Lutte contre les contenus terroristes sur internet : dernière étape franchie au Sénat

Lutte contre les contenus terroristes sur internet : dernière étape franchie au Sénat

Une heure. C’est le délai dont disposent désormais les plateformes pour supprimer les contenus terroristes en ligne. Cette obligation à agir rapidement est la mesure phare du texte adopté par les sénateurs, mardi 26 juillet 2022, après un accord trouvé avec les députés, en commission mixte paritaire.
Quentin Calmet

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Comme un symbole. La commission mixte paritaire réunie le 19 juillet dernier était parvenue à un accord. Cette réunion entre sept députés et sept sénateurs visait à trouver un compromis sur la proposition de loi en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste sur internet. C’était la toute première du genre, depuis les élections législatives. Peut-être le signe de la nouvelle relation entre les deux chambres du Parlement.

Il faut dire que le texte était peu polémique - bien moins que les suivants, que ce soit celui dit de « veille sanitaire » ou celui sur le pouvoir d’achat.

Adoptée le 16 février dernier par l’Assemblée nationale, la proposition de loi vise à adapter dans le droit français un nouveau règlement européen en matière de lutte contre le terrorisme sur internet. Très concrètement, la proposition de loi oblige tout fournisseur de services d’hébergement - qu’ils soient domiciliés dans le pays où la page internet est consultée, ou dans un autre pays - à retirer un contenu terroriste, dans l’heure, après injonction de l’ARCOM, ex-CSA, ou de son suppléant.

Adoption au Sénat le 12 juillet dernier

Il aura donc fallu attendre cinq mois pour que le texte arrive à la Chambre Haute du Parlement. En cause, l’interruption des travaux parlementaires liée aux élections présidentielle et législatives. La proposition de loi a été adoptée, dans ses grandes lignes, le 12 juillet dernier.

Seules certaines dispositions sur le recours en appel posaient problème aux sénateurs, mais dans « un esprit de compromis », (dixit Nathalie Goulet, rapporteure pour le Sénat), ces modifications avaient été effacées en commission mixte paritaire.

« Renforcer notre arsenal juridique »

En séance, mardi 26 juillet 2022, la ministre représentant le gouvernement au banc sur ce texte, Caroline Cayeux, a parlé d’un « outil décisif dans le combat que [le Gouvernement mène] contre le terrorisme. » Elle a expliqué que le règlement européen était en place depuis le 7 juin dernier mais que « pour assurer le bon fonctionnement de ce dispositif, il était indispensable que des autorités indépendantes chargées d’assurer et de contrôler la légalité du retrait des contenus [en l’occurrence l’ARCOM, ndlr] soient désignées par chaque Etat-membre ».

Le « véhicule législatif » interroge

Certains sénateurs se sont interrogés sur la méthode : utiliser une proposition de loi - c’est-à-dire un texte venu des parlementaires plutôt que du gouvernement - pour transposer dans la loi un règlement européen.

Ainsi les sénateurs « Les Indépendants », pourtant soutiens de la majorité présidentielle, ont émis leurs « réserves » sur cette méthode qui prive les parlementaires de toute étude d’impact et d’un avis du conseil d’Etat. « J’espère que cette pratique relève désormais du passé et que cette nouvelle législature en signera la fin », a ainsi plaidé le sénateur Franck Ménonville. Une analyse partagée par Guy Benarroche, représentant le groupe écologiste du Sénat et qui a parlé à la tribune de cette méthode comme d’un « tour de passe-passe qui entache la sincérité du processus démocratique. »

Le socialiste Jérôme Durain a même parlé « d’abus », souhaitant que le Secrétariat général du Gouvernement s’engage à ne plus avoir recours à cette méthode.

Toujours des doutes sur la constitutionnalité de la proposition de loi

Depuis 2020 et la décision du Conseil constitutionnel de sabrer une grande partie de la loi Avia, les textes régulant les contenus sur internet sont sous la menace d’une censure de notre juridiction suprême. Dénonçant également la méthode, les communistes ont ainsi averti le gouvernement en séance : « Nous avons le sentiment que le règlement européen vous donne le prétexte de nous faire voter ce qui a déjà été supprimé - à raison- par ailleurs. »

Les prochains mois diront si les communistes ont eu raison de s’inquiéter pour le sort de cette proposition de loi et si le Conseil constitutionnel ampute ou non le texte.

« Reste la question des moyens »

Dernier point important évoqué en séance : celui des moyens, que ce soient ceux de l’ARCOM ou de la plateforme Pharos, qui est dédiée au signalement des contenus illicites sur internet. La sénatrice centriste Nathalie Goulet a expliqué que « la haine en ligne est un maillon fort » dans la chaîne qui peut mener aux actes terroristes, avant de lancer depuis la tribune : « Nous resterons vigilants. »

Dans la même thématique

Rally For Palestinian Prisoners SWITZERLAND.
4min

Politique

Hungry for Palestine : le collectif en grève de la faim depuis 23 jours reçu au Sénat

Vingt-trois jours de jeûne, seize villes françaises traversées : le collectif Hungry for Palestine était au Sénat le 22 avril 2025. Tous les membres du mouvement, présents au palais du Luxembourg, sont en grève de la faim depuis le 31 mars pour dénoncer l'inaction des pouvoirs publics et le non-respect du droit international dans la bande de Gaza. Le mouvement est né de l'impulsion de soignants, tous de retour de mission à Gaza.

Le

Tondelier 2
8min

Politique

Malgré des critiques, Marine Tondelier en passe d’être réélue à la tête des Ecologistes

Les militants du parti Les Ecologistes élisent leur secrétaire national. Bien que critiquée, la sortante Marine Tondelier fait figure de favorite dans ce scrutin où les règles ont été changées. La direction s’est vue accusée par certains de vouloir verrouiller le congrès. Si les écolos ne veulent pas couper avec LFI, le sujet fait débat en vue de la présidentielle.

Le

SIPA_01208671_000002
5min

Politique

Prisons attaquées : vers une nouvelle loi pour permettre l’accès aux messageries cryptées par les services de renseignement

Après la série d’attaques visant plusieurs établissements pénitentiaires, coordonnées au sein un groupe de discussion sur Telegram, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez regrette que la disposition de la loi sur le narcotrafic, permettant aux services de renseignement d’avoir accès aux messageries cryptées, ait été rejetée les députés. La mesure pourrait réapparaître dans une nouvelle proposition de loi du Sénat.

Le

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six
4min

Politique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six

La question d’un report des élections municipales de 2032 est à l’étude au ministère de l’Intérieur, en raison de la proximité d’un trop grand nombre de scrutins, notamment la présidentielle. Si le calendrier devait être révisé, et avec lui la durée du mandat des maires élus l’an prochain, cela nécessiterait une loi. Ce serait loin d’être une première sous la Ve République.

Le