« C’est l’éloge du et en même temps », cingle le sénateur LR, Stéphane Piednoir, après avoir entendu le président de la République vanter les mérites du nucléaire. En visite en Polynésie française mardi 27 juillet, Emmanuel Macron a en effet affirmé que le nucléaire était une « chance » pour la France.
Concernant les éoliennes, le président dit vouloir adopter une politique du « cas par cas » quand Xavier Bertrand et Marine Le Pen se sont déjà emparés du sujet pour dire tout le mal qu’ils en pensaient. A moins d’un de la présidentielle, les propos du président de la République sur le nucléaire passent assez mal au Sénat, chez la droite comme chez les écologistes.
Membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), Stéphane Piednoir rappelle que l’Etat a choisi d’abandonner le projet Astrid et donc le déploiement de réacteurs de quatrième génération en 2019. Un rapport de l’OPECST, remis le 21 juillet dernier, évalue justement les conséquences de cet abandon (lire notre article).
Nucléaire : « On a besoin de décisions »
L’arrêt de ce programme, sans concertation ni consultation du Parlement, demeure peu compréhensible pour le sénateur LR de Maine-et-Loire. « Je peux accepter que l’on remplace un programme mais que l’on nous dise par quoi on le remplace. Cela fait deux ans que l’on procrastine alors qu’on a besoin de décisions », souffle Stéphane Piednoir.
« Au cours de son mandat, il n’est pas non plus revenu sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), sauf pour reporter de dix ans la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité », pointe-t-il. La France s’était en effet engagée à ramener la part de nucléaire à 50 % en 2025, puis à 2035, « l’an dernier, le nucléaire représentait 70 % de la production d’électricité, cet objectif est complètement irréaliste ».
Si le sénateur LR partage les convictions du chef de l’Etat sur le nucléaire, il juge durement sa politique : « une espèce de tambouille où il cherche à ne froisser personne » et où il finit surtout par ne contenter personne.
« Le nucléaire est une aberration économique »
De l’autre côté de l’hémicycle, l’écologiste Ronan Dantec a reçu tout aussi fraîchement cette déclaration. « Le nucléaire est surtout un malheur Français », tance le sénateur de Loire-Atlantique. Lui juge que cette énergie « affaiblit la France depuis 70 ans » en réduisant les parts d’investissements dans d’autres secteurs.
Ronan Dantec dénonce « une aberration économique : le nucléaire coûte plus cher l’éolien offshore ou le photovoltaïque ». « Il faut que les Français comprennent que si on continue comme ça, ils paieront leurs factures plus chères demain », insiste le sénateur écologiste. Si le débat patine, c’est que « dès qu’on parle de nucléaire, on touche à tabou français ».
Le sénateur dénonce également « un véritable lobby à la tête de l’Etat », en prenant l’exemple de l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, qui durant trois ans a été directeur des Affaires publiques d’un fleuron français du nucléaire : Areva.
« On est les derniers au monde à faire ça. Les Allemands sont en train de réussir leur pari de sortie du nucléaire et du charbon par un choix de production décentralisée en drainant l’épargne locale et renouvelable, nous, on assèche l’épargne publique », se désespère le sénateur écologiste.
Le président de la République a choisi de faire cette déclaration sur un territoire pourtant meurtri par le nucléaire. De 1966 à 1996, le gouvernement français a réalisé pas moins de 193 essais nucléaires dans les eaux polynésiennes. En mars dernier, le média d’investigation Disclose révélait l’existence d’un rapport établissant pour la première fois l’existence d’un « cluster de cancers de la thyroïde » liés aux essais nucléaires français. Sans présenter d’excuses, Emmanuel Macron a reconnu « une dette » et affirmé que les victimes de ces essais devaient être mieux indemnisées.