Lutte antiterroriste : comment la législation a évolué au cours des 5 dernières années

Lutte antiterroriste : comment la législation a évolué au cours des 5 dernières années

Après l’attentat survenu vendredi dans l’Aude, la question de l’arsenal juridique pour faire face à la menace djihadiste est revenue à nouveau au premier plan. En France, plusieurs lois antiterroristes se sont succédé ces dernières années.
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Les attentats qui ont frappé Carcassonne et Trèbes vendredi dans l’Aude ont très vite fait ressurgir le débat sur les outils juridiques dont dispose la France pour prévenir ce type d’attaque. Par la voix de Laurent Wauquiez, les Républicains ont appelé ce lundi matin à « prendre les mesures sécuritaires qui s’imposent » mais aussi à rétablir le régime de l’état d’urgence, dont la France est sortie le 1er novembre.

Depuis les attentats perpétrés par Mohamed Merah à Toulouse en mars 2012, les textes de loi se sont empilés pour renforcer les capacités de surveillance, ou la protection face aux actes terroristes. Le dernier en date est la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) adoptée en octobre à une large majorité au Parlement. Son but : préparer la sortie de l’état d’urgence le 1er novembre 2017, un régime instauré depuis le soir des attentats du 13 novembre 2015 qui offraient des pouvoirs exceptionnels à l’administration et à la police.

De nouveaux moyens offerts aux autorités après la loi du 30 octobre 2017

Plusieurs dispositions de l’état d’urgence sont entrées dans le droit commun à travers cette loi, considérée comme « liberticide » à gauche et chez des organisations de défense des droits de l’homme. Le texte renforce les mesures de contrôle administratif et les capacités d'intervention des forces de l'ordre en cas de menaces terroristes. Le Sénat avait tenté de « rééquilibrer » son contenu sur certains points dans l’optique d’une préservation des libertés publiques.

La loi Silt prévoit un nouveau régime d’assignations à résidence, nommées « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ». Des préfets peuvent décider de les appliquer à toute personne qui constituerait une menace grave. Désormais, l’assignation s’applique dans un cadre qui est au minimum celui de la commune et le pointage au commissariat doit avoir lieu quotidiennement.

La possibilité de procéder à des perquisitions est conservée, et reste une initiative du préfet. Il s’agit néanmoins du rare cas où cette décision doit recevoir l'aval du juge des libertés et de la détention, après un avis du procureur.

Le projet de loi permet également, sans l’autorisation de l’autorité judiciaire, d’effectuer des contrôles d’identité à l’intérieur, mais aussi aux abords des gares, aéroports et ports. Les deux tiers de la population du pays entrent dans ces périmètres. Il est à noter que la France prolonge d’ailleurs ses contrôles permanents aux frontières jusqu'au 30 avril 2018.

L’État a également la possibilité de mettre en œuvre des périmètres de protection, avec des mesures d'inspection et de filtrage.

Autre point, le préfet peut prononcer la fermeture des lieux de culte « dans lesquels les propos qui sont tenus, les écrits, idées ou théories qui sont diffusés ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, la haine et à la discrimination et provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ».

Selon un bilan communiqué par le ministère de l’Intérieur, ces mesures de police administratives ont notamment abouti entre le 1er novembre et le 2 mars à trois fermetures de lieux de culte, et à 40 assignations dans une commune (35 étaient toujours en cours le 2 mars). Quant aux périmètres de protection, on en dénombre 57 sur la période.

Un rapport sur l’application de cette loi devra être adressé chaque année par le gouvernement au Parlement, et le texte devra faire l’objet d’une évaluation en 2020.

2016 : une batterie de mesures pour la protection dans les transports

L’arsenal sécuritaire et antiterroriste a également été renforcé à plusieurs reprises sous le quinquennat de François Hollande. Centrée sur la sécurité dans les transports, la loi du 22 mars 2016 autorise par exemple les agents de la SNCF et de la RATP à procéder à des fouilles de bagages et à des palpations de manière aléatoire. Le texte offre aussi la possibilité aux compagnies de mener des enquêtes administratives sur leurs employés occupant des « emplois sensibles ».

La même année, le gouvernement a fait adopter un nouveau projet de loi de réforme pénale. Entrées en application en juin, les mesures de la loi Urvoas, qui accentuent la lutte contre le terrorisme et son financement, étaient censées prendre le relais de l’état d’urgence. Le régime exceptionnel a finalement été prolongé une quatrième fois après l’attentat de Nice.

Sur décision du procureur, les officiers de police judiciaire peuvent désormais procéder à perquisitions de domiciles de nuit en phase d’enquête préliminaire. De nouveaux actes d’investigation sont rendus possibles, comme la saisie de correspondances électroniques et l’interception de télécommunications, avec des techniques jusque-là réservées au renseignement. La fouille de bagages, assimilée auparavant à une perquisition, peut intervenir dans le cadre d’un contrôle d’identité.

Autres évolutions : ce texte renforce les conditions d’octroi de la libération conditionnelle pour les personnes condamnées pour terrorisme, et instaure un principe de « perpétuité réelle » pour les terroristes, avec une période de sûreté pouvant atteindre 30 ans (contre 22 auparavant).

La loi de juin 2016 porte jusqu’à quatre heures la retenue pour examen de la situation administrative des personnes « dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’elles représentent une menace pour la sûreté de l’État ». Les personnes qui se sont rendues sur des théâtres d’opérations terroristes peuvent enfin faire l’objet d’un contrôle administratif à leur retour.

Enfin, en matière de lutte contre la propagande djihadiste en ligne, la loi crée le délit de consultation habituelle de sites appelant à commettre des actes terroristes ou faisant leur apologie.

2015 : des boîtes noires chez les opérateurs

L’année précédente, six mois après les attentats de janvier 2015, une loi relative au renseignement entre en vigueur et fixe de nouvelles possibilités pour la surveillance numérique. Un exemple : les services de renseignement peuvent installer des « boîtes noires » chez les fournisseurs d’accès à Internet afin de détecter d’éventuelles menaces terroristes avec une analyse automatique des données de connexion.

À l’automne 2014, l’une des dispositions phares de la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme est la mise en place d’une interdiction administrative de sortie du territoire pour les Français candidats au jihad en zone irako-syrienne.

Avant, on retrouve également la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, qui introduit la possibilité poursuivre les ressortissants français qui ont commis des actes terroristes à l'étranger ou qui ont participé à des camps d'entraînement.

Mercredi, le Conseil constitutionnel doit étudier cinq questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), dont quatre déposées par la Ligue des droits de l’homme (LDH), sur la dernière loi adoptée fin 2017.

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