Manquements des forces de l’ordre à Calais : Des accusations « plausibles » selon un rapport officiel
Un an après l’évacuation de la Lande de Calais, un rapport commandé par le ministère de l'Intérieur montre que les accusations de « manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière » sont « plausibles. » 

Manquements des forces de l’ordre à Calais : Des accusations « plausibles » selon un rapport officiel

Un an après l’évacuation de la Lande de Calais, un rapport commandé par le ministère de l'Intérieur montre que les accusations de « manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière » sont « plausibles. » 
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Par Helena Berkaoui

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Un an après l’évacuation de la Lande de Calais, un rapport commandé par le ministre de l’Intérieur établit que les accusations de « manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière » sont « plausibles. » Ce rapport dirigé par les services d’inspection générale de l’administration (IGA), de la police nationale (IGPN) et de la gendarmerie nationale (IGGN) a été conduit suite au rapport publié par l’association Human Rights Watch (HRW) en juillet dernier. L’ONG internationale dénonçait « les abus commis par les forces de police à l’encontre de demandeurs d’asile et de migrants et leurs agissements visant à perturber l’aide humanitaire et à harceler les personnes qui la délivrent. » Par ailleurs, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, en juin dernier, s’inquiétait lui « d’atteintes aux droits fondamentaux » des migrants à Calais « d’une exceptionnelle et inédite gravité. »

Un « contexte particulièrement difficile » qui rend l’action des forces de l’ordre « périlleuse »

Le rapport évaluant l’action des forces de l’ordre à Calais et dans le Dunkerquois insiste sur le « contexte particulièrement difficile » dans lequel opèrent les forces de l’ordre. Il met en évidence trois facteurs de tension : une situation migratoire « problématique et imprévisible », « la multiplicité des missions » telle que le démantèlement des camps ou l'encadrement de distribution de repas et les fortes attentes de la population locale. Il pointe également « la difficulté de l’exercice face à de jeunes migrants déterminés » à rejoindre la Grande-Bretagne et n’hésitant pas « à recourir à la violence. » Le rapport précise que « 44 CRS ont été blessés en 2016 sur le secteur de Calais. »

Les manquements cités par ce rapport portent sur « des faits de violences », un « usage disproportionné des aérosols lacrymogènes », la « destruction d’affaires appartenant aux migrants » et « le non-respect de l’obligation du port du matricule » par les forces de l’ordre.   

Cependant, forte de témoignages écrits et oraux, de documents tels que des photographies de blessures et des certificats médicaux, la mission d’évaluation considère comme « plausibles des manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière, principalement à Calais. » À noter que le fort contraste entre les témoignages et les dépôts de plainte, se justifie par la crainte des migrants de se rendre dans des commissariats et de devoir justifier de leur situation de séjour. Les manquements cités par ce rapport portent sur « des faits de violences », un « usage disproportionné des aérosols lacrymogènes », la « destruction d’affaires appartenant aux migrants » et « le non-respect de l’obligation du port du matricule » par les forces de l’ordre.   

Le rapport réfute l’utilisation du gaz poivre dénoncée par Human Rights Watch

Les conclusions du rapport commandé par Beauvau réfutent les accusations d’utilisation de gaz poivre formulées par Human Rights Watch, et précisent que ni la police, ni la gendarmerie ne sont dotées de ce gaz. Contactée par Public Sénat, la directrice France de Human Rights Watch, Bénédicte Jeannerod,  insiste sur le fait que « ce n’est pas le composé du gaz qui est important mais son utilisation routinière et indiscriminée. » Le rapport commandé par le ministère fait effectivement état d’un « usage disproportionné des aérosols lacrymogènes. » Par ailleurs, Michael Bochenek – qui est l’auteur du rapport d’HRW – a expliqué dans une tribune à L’Obs en août dernier que «  les effets du gaz lacrymogène durent souvent plus longtemps et peuvent être plus graves que ceux causés par le gaz poivre. »

 « Ce n’est pas le composé du gaz qui est important mais son utilisation routinière et indiscriminée » affirme Bénédicte Jeannerod (HRW)

Cela étant, Bénédicte Jeannerod salue la « réaction rapide » du gouvernement qui a diligenté cette mission d’évaluation très peu de temps après la sortie de leur propre rapport. Selon elle, les conclusions du rapport commandé par le ministère de l’Intérieur « confirment les affirmations d’Human Rights Watch. » Un travail qu’elle juge « sérieux et consistant. » En ce qui concerne les recommandations de ce rapport, Bénédicte Jeannerod considère qu’elles « vont dans le bon sens. » Elle salue particulièrement celles qui visent « à renforcer le dialogue avec les associations et à mieux informer les migrants sur les recours » juridiques et administratifs. Elle juge également que les recommandations relatives au port du matricule sur les uniformes des forces de l’ordre et au respect des consignes sont primordiales. « Maintenant, il faut que les recommandations soient mises en œuvre par le ministère de l’Intérieur » conclut-elle. 

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