« Il reste toujours une interdiction générale de manifester mais elle n’est plus absolue. Ce ne sont plus aux organisateurs d’apporter des garanties sur le respect des gestes barrières. On sent qu’au fur et à mesure, le gouvernement prend en compte les différentes requêtes déposées devant le Conseil d’État » note Sarah Massoud, secrétaire nationale du syndicat de la magistrature en lisant le dernier décret publié ce lundi sur le droit de manifester.
Depuis le 31 mai, date du premier décret interdisant les rassemblements de plus de 10 personnes (article 3), le gouvernement et la majorité LREM de l’Assemblée nationale, ont dû, effectivement, s’adapter aux décisions du Conseil d’État pour encadrer la liberté de manifestation. Retour sur cette chronologie normative.
Première décision du Conseil d’État
Le 13 juin, saisi d’une requête de cinq organisations syndicales (CGT, Solidaires, Fédération syndicale unitaire, Syndicat de la magistrature et Syndicat des avocats de France), la plus haute juridiction administrative rendait sa décision sur la légalité de l’article 3 du décret du 31 mai. Le Conseil d’État rappelait que « la liberté de manifester est une liberté fondamentale ». L’interdiction de manifester « n’est justifiée par les risques sanitaires que lorsque ‘les mesures barrières’ ne peuvent être respectées ou que l’événement risque de réunir plus de 5 000 personnes » rappelait le juge administratif.
Décret du 14 juin
Le lendemain, le 14 juin, un nouveau décret est publié. Il prévoit, notamment que les organisateurs de manifestation adressent au préfet de département une « déclaration », qui « tient lieu de demande d'autorisation ». Un décret de nouveau attaqué devant le Conseil d’État par les organisations syndicales (la CGT, Force ouvrière, Solidaires, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature et l'association Droit au Logement). « Par ce décret, le gouvernement instaure un régime d’autorisation. Il renverse la logique : l’interdiction devient le principe et la liberté l’exception » déplore Sarah Massoud. Surtout, le texte réglementaire prévoit l’autorisation de la manifestation « par le préfet de département si les conditions de leur organisation sont propres à garantir le respect » des gestes barrières. « Dans le régime de droit commun, celui de la déclaration préalable à la manifestation, ce ne sont pas aux organisateurs d’assurer l’ordre public et donc la salubrité publique » rappelle la secrétaire nationale du syndicat de la magistrature.
Le régime d’autorisation préalable « rayé d’un trait de plume » par la commission des Lois du Sénat
Les organisations syndicales ont également relevé que « ce régime d’autorisation » se retrouve « calqué » dans l’article 1 du projet de loi de sortie de l’État d’urgence sanitaire, examiné au Sénat, cet après-midi. Les dispositions de ce texte seront applicables sur la période allant du 10 juillet au 10 novembre 2020. Ce matin, en commission des lois du Sénat a supprimé le « régime d’autorisation préalable des manifestations. L’amendement déposé par le président LR de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas revient au droit commun, celui de la déclaration préalable.
« Nous avons rayé d’un trait de plume toutes les dispositions qui continuaient à donner au gouvernement les pleins pouvoirs de l’urgence sanitaire, et nous les avons remplacés par des mesures pour réglementer la circulation, les établissements qui reçoivent du public, les rassemblements, mais qui sont strictement proportionnés à la gestion de la sortie de l’état d’urgence sanitaire » explique le rapporteur LR du texte, Philippe Bas.
Jean-Pierre Sueur: "C'est très lourd d'empêcher le droit de manifestation"
« C’est très lourd d’empêcher le droit de réunion, le droit d’aller et venir et le droit de manifestation. C’est une liberté constitutionnelle (…) Même si l’état d’urgence sanitaire s’arrête théoriquement le 11 juillet (…) Nous, nous demandons, dès la promulgation de la loi, ça peut être avant le 11 juillet, que le droit de manifester soit rétabli, parce que c’est une liberté fondamentale » précise Jean-Pierre Sueur, vice-président PS de la commission des lois.
Lundi dernier, lors de l’examen à l’Assemblée nationale, le projet de loi de sortie de l’État d’urgence sanitaire, la rapporteure LREM, Marie Guévenouxs’était attirée les foudres de l’opposition en présentant son amendement à l’article 1 visant à « soumettre à autorisation, au regard de la mise en œuvre des mesures barrières destinées à lutter contre l’épidémie de Covid‑19, les manifestations sur la voie publique ».