« Pas de budget, pas de guichet », c’est avec cette formule que le ministre du Logement, Vincent Jeanbrun a prévenu qu’en cas de loi spéciale, MaPrimeRénov serait suspendue au 1er janvier. Doté de 3,6 milliards d’euros en 2025, le dispositif avait été suspendu entre juillet et septembre. Le nombre de rénovations entamées avait excédé le périmètre de l’enveloppe budgétaire. Actuellement, 80 000 dossiers sont encore en cours d’instruction. « Tous les dossiers déposés en 2025 seront traités en 2026. Mais si une nouvelle suspension devait avoir lieu faute de budget voté, cela ne ferait que retarder encore l’échéance », assurait Vincent Jeanbrun le 13 décembre.
« L’argumentaire est vraisemblablement politique »
« Sans budget, on ne pourra pas décaisser l’argent », explique également le ministre du Logement. En réalité, la loi spéciale n’empêche pas directement l’exécutif de poursuivre cette politique dans la mesure où les crédits sont ouverts par le décret sur les services votés. « L’argumentaire est vraisemblablement politique, puisque le décret ouvre des milliards. Rien n’interdit aux ministres d’engager les dépenses » (voir notre article), explique Emilien Quinart, professeur de droit public à l’université de Strasbourg.
Néanmoins, en rappelant que la loi spéciale était une solution temporaire et n’était pas un budget, l’exécutif cherche à cantonner les dépenses aux seules dépenses de fonctionnement durant la durée de vie de la loi spéciale. « Il faut comprendre que la loi spéciale n’est pas un budget, elle permet de proroger tout ce qui est contractualisé avec l’Etat », explique un conseiller du ministre du Logement. « Il y a une volonté politique de dramatiser la situation et favoriser l’émergence d’un compromis politique, l’année dernière il n’y avait pas eu de suspension », juge pour sa part Guillaume Gontard, président du groupe écologiste au Sénat et ancien rapporteur de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.
« Ce n’est pas tant une contrainte juridique qu’une contrainte politique et économique »
Concrètement, avec cette approche minimaliste le gouvernement cherche à ne pas préempter les débats sur le projet de loi de finances 2026. « On s’en contient à sa version la plus minimaliste. Ce n’est pas tant une contrainte juridique qu’une contrainte politique et économique. On ne va pas ouvrir le guichet sans savoir les crédits qui sont en face », continue ce même conseiller.
Malgré un budget reconduit à l’identique dans le cadre d’une loi spéciale, le dispositif ne serait pas à l’abri d’une suspension comme il l’a connue cet été. Néanmoins, pour Guillaume Gontard, « la possibilité de prolonger le dispositif existe ». « On donne une orientation catastrophique aux professionnels du bâtiment. Je pense que l’objectif est de réduire considérablement les crédits et de conserver un dispositif a minima », déplore l’élu écologiste.