Accusé d'inertie sur les questions de laïcité, Emmanuel Macron a exhorté lundi les représentants du culte musulman à "combattre" davantage l'islamisme et le communautarisme, responsable selon lui d'une forme de "séparatisme" en France.
Recevant à l'Elysée les responsables du Conseil français du culte musulman (CFCM), le chef de l'Etat les a appelés à lutter contre une "ambiguïté" qui contribuerait à nourrir l'amalgame entre "la religion, la culture et l'islam politique", a rapporté à l'AFP le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, qui assistait à l'entrevue.
"Il faut que le CFCM ait une parole forte sur la place du voile, les femmes, l'école. Il faut un discours clair pour ne pas laisser perdurer l'ambiguïté dont s'alimentent les radicaux", a poursuivi le chef de l'Etat, en réponse à la récente polémique sur le port du voile lancée par un élu RN en Bourgogne-Franche-Comté.
Quelques heures plus tard, des coups de feu tirés devant la mosquée de Bayonne par un octogénaire, ex-candidat FN aux départementales de 2015 dans son canton des Landes, et qui a blessé grièvement deux personnes, a ravivé la crainte d'une stigmatisation de la communauté musulmane.
"Avec le climat actuel de stigmatisation de l'islam et des musulmans, il ne faut pas s'étonner que de tels actes puissent arriver", s'est indigné auprès de l'AFP Abdallah Zekri, le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie et délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM).
Lors de la réunion à l'Elysée, Emmanuel Macron a dit "attendre du CFCM un changement de rythme pour qu'il combatte, au côté de l'Etat, le communautarisme et l'islamisme", selon M. Castaner.
Dans un entretien diffusé sur RTL lundi mais enregistré trois jours plus tôt, le chef de l'Etat avait assuré ne pas vouloir "céder à la précipitation" sur ce sujet inflammable afin de ne pas contribuer à la "confusion collective" entre terrorisme et islam, près d'un mois après la tuerie de la préfecture de police perpétrée par un musulman soupçonné de radicalisation.
Mais il s'inquiétait également de la montée en puissance du communautarisme musulman, qui se nourrit d'une vision "dévoyée de l'islam".
"Dans certains endroits de notre République, il y a un séparatisme qui s'est installé, c'est-à-dire la volonté de ne plus vivre ensemble, de ne plus être dans la République, et au nom d'une religion", avait détaillé le président, appelant à renforcer l'action de l'Etat et promettant des mesures "dans les semaines qui suivent".
Lors de son voyage à La Réunion la semaine dernière, Emmanuel Macron avait tenté de clore la polémique en assurant que le port du voile dans l'espace public n'était pas "l'affaire de l'Etat" mais il n'avait pas réussi à faire taire les critiques venues de la droite et de l'extrême droite.
- "Annonces très fortes" -
Mis sous pression lundi, le CFCM s'est engagé à passer à l'action sans tarder et a promis des "annonces très fortes" dès mardi lors d'une réunion exceptionnelle de son conseil religieux, qui débattra du voile et des signes de radicalisation.
"Nous avons assuré le président de la République de la mobilisation des musulmans de France et plus particulièrement du CFCM", a déclaré le vice-président de l'instance, Anouar Kbibech, en promettant une "parole claire".
Le CFCM, qui a récemment dénoncé la "banalisation" du discours antimusulman, veut toutefois réaffirmer les différences entre la pratique soutenue de l'islam et les signes de radicalisation, que l'exécutif appelle à mieux détecter depuis l'attaque de la préfecture.
"Aller à la mosquée, porter une barbe, jeûner le ramadan avec ferveur, ce ne sont pas des signes de radicalisation et cela contribue à un amalgame honteux entre islam, islamisme et terrorisme", a détaillé M. Kbibech.
Signe de l'inquiétude chez les musulmans, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dimanche à Paris pour dire "stop à l'islamophobie".
"Il y a des sujets dont il faut parler, on n'est pas obligé de faire des amalgames, de mal les traiter. Le terrorisme n'est pas la même chose que le communautarisme qui n'est pas la même chose que la laïcité qui n'est pas la même chose que l'immigration", fait valoir un membre du gouvernement.
Selon M. Castaner, une réflexion sera engagée avec le CFCM contre la radicalisation pour déboucher d'ici à fin novembre sur des propositions qui seront faites au président et au Premier ministre.
Le "problème, c'est quand l'islam cesse d'être une religion pour devenir une idéologie", a dit M. Castaner, soulignant vouloir "protéger" ceux qui "acceptent" la République.