Malgré la défaite, le FN se réjouit de voir Marine Le Pen « cheffe de l’opposition »
Avec un peu plus de 34% des voix, Marine Le Pen réussit à rassembler 11 millions d’électeurs. Mais le score déçoit certains militants. Les troupes visent maintenant les législatives. Et déjà, une nouvelle formation est annoncée pour rassembler « tous les patriotes ».

Malgré la défaite, le FN se réjouit de voir Marine Le Pen « cheffe de l’opposition »

Avec un peu plus de 34% des voix, Marine Le Pen réussit à rassembler 11 millions d’électeurs. Mais le score déçoit certains militants. Les troupes visent maintenant les législatives. Et déjà, une nouvelle formation est annoncée pour rassembler « tous les patriotes ».
Public Sénat

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Le plafond de verre est encore là. Mais il s’effrite. Marine Le Pen a perdu l’élection présidentielle face à Emmanuel Macron. Un score de 34,2 %, qui laisse les troupes entre satisfaction et goût amer. Au Chalet du lac, à Paris, lieu au style Art déco « à l’orée du bois de Vincennes », qui accueille la soirée électorale du FN, l’ambiance est étonnante. Un côté chic suranné – l’endroit accueille des thés dansants – en décalage avec ce genre d’événement politique.

FN
Le Chalet du lac, où avait lieu la soirée électorale du FN.
Photo : François Vignal

Il y a presque autant de journalistes que de militants. Mais tous n’ont pas pu rentrer. Le FN a exclu de la soirée plusieurs médias, comme Mediapart, Quotidien, Rue 89 et d’autres. Libération n’est pas venu en solidarité. « C’est une question de sécurité » pour un manque de place, selon un responsable du parti… « Et ensuite, des médias ont fait leur caca nerveux ». Quelques minutes après ces explications, un photographe est éjecté à l’extérieur. Il était « en dehors de la zone » réservée, explique-t-il. Un homme qui se présente comme policier lui demande de le suivre. Drôle d’ambiance.

A l’intérieur, les militants ont la rose bleue, symbole de la campagne, à la main. Avant 20 heures, ils veulent y croire. « Et si elle ne l’emporte pas, j’ai prévu un truc » lance une femme, en montrant un foulard noir à sa taille. « J’ai pas encore les babouches, mais ça peut aller vite ! »

FN
Le député Gilbert Collard, avec des militants, à 20 heures, lors de l'annonce des résultats.
Photo : François Vignal

A l’annonce des résultats, changement de ton. Certains ne cachent pas leur déception. « C’est la déprime » dit un homme d’une cinquantaine d’années. Son voisin le corrige : « Non, ce n’est pas la déprime, on a fait 11 millions de voix ». A 20h10, un jeune demande : « J’ai raté les résultats. C’est combien ? » « 35% » dit un autre. « Ah merde… »

« Constituer une nouvelle force politique »

Mais le message officiel est tout autre. Peu après 20 heures, Marine Le Pen arrive sur la petite scène devant la forêt de caméras. La candidate « remercie les 11 millions de Français » qui ont voté pour elle (voir la vidéo). Elle revendique pour sa formation le rôle de « première force d’opposition ». « Le premier tour a entraîné une décomposition majeure de la vie politique française » et « le deuxième tour (…) s’est fait autour du clivage entre patriotes et mondialistes ». Elle annonce qu’elle « sera à la tête de ce combat » qui continue pour les législatives. Surtout, Marine Le Pen annonce la création prochaine d’un nouveau mouvement. Elle « propose d’engager une transformation profonde »  du FN afin de « constituer une nouvelle force politique ».

FN
Photo : François Vignal

Quelques minutes avant la prise de parole de la patronne, le député Gilbert Collard relaie déjà l’idée. « Il faut dépasser tout ce qui peut rester accrocher à l’histoire du FN. C’est ce que je dis depuis longtemps ». Jean-Lin Lacapelle, secrétaire national aux fédérations et proche de Marine Le Pen, évoque le changement de nom comme « une hypothèse ». « Il y a une organisation à mettre en place. Il faudra transformer un certain nombre de choses. Notre mouvement n’est plus tout seul. Il y a Nicolas Dupont-Aignan et son parti ainsi que les 3 millions de voix supplémentaires du second tour », « il faut transcender. Tous les patriotes seront les bienvenus ».

« Tout le système s’est ligué contre nous »

Pour le responsable du parti d’extrême droite, « 35%, c’est un excellent score. Marine Le Pen sera cheffe de l’opposition ». « Avec 35%, il y a une nouvelle force politique qui va compter demain. On est le deuxième parti de France », se réjouit Gilbert Collard, alors que le FN revendiquait la première place après les régionales. « Ce n’est pas une vraie défaite, c’est une semi-victoire », va même jusqu’à dire Steeve Briois, maire d'Hénin-Beaumont. Il ajoute : « Chaque élection est un palier supplémentaire franchi. Alors ça prend du temps, c’est ça le problème. (…) Il y a encore des gens hostiles au FN. Il faut leur faire comprendre qui nous sommes réellement, au-delà des caricatures ».

FN
Photo : François Vignal

Si Marine Le Pen ne gagne pas ce soir, c’est évidemment la faute à « tout le système qui s’est ligué contre nous », selon Gilbert Collard, « le curé, les pasteurs, les imams, les rabbins, l’UOIF (L’Union des organisations islamiques de France), les recteurs d’université, le gouvernement, le Président, des chaînes comme BFM-TV qui a fait une propagande éhontée. Si on arrive à faire 35% comme ça, ça veut dire que le système vacille ». Le FN se projette maintenant sur le prochain scrutin de juin. « Le troisième tour, ce sont les législatives » lance Jean-Lin Lacapelle, dont « le souhait est d’avoir la majorité. Il faut 289 députés ».

« Le thème de l’identité n’a pas été présent dans la campagne »

Sous la verrière, les militants boivent une coupe malgré la défaite. « Ce n’est pas un drame pour moi, mais c’est un drame pour la France » soutient Brigitte, vêtue entièrement en rouge et aux grosses boucles d’oreilles. « C’est une victoire sur les idées. Le plafond de verre est tombé », pense-t-elle.

FN
Brigitte, soutien de Marine Le Pen.
Photo : François Vignal

Euryanthe, 22 ans, a le sourire. « C’est nettement plus qu’en 2002. Il faut continuer notre ascension vers le pouvoir ». Didier Rouxel est moins enjoué. « Je suis élu à Saint-Germain-en-Laye sur des terres LR. Les scores difficiles, je connais… » lâche le directeur de la communication de Croissance bleu marine, collectif au sein de RBM en charge des TPE/PME. « On aurait préféré faire plus. 45% ça aurait eu de la gueule ». Selon Didier Rouxel, « dans la campagne, on a parlé de l’Union européenne, c’est bien. Mais le thème de l’identité n’a pas été présent. Il y a eu beaucoup de choses absentes dans cette campagne ». La défaite de Marine Le Pen pourrait raviver les débats et tensions internes.

Il n’est pas encore 21 heures, mais les journalistes doivent quitter la verrière. Puis ce sera l’ensemble du Chalet. Les militants veulent faire la fête tranquille, à l’abri des regards des caméras. On entend au loin le tube dance Freed from desire, de Gala. Dans la salle de presse, sous un chapiteau à côté, une télé interne diffuse des images de la piste. Marine Le Pen fait son apparition sur le coup de 22 heures. Elle danse sous les lumières bleues et rouges, affichant un large sourire. Une personne viendra finalement couper la télé. Au FN, on choisit ses journalistes et ce qu’ils doivent voir.

FN
Les militants profitent du banquet malgré la défaite.
Photo : François Vignal

 

Partager cet article

Dans la même thématique

SIPA_01221444_000001
4min

Politique

Otages français en Iran : Cécile Kohler et Jacques Paris sont sortis de prison, mais « ils ne sont pas libres », précise l'avocate des familles

Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus depuis mai 2022 en Iran suite à des accusations d’espionnage, « sont sortis de la prison d'Evin et sont en route pour l'ambassade de France à Téhéran », a annoncé Emmanuel Macron sur X. Les avocats des familles précisent qu'ils ne sont pas libres et toujours empêchés de regagner la France

Le

Paris : session of questions to the government at the Senate
10min

Politique

« Vexations », échanges « pas fluides », négos avec le PS : pourquoi la relation entre le Sénat et le gouvernement Lecornu s’est détériorée

Depuis « un mauvais départ », le courant passe mal entre la majorité LR-centriste du Sénat et le gouvernement. Discussions avec le PS au détriment des LR, députés invités à Matignon sans les sénateurs, qui aimeraient « être dans la boucle »… Les causes de fâcheries se multiplient. Pour tenter de retisser des liens dégradés, Sébastien Lecornu invite les présidents de groupe du Sénat à Matignon ce mercredi, avant de se rendre en conférence des présidents.

Le

Malgré la défaite, le FN se réjouit de voir Marine Le Pen « cheffe de l’opposition »
5min

Politique

« C’est à la fin de la partie qu’on comptera les choses » : sur le budget, les socialistes veulent encore laisser du temps au gouvernement

Les députés mettent en pause l’examen du projet de loi de finances pour étudier le budget de la Sécurité sociale. S’ils ne sont pas allés au bout de la partie recettes, ils ont néanmoins pu adopter un certain nombre de mesures absentes du projet initial. Certaines sont vues par le gouvernement comme des gains concédés aux socialistes, bien que ces derniers se montrent toujours insatisfaits. Pas suffisamment, pourtant, pour interrompre les négociations et l’examen budgétaire.

Le