Reçus par Michel Barnier, les responsables communistes ont rappelé au nouveau Premier ministre leurs lignes rouges, alors que la majorité des membres du Nouveau Front populaire annonce déjà vouloir censurer le futur gouvernement. Interrogée par Public Sénat, Cécile Cukierman, présidente du groupe communiste au Sénat, reconnaît néanmoins des « diagnostics partagés » avec le nouveau locataire de Matignon sur la situation du pays.
Macron sur TF1 : « Des annonces et de la communication pour couvrir le bruit des casserolades », raille Bruno Retailleau
Par François Vignal
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Pas d’annonce ou presque. Mais une mise en perspective et de la pédagogie. Après une série de déplacements sur le terrain, un entretien à Challenges et un autre à L’Opinion, Emmanuel Macron continue son opération reconquête. De son interview au 20 heures de TF1, ce lundi soir, on n’apprendra rien de fondamentalement nouveau, si ce n’est quelques précisions sur de nouvelles baisses d’impôts. Le chef de l’Etat a surtout tenté de montrer la cohérence et le sens de sa politique, que nombre de Français ont du mal à percevoir ou tout simplement à partager.
« Ces 6 dernières années, nous avons créé 1,6 million d’emplois »
A l’image de « Choose France », où Emmanuel Macron a reçu ce lundi 200 grands patrons de multinationales à Versailles, avec à la clef 13 milliards d’investissements annoncés, le président de la République continue de défendre sa politique pro entreprise menée depuis 2017, avec la « baisse du coût du travail » ou la réforme du Code du travail par les ordonnances. « Ces 6 dernières années, nous avons créé 1,6 million d’emplois », claironne Emmanuel Macron, qui fait de la « réindustrialisation » l’un de ses principaux objectifs.
Dans sa logique de produire plus par le travail, il « assume » toujours et plus que jamais la réforme des retraites. Il « récuse » avoir été méprisant, « le vrai mépris serait de mentir aux gens ». Preuve selon lui de sa franchise, il souligne l’impopularité de la réforme :
Au passage, il tacle la partie des LR – sans les citer – qui n’ont pas soutenu la réforme. « Comme la réforme est impopulaire, tout le monde s’est débiné, y compris des gens au Parlement qui avaient fait la campagne, bravache, pour les 65 ans », lance Emmanuel Macron.
Hausse de salaires : Emmanuel Macron « renvoie la responsabilité aux entreprises »
Sur l’inflation, il ne faut pas attendre trop de pression sur les grands distributeurs ou l’agroalimentaire. « On va remettre un peu tout le monde autour de la table, pour essayer de faire baisser les prix », dit Emmanuel Macron. Même chose sur les salaires où il ne faut pas forcer les entreprises. Rappelant le triplement de la prime Macron ou l’accord sur le partage de la valeur qui sera retranscrit dans la loi, il appelle avant tout au « dialogue social : je renvoie la responsabilité aux entreprises ».
Restent les baisses d’impôts, promises pour les classes moyennes, pour les salaires entre 1500 et 2500 euros. Il annonce une enveloppe : il y aura d’ici la fin de son quinquennat « 2 milliards de baisses d’impôts pour ces ménages ». Une somme prévue « dans notre trajectoire budgétaire jusqu’en 2027 », assure Emmanuel Macron. Autrement dit, elle n’aggraverait pas les déficits. S’il a demandé au gouvernement de plancher sur les différentes pistes, il en a lâché une : « Il y a plusieurs éléments et je ne veux pas fermer des portes mais il peut y avoir des choses intéressantes à faire quand vous payez des charges, quand vous êtes salarié » pour « permettre d’avoir un reste à vivre plus important », a évoqué le chef de l’Etat.
« La logique, depuis le début, c’est le travail, l’émancipation, un pays qui crée de la richesse », rappelle François Patriat
A peine l’interview diffusée – elle a été enregistrée plus tôt dans la journée – le sénateur François Patriat, fidèle soutien du chef de l’Etat, explique avoir vu un Emmanuel Macron « tonique, combatif, qui redonne une vision au pays et justifie cette stratégie avec lucidité, et qui assume complètement les difficultés ». « La logique, depuis le début, c’est le travail, l’émancipation, un pays qui crée de la richesse, de l’emploi, du pouvoir d’achat », défend le président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat.
Sur les impôts, « tout ce qui compte, c’est de redonner du pouvoir d’achat. Si ce sont des baisses de charges ou d’impôts, ce qui compte, c’est qu’à la fin du mois, le salarié ait 100 ou 150 euros de plus », soutient François Patriat.
« Détourner l’attention et faire oublier la réforme des retraites » selon Bruno Retailleau
Dans l’opposition, on reste évidemment sur sa faim. « Il n’y a aucune annonce. L’exercice de ce soir reste un exercice de communication », réagit Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat, qui y va de sa formule : « Depuis des jours et des jours on a des giboulées d’annonces et un tapis de bombes en termes de communication, qui visent à couvrir le bruit des casserolades ».
Le sénateur LR de Vendée distribue cependant quelques bons points. « Pour être juste, je l’ai trouvé assez efficace et clair dans la défense de la réforme des retraites », soutient Bruno Retailleau, qui a soutenu la réforme avec son groupe. Sur la baisse d’impôt pour les classes moyennes, il n’aura rien à redire non plus sur le principe, mais il note que « c’est trop flou, et c’est sur le mandat ». « Je l’ai trouvé aussi constant, dans le sens, heureux de la situation et content de ce qu’il fait. C’est-à-dire en léger décalage avec la réalité. Pour lui, il n’y a pas de problème », ajoute le patron des sénateurs LR.
Surtout, Bruno Retailleau pointe ce qu’il voit comme une limite de taille : « Il n’y a pas l’once du début d’une annonce sur la fin du quoi qu’il en coûte. Il y a une multiplication d’annonces ces derniers temps, qui obéit à une logique politique de détourner l’attention et de faire oublier la réforme des retraites. Cette surcommunication est le fruit de l’impuissance politique. Mais on voit bien que lorsqu’il s’agit de sortir d’une crise sociale, Emmanuel Macron en sort avec une recette : toujours plus de dépenses publiques. Un des grands dangers de la France, c’est la spirale du déficit, de la dette et une crise financière ».
« Bla-bla, enfumage » sur les modes de garde, dénonce la socialiste Laurence Rossignol
A gauche, la sénatrice Laurence Rossignol, vice-présidente PS du Sénat, s’étonne du ton présidentiel. « J’ai l’impression qu’il parlait à ses députés et d’avoir été invitée à une réunion de la majorité avec un gars qui fait des piqûres de ciment à tout le monde, pour remonter le moral des troupes. Je n’ai pas l’impression qu’il parlait aux Français », raille la sénatrice socialiste, qui ajoute :
Alors qu’Emmanuel Macron a évoqué l’importance de développer des solutions de garde pour faciliter le retour à l’emploi pour les titulaires du RSA, l’ancienne ministre des Familles et des Droits des femmes attaque le chef de l’Etat sur ce point : « Vous croyez qu’on sort des crèches en trois mois ? C’est du bla-bla, c’est de l’enfumage, car il sait qu’il a un problème là-dessus. 25% des bénéficiaires du RSA sont des mères monoparentales ».
« La qualité de vie passe aussi par le niveau des services publics. Or c’est totalement absent »
Globalement, pour Laurence Rossignol, « c’est business as usual ». « Il veut encore baisser le coût du travail et alléger les charges des entreprises, mais le salaire, ce sont aussi les cotisations sociales. C’est le salaire différé. Tout ça n’existe pas pour lui, il n’a aucune culture sociale », dénonce la sénatrice de l’Oise. Laurence Rossignol ajoute que « la qualité de vie passe aussi par le niveau des services publics. Or c’est totalement absent. En fait, c’est une vraie société libérale. C’est Thatcher, 40 ans après ».