Macron contre Le Pen, un duel durable ?

Macron contre Le Pen, un duel durable ?

Les uns après les autres, les sondages dessinent une nouvelle bipolarisation de la vie politique française entre Emmanuel Macron...
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Par Anne RENAUT

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Les uns après les autres, les sondages dessinent une nouvelle bipolarisation de la vie politique française entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, les finalistes de la présidentielle de 2017. La persistance de ce duel intrigue experts et politiques, entre hypothèse d'une nouvelle lutte des classes et inquiétudes pour la démocratie.

Q: Comment le duel s'est-il installé?

"C'est l'échec des partis de gouvernement à transformer le pays, à respecter leurs promesses", selon le directeur adjoint de l'Ifop, Frédéric Dabi, et l'effondrement consécutif du PS et de LR qui ont permis la percée de M. Macron et conforté celle de Mme Le Pen.

Frédéric Dabi voit des "phénomènes semblables" en Allemagne, en Italie ou en Grèce, même si "le phénomène du RN est très antérieur".

Le résultat des Européennes de mai -le RN en tête, LREM à un point, et tous les autres partis loin derrière- a confirmé le duel. Désormais à mi-chemin de 2017 et de 2022, les deux camps ont respectivement "intérêt à ne pas avoir d'adversaire crédible sur le plan de la gestion ou d'adversaire réceptable du mécontentement", poursuit l'expert.

Q: Est-ce un phénomène durable ?

Oui, en l'absence d'alternative et parce que "le temps nécessaire à la reconstitution d'un appareil militant (pour le PS et LR) est assez long", note le politologue Jean-Yves Camus.

Mais "les choses ne sont pas complètement figées" selon M. Dabi, qui relève que le vote des salariés se partage en deux moitiés égales au second tour.

Les Français ne veulent pas non plus du duel, estime-t-il: "Tout cela doit nous inciter à une certaine prudence".

Q: Reflète-t-il une forme de lutte des classes ?

Jérôme Sainte-Marie, auteur de "Bloc contre bloc" (Le Cerf, novembre 2019), divise l'électorat aujourd'hui en un "bloc élitaire" pro-Macron composé des plus riches, des cadres supérieurs et des retraités, et un "bloc populaire" fait de petits entrepreneurs, artisans-commerçants et salariés d'exécution du privé qui votent Le Pen.

Le premier camp viserait "l'adaptation d'un modèle social aux contraintes de la mondialisation" quand le second voudrait "la préservation d'une identité nationale contre les phénomènes migratoires".

M. Dabi voit aussi une forme de lutte de classes, "qui avait été atténuée dans le clivage gauche-droite, où des catégories aisées pouvaient voter à gauche et des catégories populaires pouvaient voter à droite".

Jérôme Fourquet, auteur de "L'Archipel français" (Seuil, mars 2019), estime que la situation est "plus complexe" parce que "le bloc populaire est très hétérogène", et "qu'une grande partie de la classe moyenne n'est pas suffisamment dans la mouise pour avoir envie de renverser la table". Pour autant, il admet que M. Macron et Mme Le Pen "réalignent le clivage politique sur un clivage de classes".

Q: Est-ce dangereux pour la démocratie ?

Réduire la vie politique à un duel est un "danger pour la démocratie", assure le président LR du Sénat Gérard Larcher, qui défend l'existence "d'un espace politique" entre LREM et le RN.

"Le quinquennat sera réussi si on parvient à sortir de ce duopole entre La République en marche et l'extrême droite", dit à son tour Philippe Grangeon, un conseiller proche d'Emmanuel Macron, dans un portrait que lui consacre Le Monde vendredi: "Il nous faut donc des vrais contre-pouvoirs, des partis d'opposition dignes de ce nom. Il en va d'une démocratie vivante."

Le duel Macron-Le Pen "est un jeu très périlleux", déplore l'écologiste David Cormand (EELV), pour qui il "faut une autre solution que Macron en 2022 si on veut être sûrs que Mme Le Pen ne gagne pas". Et à en croire l'ex-LR Valérie Pécresse (Libres!), "on ira à la faillite et peut-être aussi à la guerre civile" si Marine Le Pen arrive au pouvoir.

Frédéric Dabi rappelle, lui, que les Français considèrent que "la démocratie fonctionne mal" non pas à cause de ce duel, mais en raison de "l'impuissance croissante du politique à respecter ses promesses".

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