Maintien de l’ordre : « L’idéologie est contreproductive »

Maintien de l’ordre : « L’idéologie est contreproductive »

La France, habituée aux manifestations, est-elle un modèle en matière de maintien de l’ordre ? Les récentes mobilisations des Gilets Jaunes ont semé le doute. Gendarmes et policiers ont parfois semblé dépassés, et leur modèle usé, face à la présence de « black blocs », ou l’absence de cortège organisé. Le modèle doit-il est repensé ? Jérôme Chapuis et ses invités ouvrent le débat, pour Un Monde en Docs. 
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Par Hugo Ruaud

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Près de 2 500 blessés chez les manifestants, plus de 1 700 chez les policiers en un an : ces seuls chiffres révèlent combien les manifestations des Gilets Jaunes, entre 2018 et 2019, furent violentes. Moins encadrées, plus spontanées, ces mobilisations ont marqué un tournant dans la gestion du maintien de l’ordre en France. La doctrine ne serait-elle plus adaptée ? Non, au contraire explique Philippe Cholous, ancien officier supérieur de gendarmerie nationale : « lors des événements récents, chaque fois qu’il y a eu des dérapages, c’est parce que les principes fondamentaux et traditionnels du maintien de l’ordre n’ont pas été respectés ».

En effet, alors que la France compte des spécialistes du maintien de l’ordre avec les CRS (du côté de la police) et les Gendarmes mobiles, ce ne sont pas ces unités qui ont toujours été en premières lignes lors des rassemblements de Gilets Jaunes. Johann Cavallero, délégué national CRS pour le syndicat de police Alliance, le regrette : « On n’a pas utilisé les forces mobiles spécialistes du maintien de l’ordre pour la gestion du maintien de l’ordre, on a utilisé la BAC ou d’autres unités, qui ne sont pas rompues aux manifestations ».

« L’acceptabilité sociale », un enjeu capital

Reste que « l’évolution de la nature même de ces rassemblements nécessite de modifier la manière d’intervenir » selon Loïc Hervé, sénateur (Union centriste), pour qui « l’effondrement des grands corps intermédiaires et donc de l’organisation par les syndicats d’une partie de la sécurité des manifestations, qui n’existe pas du tout dans le mouvement des Gilets Jaunes, change la donne ». L’absence des syndicats et la présence des black blocs ont empêché toute forme de dialogue, et abouti « à des scènes de guérillas », comme les qualifie Johann Cavallero.

Alors que faudrait-il changer ? Eric Mirguet, porte-parole de l’ACAT, évoque l’idée de médiateurs, qui ne seraient pas forcément des policiers, afin d’ouvrir le dialogue avec les manifestants. Se montrer pragmatique, tout en restant ouvert au « dialogue » est aussi ce qui importe au sénateur Loïc Hervé, car « c’est bien l’acceptabilité sociale, la sensibilité des Français qui fait aussi évoluer les choses en matière de maintien de l’ordre ».

« Le maintien de l’ordre est une matière essentiellement technique »

Mais qui doit dicter la doctrine du maintien de l’ordre ? Qui peut la faire évoluer ? Depuis les années 1960, préfets et ministres s’impliquent. Ils donnent bien souvent le « la ». Pourtant pour Philippe Cholous, la question doit avant tout être traitée par les premiers concernés : les forces de l’ordre. « Le maintien de l’ordre est une matière essentiellement technique, professionnelle et toutes les approches idéologiques sont souvent contreproductives » relève-t-il.

Éric Miguet, explore une autre piste. Il met en avant l’exemple de l’Allemagne, où c’est par la justice que le maintien de l’ordre a évolué, pour aboutir à la doctrine de la « désescalade » : « le fait qu’une nouvelle façon d’agir pour les policiers et les militaires soit dictée par un juge donne une certaine valeur » à la décision, « ce qu’on ne retrouve pas encore en France », selon lui. Une logique qui aurait pourtant ses limites pour Johann Cavallero qui rappelle que « c’est en Allemagne que sont nés les Black blocs, donc cette doctrine n’a pas forcément marché longtemps ».

 

Retrouver le débat d’Un monde en docs consacré au maintien de l’ordre en replay sur notre site.

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