Magistrats syndiqués : le Sénat impose le respect du « principe d’impartialité »

Jeudi, lors de l’examen du projet de loi organique relatif à l’ouverture, modernisation et responsabilité du corps judiciaire, un amendement du sénateur centriste, Philippe Bonnecarrère, inscrit dans ce texte sur la justice le respect du principe d’impartialité pour les magistrats syndiqués. La gauche du Sénat s’alarme d’une remise en cause de la liberté syndicale des magistrats.
Simon Barbarit

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Après avoir voté le projet de loi d’orientation et de programmation de la Justice pour 2023 2027, le Sénat a voté les articles le projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et responsabilité du corps judiciaire. Dans son article 1er, qui porte sur le statut de la magistrature, un amendement du sénateur centriste, Philippe Bonnecarrère, rappelant le respect du principe d’impartialité pour les magistrats syndiqués a suscité le débat et l’opposition des élus de gauche. « Nous considérons que tout syndicat de magistrats à une liberté totale d’expression […] Reste la notion d’impartialité. Elle est tellement importante qu’elle doit irriguer l’action individuelle des magistrats mais également l’action collective des magistrats. Nous ne voyons pas en quoi il pourrait y avoir une entrave à la liberté d’expression au travers de la notion d’impartialité ? » a défendu l’élu.

Son amendement a reçu un avis favorable de la rapporteure du texte, Agnès Canayer (app LR). « Avec ce qui vient de se passer à Mayotte, inscrire l’impartialité des magistrats dans la loi n’est pas sans utilité », a-t-elle souligné.

Une référence à une décision de justice récente du tribunal judiciaire de Mamoudzou qui a conduit à la suspension de l’évacuation d’un bidonville de l’île. La juge, auteure de la décision, fut par le passé vice-présidente du Syndicat de la magistrature. Le député LR de Mayotte Mansour Kamardine avait alors demandé le déport des magistrats membres de ce syndicat classé à gauche. Le Conseil supérieur de la magistrature avait alors rappelé que « la liberté syndicale est reconnue aux magistrats » et que les prises de position d’une organisation syndicale « ne sauraient servir de fondement à la mise en cause de l’impartialité d’un magistrat au seul motif qu’il serait membre de cette organisation ».

« Il serait prématuré de toucher au statut des magistrats »

Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti a lui émis un avis défavorable. « La frontière entre l’outrance et la liberté d’expression syndicale est un sujet très sensible et qui réclame une réflexion approfondie. C’est la raison pour laquelle j’ai saisi pour avis le Conseil supérieur de la magistrature […] Il serait prématuré de toucher au statut des magistrats sur ce point avant d’avoir obtenu sa réponse ».

« Neutraliser l’activité syndicale »

 

A gauche, les élus ont alerté sur les implications de cet amendement et ont demandé sans succès à Philippe Bonnecarrère de retirer son amendement. « Le retrait de la liberté syndicale des magistrats, beaucoup l’ont essayé. J’espère que ce n’est pas le chemin que vous voulez emprunter », s’est inquiétée Marie-Pierre de la Gontrie.
Le sénateur écologiste, Guy Benarroche s’est lui aussi demandé si cet amendement n’avait pas pour but de « remettre en cause la liberté syndicale des magistrats ». « Notre travail n’est pas de réagir à un phénomène qui s’est passé il y a un mois ».

La présidente du groupe communiste, Éliane Assassi s’est elle aussi émue d’un amendement qui pourrait « neutraliser l’activité syndicale. Aujourd’hui les syndicats et demain qui ? La liberté syndicale est une liberté fondamentale donc respectons cette liberté fondamentale ».
Malgré ces réserves, l’amendement a été adopté.

Le vote solennel du projet de loi et les explications de vote auront lieu mardi 13 juin à 14H30.

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