Après une séquence sur la scène internationale, retour au local, voire au très local, pour Emmanuel Macron. Pour le 104ème congrès de l’Association des maires de France, le chef de l’Etat a choisi de se rendre… au salon des maires. La différence ? Pas de discours dans la grande salle, mais une déambulation dans les allées d’un autre hall du Parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris.
« J’ai traversé les crises avec les maires, je sais ce que je leur dois »
Après les huées de 2017 dans l’auditorium, Emmanuel Macron a voulu se montrer au contact des maires. Ces maires qui, lors du grand débat, l’ont aidé à se sortir du guêpier des gilets jaunes. Avançant lentement au milieu d’une foule compacte, le Président se fraie difficilement un chemin, interpellé régulièrement. « A portée d’engueulade », comme dirait le président du Sénat, Gérard Larcher. Mais l’accueil, ce mercredi, est plutôt bon.
« On a vécu ensemble la crise des gilets jaunes, le covid, la guerre. J’ai traversé ces crises avec les maires, je sais ce que je leur dois », lance le président de la République, qui ajoute : « J’ai beaucoup appris des maires les cinq premières années ».
« Bon, le moral est bon ? T’embrasse tout le monde »
Ceux qui regrettent l’absence du chef de l’Etat à la tribune devront attendre encore un moment. « Le premier mandat, j’ai fait quatre discours. Je préfère être aux côtés des maires pour faire des réponses concrètes », « sinon, j’ai l’impression de faire toujours le même discours », lance-t-il. Donc « dorénavant », il continuera dans ce format. A la première ministre, Elisabeth Borne, de conclure le congrès sur la grande scène.
Certains s’amusent de pouvoir approcher le Président, attraction du jour au salon. « C’est mon rêve de vous rencontrer », lance un homme. « Il est charmeur », réagit après un échange une fonctionnaire. Les selfies s’enchaînent. Des entreprises croisées sur le chemin tentent de vendre leurs solutions pour les communes, comme « recycler les mégots de cigarettes », ou des interphones. « Quand est-ce qu’on équipe l’Elysée ? » demande le responsable. « On n’a pas d’interphone » répond au tac au tac Emmanuel Macron, toujours agile au milieu de la foule. Un maire lance au Président qu’« on a 200 places qui ne servent à rien dans le cimetière ». Un autre regrette de ne pas être invité le soir même à l’Elysée, où mille maires sont reçus pour écouter un discours de l’hôte des lieux. « Mais venez, venez avec les copains » lui lance le chef de l’Etat. Il croise semble-t-il une connaissance : « Bon, le moral est bon ? T’embrasse tout le monde ». Un peu plus loin, des élus de Polynésie le couvrent des traditionnels colliers.
« On est vraiment pris à la gorge »
La question du coût de l’énergie, qui flambe, est sur toutes les lèvres des maires. Selon un sondage Ifop pour Acteurs Publics et Hellio, 63 % des maires affirment être mécontents de l’action du gouvernement pour aider les communes à faire face à la hausse des coûts de l’énergie. « On est vraiment pris à la gorge », l’alerte Zartoshte Bakhtiari maire (divers droite) de Neuilly-sur-Marne, « les écoles sont à 18/19 degrés, les enfants sont dans une mauvaise situation ». Il reconnaît que « l’amortisseur (mis en place par l’Etat) permet d’atténuer un peu le prix ».
« Un maire d’une commune de 7.000 habitants veut vous parler », lance un homme. C’est André Mondange, maire PCF de Péage-en-Roussillon. Il arrive à s’approcher du Président. « Le prix de l’énergie, c’est chaud pour les collectivités ! Très très chaud ! » l’interpelle le premier édile (voir la première vidéo). Emmanuel Macron rappellera un peu après les actions de l’Etat : « L’amortisseur », « le filet de sécurité » et la hausse de la dotation globale de fonctionnement pour les communes, à hauteur de 320 millions d’euros, « un effort qui n’a pas été fait depuis 13 ans ». Au total, c’est « 2,5 milliards d’euros ».
« J’ai été agressé deux fois dans mes fonctions »
Le maire de Péage-en-Roussillon raconte que « la dernière unité de paracétamol d’Europe » a été fermée sur sa commune, en 2009. Il y a travaillé 40 ans. « Il a fallu la pandémie pour se rendre compte » que c’était une erreur, regrette l’élu. Aujourd’hui, une nouvelle unité va rouvrir, en 2024/2025. « C’est une bonne chose ». Regardez (interview Audrey Vuetaz) :
André Mondange, maire de Péage-en-Roussillon, raconte avoir été agressé deux fois dans ses fonctions
Le « pool » presse passé, le conseiller sécurité du Président échange avec l’élu. André Mondange a aussi été confronté au problème des agressions d’élus. « On a un point de deal très chaud. J’ai été agressé deux fois dans mes fonctions », raconte le maire. Une menace de mort et un pavé dans sa voiture. « Je vais voir si le préfet peut vous recevoir », lui glisse le conseiller.
Tous les élus n’ont pas pu croiser le chemin du Président. Ils n’en ont pas moins des doléances. Alain Gaudray, maire de Fragnes-la-Loyère, commune de 1.500 habitants de Saône-et-Loire, « attend d’avoir un peu plus d’autonomie, de façon à gérer en toute confiance, ce qui n’empêche pas l’Etat d’avoir un droit de regard et même de contrôle », estime-t-il. « Les élus sont des gens matures qui ont une grande sensibilisation à la bonne gestion », souligne-t-il, avant d’ajouter : « On gère l’argent de la collectivité comme si c’était le nôtre, en bon père de famille ».
« On a déjà fait beaucoup d’efforts, on isole tous nos bâtiments communaux »
Alain Gaudray a pu échanger avec Emmanuel Macron « les deux dernières fois, en tête à tête ». Il part à sa rencontre essayer « de lui parler ». Un peu plus loin, on croise Sophie Lay, maire de Saint-Geniès-Bellevue, 2.500 habitants, en Haute-Garonne. « Je suis divers vert », sourit-elle. Sur l’énergie, sa commune s’en sort à peu près. « Nous, on est protégé car on a fait un contrat groupé et on essaie d’installer des panneaux voltaïques sur nos bâtiments », dit-elle. La maire se plaint de la paperasse administrative, « il faut qu’ils simplifient pour le photovoltaïque, notamment près des bâtiments de France ».
Christelle Pelle, maire d’Autainville, commune de 472 habitants du Loir-et-Cher, attend elle d’être plus « accompagné pour la sobriété énergétique ». « On a déjà fait beaucoup d’efforts, on isole tous nos bâtiments communaux », explique l’élue, qui a aussi « changé les éclairages pour passer aux LED ». Et « on baisse le chauffage à 19, évidemment ». Elle assure que ce n’est pas un sujet, « nos agents mettent un pull en plus », sourit Christelle Pelle.
« C’est très compliqué d’être maire, en ce moment »
Hubert Lhonneur, maire LR de Carentan-les-Marais, dans la Manche, regrette pour sa part de devoir faire « des restrictions sur le chauffage et l’éclairage ». « J’attends qu’Emmanuel Macron redonne la totalité des dotations », lance l’élu, dont la commune « a perdu 650.000 euros, dans la dotation rurale ». Avec « la hausse de 450.000 euros » pour le point d’indice des fonctionnaires et « l’énergie, ça va faire beaucoup ».
Olivier Hondeville, maire de Vibeuf, en Seine-Maritime, « n’attend rien d’Emmanuel Macron », car « il ne veut pas nous rencontrer dans le grand auditorium ». Son problème : un plan local d’urbanisme caduc. « On n’a pas les moyens de le refonder. Ça coûte 25.000 euros. On ne les a pas », raconte-t-il. En attendant, « une dame qui veut construire une maison adaptée à son âge dans son terrain, n’a pas le droit de le faire ». « Il faut assouplir les réglementations », dit-il. Attendant « plus pour la ruralité », il ne peut que constater que « c’est très compliqué d’être maire, en ce moment ».