La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Macron face au défi corse
Par Héléna Berkaoui / Vidéo : Oriane Mancini, Quentin Calmet
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Emmanuel Macron se rend mardi sur l’île de beauté. Une visite attendue de pied ferme par les nationalistes corses. Un séjour de 48 heures que le président de la République démarrera par une cérémonie en hommage au préfet Érignac, assassiné il y a 20 ans. Une cérémonie que vous pouvez suivre à partir de 10h30 sur Public Sénat.
Dans un second temps, Emmanuel Macron clarifiera sa vision politique sur l’avenir de l’île de beauté. Selon les informations d’Oriane Mancini, une rencontre est prévue entre le président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni et le chef de l’État, mardi soir à 20 heures.
Forts d’une victoire nette et sans bavure aux élections territoriales de décembre 2017, les nationalistes corses comptent bien voir leurs exigences satisfaites. Pour prévenir une éventuelle fin de non-recevoir, les nationalistes ont organisé une manifestation ce week-end. Une manifestation qui revendique près de 25.000 participants. La préfecture décompte quelque 6.000 participants, un écart propre à toutes manifestations qui n’enlève rien au signal de détermination envoyé par les nationalistes. Reste à savoir si cette démonstration de force sera suffisante pour infléchir les positions esquissées par l’exécutif. Dans un discours prévu mercredi à Bastia, le chef de l’État précisera sa vision de l’avenir de la Corse.
L’amnistie des « prisonniers politiques corses » : la carte du « cas par cas »
L’amnistie pour les « prisonniers politiques corses », est une demande soutenue notamment par Jean-Guy Talamoni. Parmi ces prisonniers figurent le militant indépendantiste, Yvan Colonna, condamné à perpétuité pour l’assassinat du préfet Érignac. Une demande qui fait tressaillir certains politiques. Le socialiste François Kalfon fustigeait ce lundi « Monsieur Talamoni, qui met la cravate à Paris mais qui est un homme radical », tout en qualifiant de « scandaleux » la demande de libération des « prisonniers politiques » (lire notre article). Au micro de Public Sénat, la ministre chargée du dossier Corse, Jacqueline Gourault, rappelait que la garde des Sceaux « étudierait au cas par cas la situation de ces détenus qui sont sur le continent ».
Fin de non-recevoir pour la co-officialisation de la langue corse
Sur la liste des revendications figure également la co-officialisation de la langue corse. « Il est écrit dans la Constitution que le français est la langue de la République », expliquait Jacqueline Gourault en soulignant que le gouvernement était opposé à cette demande (revoir son interview). Une position qui fait grincer les dents des nationalistes. « La langue, c'est la culture, le droit pour nous de faire en sorte qu'elle ne disparaisse pas. Il y a des études scientifiques qui disent très clairement qu'à défaut d'un statut d'officialité notre langue va disparaître, nous ne pouvons pas accepter que cette part de nous-mêmes disparaisse », s’alarmait Jean-Guy Talamoni sur Europe 1 en janvier dernier.
Inscription de la spécificité corse : la porte entrebâillée
Dans un propos un tantinet lapidaire, la ministre chargée du dossier Corse assure que « la porte n’est pas n’est fermée ». Cette disposition supposerait une modification de la Constitution. À quelques mois de la révision constitutionnelle voulue par le chef de l’État, cela pourrait théoriquement être possible. Il faudrait modifier l’article 72 de la Constitution sur la libre administration des collectivités. Rien n’est acté pour le moment mais les dernières discussions avec le Premier ministre et le président du Sénat Gérard Larcher, ont refroidi les dirigeants corses.
Gérard Larcher a clairement défini deux lignes rouges : la co-officialité de la langue corse avec le français, mais aussi le statut de résident, permettant de protéger les Corses de la spéculation immobilière (lire notre article).
L’épineux « statut de résident »
C’est sans doute le point le plus sensible des négociations. Le statut de résident tend à protéger l’île de la spéculation immobilière. Dans une résolution adoptée par l’Assemblée de Corse – et qui sera présentée au président mardi – les parlementaires de l’île de beauté conditionnent le droit à devenir propriétaire à au moins 5 ans de résidence permanente sur l’île. Si les six parlementaires corses affiliés à LREM ont également voté ce texte, Christophe Castaner les a dédits. « Le seul positionnement politique de LREM n’est pas celui de la motion qui est adoptée, je vous le dis, il est celui du discours du président de la République qu’il a tenu à Furiani pendant la campagne », affirmait-il au Grand Jury (LCI-RTL-Le Figaro) dimanche. Le mot de la fin reviendra au président de la République.