Mirecourt: French president Emmanuel Macron
Christine Biau/SIPA

Macron veut interdire les portables au lycée : mesure qui « va dans le bon sens » ou « peine perdue » ?

Le chef de l’Etat a annoncé que les téléphones portables allaient « sans doute » être interdits dès la rentrée prochaine dans les lycées. C’est « faisable », soutient le sénateur Renaissance Martin Lévrier. « Il est incorrigible. C’est une annonce par jour pour exister », raille le sénateur LR Max Brisson, opposé à l’interdiction au lycée. « Une annonce un peu surréaliste » qui élude les vrais problèmes, dénonce la sénatrice PS Colombe Brossel.
François Vignal

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C’est le sujet qui occupe particulièrement le chef de l’Etat depuis quelques semaines : les dangers des réseaux sociaux pour les jeunes. Lors d’un nouveau déplacement en province, Emmanuel Macron a annoncé ce vendredi qu’il comptait probablement interdire les téléphones portables au lycée.

« On a sorti le portable du collège à la rentrée dernière et on va sans doute l’élargir aux lycées à la rentrée prochaine avec le ministre, il est en train de regarder ça », a affirmé le président de la République, lors d’un échange avec des lecteurs des journaux régionaux de l’est de la France du groupe EBRA, à Mirecourt, dans les Vosges. « On l’avait fait dans les collèges de manière expérimentale, on l’a généralisé en septembre dernier » et cela fonctionne « plutôt bien », selon Emmanuel Macron.

« On a une flambée de la solitude et au fond, un problème de santé mentale de nos jeunes. Et même si on n’arrive pas à faire un lien de cause à effet, on a clairement un lien de corrélation », a ajouté Emmanuel Macron, qui a aussi rappelé son intention d’« interdire les réseaux sociaux avant 15 ans ». Une proposition de loi Renaissance en ce sens a déjà été adoptée à l’Assemblée.

« Ça va dans le bon sens », selon le sénateur Renaissance Martin Levrier

« C’est un très bon début », réagit le sénateur Renaissance, Martin Levrier, qui a voulu aller plus loin, lors des débats sur le budget de la Sécu. Il a déposé un amendement pour carrément interdire la vente de smartphone aux moins de 16 ans. Mais « tout ce qui va dans le sens d’un ralentissement de l’utilisation du smartphone par les jeunes va dans le bon sens », même s’il craint qu’il faille « un jour être radical et arriver à ce que j’ai proposé ». Pour Martin Levrier, il faut « retrouver ce qu’est la vie en société. Qu’ils se parlent dans la cour de récré, qu’ils jouent ».

Mais la mesure est-elle réalisable en pratique ? Pour le sénateur des Yvelines, « c’est faisable ». « J’ai été pendant 30 ans dans un lycée. Quand on veut, on peut. Je n’en peux plus de ces discours qui disent, « vous vous rendez compte du travail supplémentaire que ça implique ? » », lance Martin Levrier. « C’est un peu notre drame en France. Quand il y a une loi qui ne nous plaît pas, on décide de ne plus l’appliquer », lance-t-il, avant d’ajouter : « Si on est capable d’interdire une bouteille d’alcool fort au lycée, on est capable d’interdire les smartphones ».

« Aller contre la société, telle qu’elle est, c’est peine perdue, c’est une forme de passéisme » pour le sénateur LR Max Brisson

L’annonce présidentielle passe mal en revanche aux yeux du sénateur LR Max Brisson. « De quoi se mêle le Président ? Une annonce de plus. On doit les compter par milliers. Il est incorrigible. C’est une annonce par jour pour exister », réagit le sénateur des Pyrénées-Atlantiques. « Bien sûr, il y a un sujet », reconnaît celui qui suit les questions d’éducation au groupe LR du Sénat, « mais vouloir aller contre l’évolution de la société, alors que ce sont de jeunes adultes ou de futurs adultes. Certains sont majeurs au lycée et votent. Aller contre la société, telle qu’elle est, c’est peine perdue. C’est une forme de passéisme, qui me surprend de quelqu’un qui se voulait progressiste ».

Pour lui, « c’est de l’autorité du professeur, si on veut l’interdire en classe ». Il ajoute : « On veut leur tirer les oreilles, alors que les adultes utilisent le téléphone portable ? Qu’on interdise le téléphone sur le lieu de travail des adultes alors. Tout ça n’est pas sérieux ». Max Brisson y voit l’expression d’une « société de l’enfantillage prolongé ».

« Est-ce qu’on pourrait s’occuper de l’essentiel sur l’éducation et pas de l’accessoire ? » demande la socialiste Colombe Brossel

La socialiste Colombe Brossel accueille tout aussi froidement la déclaration présidentielle. « Il faut qu’Emmanuel Macron arrête de se mêler de politique éducative, car c’est épuisant », soutient la sénatrice PS de Paris, qui pointe « une annonce un peu surréaliste ».

Si le chef de l’Etat soutient que l’interdiction dans les collèges fonctionne « plutôt bien », « il dit ça car il n’a pas parlé avec les présidents de département, les principaux de collèges ou les représentants de parents d’élèves. Ça marchote, car c’est compliqué.

Et alors que les sénateurs « vont débattre dans quelques jours, dans le budget, s’il faut supprimer 4000 postes dans l’enseignement, voire 8000 sur proposition des LR, alors qu’il n’y a pas de remplaçant dans le premier degré, il faudrait s’occuper d’interdire les portables au lycée ? Est-ce qu’on pourrait s’occuper de l’essentiel sur l’éducation et pas de l’accessoire ? » demande Colombe Brossel, ancienne adjointe à la vie scolaire de Bertrand Delanoë.

« Si le Président pouvait arrêter d’avoir une vision politique jupitérienne descendante de la politique éducative, ce serait bien »

Et « si le Président pouvait arrêter d’avoir une vision politique jupitérienne descendante de la politique éducative, ce serait bien pour les chefs d’établissement, qui auront à gérer ça, sans moyen supplémentaire ni accompagnement », pense la socialiste.

Elle ne nie pas, sur le fond, l’importance de cette question. S’il y a « un sujet d’addiction aux écrans, d’accès des adolescents aux réseaux sociaux, pour le coup, où est le projet de loi du gouvernement sur l’interdiction des réseaux aux moins de 15 ans ? Il est là le sujet », soutient Colombe Brossel, qui ajoute qu’« on sera tous partants pour travailler sur ces sujets, mais pas de cette manière-là ». Mais pour le sénateur Renaissance, Martin Levrier, il ne faut pas attendre : « Si on considère que c’est un vrai problème de santé publique, on n’a pas à se questionner, on doit le faire ».

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