Répondant en partie aux revendications des "gilets jaunes", le troisième budget du quinquennat, depuis lundi devant l'Assemblée, va contribuer à "rompre avec la pression fiscale" selon le gouvernement, mais "accroître les inégalités" selon la gauche et "aggraver l'endettement" d'après la droite.
"Nous voilà repartis pour quelques jours, quelques nuits, quelques semaines", a lancé le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin au coup d'envoi du marathon budgétaire, avec le premier volet du projet de loi de finances (PLF) 2020, consacré aux "ressources" de l'Etat (impôts et taxes).
Quelque 3.000 amendements sont au menu, un millier de plus que l'an dernier où l'exercice avait été bouleversé par la crise des "gilets jaunes".
Plus de neuf milliards d'euros de réduction d'impôts sont prévus l'année prochaine, notamment via la baisse de cinq milliards de l'impôt sur le revenu à laquelle s'était engagé Emmanuel Macron après le "grand débat". "Le travail, notamment des plus modestes, doit payer mieux en France", estime le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
En parallèle, la suppression de la taxe d'habitation va concerner l'an prochain 80% des ménages. Les entreprises verront, elles, leurs prélèvements baisser d'un milliard d'euros.
Ces baisses vont permettre sur le quinquennat de "rompre avec dix années d'augmentation massive de la pression fiscale", a vanté Bruno Le Maire.
Quelques mesures d'économies sont programmées, dont le quasi gel des prestations sociales et la suppression de niches fiscales comme sur le gazole non routier. Et si la baisse de l'impôt sur les sociétés se poursuit, elle sera moins rapide.
Au total, avec une croissance qui va se tasser à 1,3%, dans un contexte de ralentissement mondial, le déficit se situera à 2,2% du PIB, contre 2% initialement prévu. Surtout, le déficit structurel restera stable, et la dette publique va à peine baisser, à 98,7% du PIB.
- "Impôts pour demain" -
C'est ce qu'épingle la droite, Emilie Bonnivard (LR) dénonçant un financement des baisses d'impôts "en aggravant l'endettement". Son collègue Eric Woerth déplore aussi la fin de la politique de l'offre en faveur des entreprises, à l'unisson du Medef.
La gauche dénonce pour sa part un budget qui va "continuer de creuser les inégalités", alors que quelque 21 millions de foyers ne vont pas être concernés par la baisse de l'impôt sur le revenu, n'étant pas imposables.
"Ce budget est celui du renoncement face aux attentes de nos concitoyens", ont plaidé les socialistes, qui ont défendu en vain une motion de rejet.
Aux yeux des communistes, c'est le "budget des riches, acte III", dans la lignée de la suppression en 2018 de l'ISF. "Emmanuel Macron sabre les budgets de ministères qui font de la redistribution et supprime des centaines de postes dans les ministères à utilité sociale", relèvent les Insoumis.
Gage donnée à la gauche et une partie de la majorité, M. Darmanin a indiqué qu'il soutiendrait les "amendements Ghosn" pour obliger les dirigeants d'entreprises françaises à être domiciliés fiscalement en France dès 250 millions d'euros de chiffre d'affaires, contre 1 milliard dans le projet de loi initial.
Près d'un an après le début du mouvement des "gilets jaunes", l'exécutif prend garde à ne pas soulever de nouvelles contestations. Après avoir accepté de réindexer sur l'inflation les pensions de retraites de moins de 2.000 euros, il a abandonné in extremis la réduction d'un avantage pour les seniors employant une aide à domicile.
Le volet des compensations pour les collectivités du fait de la suppression de la taxe d'habitation mobilise aussi fortement les parlementaires. Le gouvernement va soutenir un amendement adopté en commission en ce sens: la revalorisation de 1,009% des valeurs locatives servant à établir la taxe d'habitation pour les 20% de Français qui la paieront encore.
Autre critique récurrente: celle d'un manque d'ambition en matière écologique.
"Le gouvernement semble tétanisé par la crainte d'un nouveau mouvement des gilets jaunes", a déploré Michel Castellani (Libertés et Territoires).
Pour donner un signal de "verdissement", les députés ont souhaité en commission la suppression des principales dépenses fiscales défavorables à l'environnement à l'horizon 2029, à l'initiative de LREM.
"Il n'est plus temps de bricoler, mais de monter en puissance sur les investissements publics +verts+", prônent dans une tribune 12 organisations (Fondation Hulot, CFDT...) et une cinquantaine de parlementaires.