Pour faire le bilan des « 100 jours d’apaisement » qu’il avait décrétés à la sortie de l’adoption au forceps de la très conflictuelle réforme des retraites, Emmanuel Macron a choisi les JT de 13h de France 2 et de TF1. C’est déjà ce format que le président avait choisi pour s’exprimer le 22 mars. Mais cette fois, le chef de l’Etat n’est pas en plateau à Paris, mais à 17 000 kilomètres de là, à Nouméa.
L’interview menée par Jacques Legros, journaliste à TF1, et Nathanaël de Rincquesen, journaliste à France 2, est aussi enregistrée une heure avant sa diffusion. La première image qui apparaît à l’écran interpelle. Un triptyque. Le journaliste de TF1 à gauche sur fond bleu clair, le président de la République au centre, lui aussi sur le même fond bleu avec un drapeau tricolore et européen et le journaliste de France 2 à droite qui lui aussi… est devant un fond bleu.
Manque de spontanéité
Sur la forme Emilie Zapalski, communicante politique et fondatrice d’Emilie Conseil, juge l’entretien « pas génial ». « Les silences imposés par la latence entre Paris et Nouméa donnaient un sentiment de décalage, comme une impression de distance et de contrôle de l’information », analyse la communicante. Olivier Rouquan, politologue et chercheur au CERSA estime lui que ce format d’interview « était un exercice hybride entre la déclaration unilatérale et le dialogue avec les journalistes ».
Selon lui, « du fait du décalage, le président avait une marge de manœuvre supérieure que si l’interview avait été en face-à-face ». « Ça manquait de spontanéité », relève Olivier Rouquan. « Il n’y avait pas beaucoup d’interactions, c’était très sage et on sentait la frustration des journalistes parce que les relances ne marchaient pas », note Emilie Zapalski.
Répétition d’éléments de langages
Sur le fond, Emmanuel Macron n’a pas non plus annoncé de nouvelles mesures. « Cela fait un moment qu’il n’y a pas de nouveauté », relève Olivier Rouquan. Après l’intervention d’Emmanuel Macron lors du Conseil des ministres ce vendredi 21 juillet, le chef de l’Etat a répété les mêmes éléments de langage. Une stratégie assumée selon le politologue : « L’exécutif a conscience de la difficulté à faire passer des messages, donc il parie plutôt sur une écoute assez flottante des Français en vacances. En espérant qu’en répétant certains éléments, ils finiront par passer. »
Pendant l’entretien, Emmanuel Macron a égrené les sujets : rentrée scolaire, émeutes, interview polémique du directeur général de la police, écologie ou encore immigration. « C’est une liste de tout ce qu’il a fait et qui lui reste à faire, mais ça ne crée pas un tout cohérent », fustige Emilie Zapalski. Au cours de l’interview, le chef de l’Etat a martelé trois fois « l’ordre, l’ordre, l’ordre » en parlant des émeutes. « Il veut essayer la méthode Coué », observe la communicante.
D’après elle, le président a endossé tour à tour « le rôle du ministre de l’Education puis du ministre de l’Intérieur ». Ce qui fait même dire à Olivier Rouquan qu’on « peut se demander si Gabriel Attal (nouveau ministre de l’Education nationale), aura toute autonomie », sachant qu’Emmanuel Macron avait chipé la primeur des annonces dans ce domaine à l’ancien ministre Pap Ndiaye.
Concurrence de visibilité
Pour Emilie Zapalski : « Il aurait mieux valu avoir un message général et plus dynamique ». La communicante considère qu’Emmanuel Macron « cherche un souffle pour ce deuxième quinquennat qui ne démarre jamais ». En répétant les mêmes diagnostics et les mêmes mesures, la fondatrice de l’agence Emilie Conseil explique même que le président est « en retard d’un cran. Il est hors-sol ! ».
Cette stratégie de la répétition poursuit un objectif d’après Olivier Rouquan : « L’idée est d’occuper le terrain et que les caméras se braquent sur l’exécutif. Il y a une concurrence de visibilité entre le pouvoir parlementaire et l’exécutif ». Le politologue estime qu’Emmanuel Macron et la majorité ont adopté une posture de défense. « Une autre stratégie en posture de défense, c’est au contraire de raréfier sa parole. Mitterrand avait fait ça lors du premier septennat, avant la nomination de Laurent Fabius au poste de Premier ministre. Macron, lui, veut rester sur le devant de la scène », constate le chercheur.