Lutte contre les « fake news » : un combat perdu d’avance ?
Les « fausses informations » pullulent sur les internets et réseaux sociaux, entachant les campagnes présidentielles américaines et françaises. Comment les contrer ? C’est le débat d’ « On va plus loin ».

Lutte contre les « fake news » : un combat perdu d’avance ?

Les « fausses informations » pullulent sur les internets et réseaux sociaux, entachant les campagnes présidentielles américaines et françaises. Comment les contrer ? C’est le débat d’ « On va plus loin ».
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Les Fake News (fausses informations) ont entaché la campagne présidentielle américaine et pollué la française. Elles pullulent sur les internets et réseaux sociaux et sont un fléau tel, qu’on parle de risques avérés pour la démocratie.

Mathieu Sicard, journaliste et formateur au CFPJ, le centre de formation pour les journalistes, en donne une définition : « Une fake news, c’est une fausse information qui par sa conception a une visée de salir. Ce n’est pas quand on propage quelque chose de façon inconsciente, que l’info est à peu près vrai ou que c’[est] une grosse erreur (…) Il y a une visée pour faire du mal, pour atteindre quelqu’un ».

François Jost, professeur à la Sorbonne Nouvelle, spécialiste des médias, explique que ce phénomène des « fake news » n’est pas nouveau : « Les fausses nouvelles, les rumeurs ne sont pas des choses nouvelles. Ça existe depuis longtemps. On se rappelle Timisoara (…) Tchernobyl (…) Ce qui est très nouveau, c’est le mode de diffusion ».  

Lundi 13 novembre, la Commission européenne a lancé, une consultation publique ainsi que la création d’ « un groupe d’experts de haut niveau » pour « lutter contre la diffusion de fausses nouvelles ». Jean-Bernard Schmidt, co-fondateur et vice-président de Spicee, un média vidéo numérique, y voit une « bonne stratégie » : « Sa démarche est bonne. Tout le problème, c’est derrière comment agir. L’une (…) des choses vraiment importantes, c’est la répercussion et la rapidité de diffusion de ces infos. Mais surtout, à côté de ça, c’est la difficulté de les contrer, de les contredire ».

 « C’est pire que ça » ajoute François Jost. « Parce que non seulement, c’est dur de démonter, mais quand on démontre les gens n’y croient pas ».

Démonter les « fausses nouvelles » demande en plus du temps : « Il y a trois universitaires américains qui ont fait une étude sur la diffusion des vraies infos et des fausses infos sur Twitter. Un message vrai met en général 2h à être fact-checké, un message faux met 14h à être démonté. Donc 7 fois plus » explique Jean-Bernard Schmidt.

Pour combattre  ces « Fake news », la loi n’est pas adaptée. « Ça fait plus de 10 ans que je crie au manque de moyens juridiques » déplore Anthony Bem, avocat spécialiste du droit de l’image et de la presse. «  S’agissant de la question des sites internet, on a une loi de 2004 (…) qui est censée organiser la question de la responsabilité des sites internet. Le problème c’est qu’en 2004, les réseaux sociaux n’existaient pas » poursuit-il.

Pour montrer sa bonne volonté, Facebook, a fait appel à des médias partenaires pour faire des vérifications sur la véracité de contenus relayés sur sa plateforme, mais les résultats sont peu probants. Pour le journaliste Jean-Bernard Schmidt, c’est un peu de la poudre aux yeux : « Il y a une hypocrisie hallucinante des réseaux sociaux. Facebook, surtout Google et You Tube, vivent avec les « fake news ». Ils gagnent de l’argent concrètement ». Et l’avocat Anthony Bem de renchérir : « Ils ne vérifient rien et lorsqu’on leur signale que c’est illicite, ils ne le suppriment pas pour autant ». Il faut dire aussi, que ces géants du web ne sont pas responsables des contenus, ils ne sont que des hébergeurs dans le droit français.

 

Comment lutter contre les « fake news » ?

Alors que faire pour lutter efficacement contre ces « fausses nouvelles » ? Doit-on agir comme l’Allemagne où une amende allant jusqu’à 50 millions d’euros peut être infligée aux réseaux sociaux qui rechigneraient à lutter contre les « fake news » ?

Anthony Bem y est favorable : « Evidemment c’est l’aspect financier qui permettra de sanctionner (…) La solution ne sera pas nationale. Les réseaux sociaux ne sont pas en France ». Jean-Bernard Schmidt prône surtout pour la formation aux réseaux sociaux et aux médias, notamment chez les jeunes : « La punition et la contrainte, ça peut marcher (…) L’autre voie, plus optimiste, c’est d’arriver à éduquer, à former, à prévenir les choses ».

Mais François Jost reste pessimiste : « Les gens qui font circuler les informations ne regardent jamais la source (…) Donc il y a une responsabilité de l’internaute. J’ai des amis de gauche qui vont tweeter des choses de l’extrême-droite, sans s’en rendre compte ».

Lutter contre les « fake news » est capital mais, Anthony Bem est catégorique, en continuant à protéger la liberté d’informer : « Cette liberté de l’information n’a pas de prix. On ne peut pas la limiter en mettant des « guidelines » (…) Il revient à chacun de savoir comment s’exprimer, quoi dire. Et là, il y a une conscience personnelle qui est philosophique et non pas juridique ».  

OVPL Débat "fake news" en intégralité
27:57

Débat sur les "fake news" en intégralité

Partager cet article

Dans la même thématique

Elections legislatives, premier tour dans le gard.
4min

Politique

Municipales 2026 : la parité bouscule les petites communes

La parité s’impose désormais dans les communes de moins de 1 000 habitants. À partir des élections municipales de 2026, les listes devront respecter une stricte alternance femmes-hommes, et le panachage sera interdit. Une réforme qui, entre volonté d’égalité et réalités locales, divise fortement les élus.

Le

6min

Politique

Déploiement d’un service militaire volontaire ? « Le gouvernement s’engage dans cette voie-là », selon Hélène Conway-Mouret

Les propos du chef d’Etat-major des Armées, face au congrès des maires de France, ont fait réagir la classe politique, alors qu’il a appelé les édiles à « préparer leurs populations », à un possible conflit dans quelques années. Son discours a aussi réactivé l’idée d’un déploiement d’un nouveau service volontaire par Emmanuel Macron.

Le

Lutte contre les « fake news » : un combat perdu d’avance ?
6min

Politique

Budget de la Sécu : le Sénat supprime la hausse de la CSG sur le capital, fruit du compromis avec les députés PS

Comme annoncé, la majorité sénatoriale LR et centriste a supprimé la hausse de la CSG sur le capital votée par les députés, censée rapporter 2,66 milliards d’euros. « Vous défendez le capital, le profit, de manière entêtée », a dénoncé le sénateur PS, Yan Chantrel. La rapporteure, la centriste Elisabeth Doineau, a voulu en rester aux « mesures que la majorité sénatoriale avait défendues en juillet auprès de François Bayrou ».

Le