Mali : « Nous n’obtiendrons pas de victoire militaire » estime Christian Cambon

Mali : « Nous n’obtiendrons pas de victoire militaire » estime Christian Cambon

Après le décès de cinq soldats français en une semaine au Mali, le Sénat s’interroge sur l’issue de l’opération Barkhane lancée depuis 2014 pour combattre le terrorisme dans la région. Bilan, stratégie militaire, solution politique ? La ministre des Armées Florence Parly sera auditionnée au Sénat le 20 janvier, avant un débat en séance publique le 9 février.
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« Les OPEX (Les opérations militaires extérieures de la France), c’est comme les autoroutes. A un moment, il faut trouver la bonne sortie ». Par cette formule empruntée à un général, Christian Cambon, le président LR de la commission de la défense et des forces armées et des affaires étrangères du Sénat, résume sa pensée sur la présence militaire Française au Sahel.

Ces derniers jours, la France a payé un lourd tribut dans son combat contre djihadisme. Trois militaires de la force Barkhane lundi dernier et deux autres ce week-end, ont perdu la vie dans des circonstances similaires : deux attaques de leur véhicule blindé léger (VBL) par « un engin explosif improvisé ».

Lancée en 2013, l’opération Serval, en soutien aux autorités maliennes contre des groupes terroristes, a été remplacée l’année suivante par la force Barkhane dont la mission s’étend sur 5 pays du Sahel (Mali, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso, Niger). En janvier 2020, à l’issue du sommet de Pau avec les pays du G5 Sahel, Emmanuel Macron avait annoncé le renfort de 600 soldats supplémentaires, faisant passer les troupes françaises de 4 500 à 5 100 militaires.

« La France Afrique, c’est fini »

« On pourrait passer à 100 000 hommes supplémentaires, qu’on n’y arriverait pas. Nous n’obtiendrons pas de victoire militaire dans ce conflit. Au Mali, les groupes terroristes bénéficient de la tolérance de la population car ils se substituent à l’Etat qui a failli. Il est temps que la France prenne l’initiative d’exiger des forces politiques maliennes qu’elles organisent la réconciliation nationale et fassent revivre l’État malien dans toutes les provinces où il a disparu. Nous n’avons pas vocation à assurer la sécurité en Afrique, la France Afrique, c’est fini » lâche Christian Cambon qui se rendra à Gao (Mali) dans quelques semaines pour réaffirmer le soutien du Sénat aux forces armées.

Dans une interview donnée au Parisien, la ministre des Armées, Florence Parly a souhaité rappeler que la France était engagée au Sahel « à la demande des Etats concernés parce que des groupes terroristes, affiliés à Al-Qaida et Daech, sèment la terreur et le chaos sur place et que ces mêmes groupes ont un agenda international qui concerne directement notre sécurité, nous Français et Européens ». La ministre s’est également targuée de « succès militaires importants » dans la région, par la « neutralisation » de hauts responsables terroristes, selon la formule consacrée. Néanmoins Florence Parly n’a pas écarté le rappel de soldats français dans les prochains mois, après la tenue d’un nouveau sommet avec les chefs d’Etat africains du G5 Sahel. « Un renfort par définition, c’est temporaire. Mais la décision en revient au président de la République, chef des Armées » a-t-elle souligné.

Les soldats français sont-ils suffisamment protégés ?

En attendant, au Sénat où, à la demande des élus, un débat se tiendra le 9 février en séance publique sur le « bilan de l’opération, la stratégie militaire et la solution politique », plusieurs questions sont en suspens. « Quel type de matériels utilisent nos soldats ? Sont-ils suffisamment protégés dans les missions de reconnaissance où cinq d’entre eux ont péri cette semaine ? Il serait judicieux de se poser la question du délai de livraison de nouveaux véhicules plus aptes à protéger nos soldats en mission hors du camp » s’interroge, par exemple, Hélène Conway-Mouret, sénatrice PS, secrétaire de la commission de la Défense du Sénat. En octobre dernier, auditionné au Sénat, Joël Barre, délégué général pour l’armement, évoquait la livraison de nouveaux véhicules blindés légers (VBL) Griffons et Jaguar en 2021 après des retards cette année « en raison de la crise ». Ces véhicules demandent « une régénération particulière puisqu’ils ont été largement utilisés et continuent de l’être » expliquait-il.

Hélène Conway-Mouret met également en avant la question « d’un meilleur équilibrage des forces militaires ». « A chaque fois que nous avons neutralisé des chefs terroristes, c’est grâce au soutien aérien et aux forces terrestres. On a besoin de l’ensemble de ces forces pour neutraliser un ennemi particulièrement mobile » met-elle en évidence.

« Un retrait précipité de nos troupes serait dramatique »

Au moment où la ministre des Armées ouvre la porte à des négociations avec des groupes qui ont « déposé les armes et qui ne sont pas motivés par une idéologie radicale et criminelle », le vice-président centriste de la commission de la Défense du Sénat, Olivier Cadic, met en garde contre « toutes décisions prises sous le coup de l’émotion et dans la précipitation ». « Nous avons besoin d’un nouveau sommet avec le G5 Sahel. Nous devons redéfinir nos objectifs sur place de façon collective. Nous avons en face de nous deux groupes terroristes Al-Qaida et l’Etat islamique qui sont en concurrence. Un retrait précipité de nos troupes serait dramatique notamment pour les Français qui vivent dans la région ».

Depuis le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta, renversé par un putsch en août, l’instabilité politique au Mali repousse à une perspective lointaine la solution politique qu’appelle de ses vœux Christian Cambon, même si les autorités de transition maliennes n’excluent pas d’engager des négociations avec des groupes armés.

La France trop seule au Sahel ? A cette question, la ministre des Armées a mis en avant le déploiement à l’été 2021 de la force Takuba, constituée de militaires des forces spéciales européennes en soutien des forces armées maliennes. Interrogé par publicsenat.fr la semaine dernière, l’ancien ministre de la Défense et actuel sénateur LR de la Meuse, Gérard Longuet, regrettait le manque d’implication « de grands partenaires », comme l’Algérie.

Autant de questions que les parlementaires poseront à Florence Parly le 20 janvier lors de son audition devant la commission de la Défense, des forces armées et des affaires étrangères du Sénat, et en séance le 9 février.

 

 

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