicalisent seuls sur les réseaux sociaux…
Les sénateurs demandent le retour du délit de recel d’apologie du terrorisme qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel. Un délit qui consiste dans les faits de détenir des fichiers contenant des appels au passage à l’acte. Le rapporteur propose, pour éviter la censure, de se focaliser sur les fichiers les plus graves, comme ceux exhibant des crimes terroristes, à la manière des fichiers à caractère pédopornographique.
Autre constat des sénateurs, de plus en plus de mineurs se radicalisent en ligne, avec parfois des projets très aboutis. La proposition de loi demande donc la possibilité de prononcer des peines de « bannissement numérique » pour ceux qui appellent à la haine sur les réseaux.
La majorité sénatoriale compte adopter ce texte lors d’un vote solennel et espère le voir inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, bien avant les Jeux Olympiques de Paris cet été.