La marche « pour la République et contre l’antisémitisme » organisée hier à l’initiative des présidents des deux chambres, « doit conduire à une démarche » comme l’a appelé de ses vœux Gérard Larcher à l’issue de la mobilisation parisienne. Ce 13 novembre, une tribune signée par 90 sénateurs, majoritairement issus de la droite, appelle à « un sursaut national contre l’antisémitisme ». « La fermeté totale est impérative contre ceux qui propagent la haine », exigent les sénateurs.
En recevant les représentants des cultes à l’Elysée ce 13 novembre, le président de la République a déjà amorcé ce temps des réponses politiques, sans faire pour le moment d’annonces concrètes. À l’issue de la rencontre, le président de la Fédération protestante de France, Christian Krieger, souligne ainsi qu’Emmanuel Macron a demandé aux responsables des cultes de « participer à un effort pédagogique » de lutte contre l’antisémitisme.
Mobiliser davantage les jeunes
L’éducation, c’est aussi l’une des réponses à apporter contre la montée des actes antisémites, selon le sénateur socialiste Hussein Bourgi, présent hier dans sa circonscription de l’Hérault pour un rassemblement à Montpellier. « Je partage le constat fait sur la faible mobilisation des jeunes lors de cette marche, à Montpellier ceux qui étaient présents étaient déjà engagés par ailleurs. J’ai le sentiment que les jeunes considèrent que l’antisémitisme appartient au passé, il faut donc insister sur le fait que ça reste malheureusement un sujet d’actualité », constate l’élu.
Le sénateur prend ainsi pour exemple les initiatives prises dans sa région, en Occitanie, où des courts métrages ont été produits et diffusés dans les lycées pour servir de supports pédagogiques à des journées de lutte contre les discriminations. « Il faut continuer de faire des voyages mémoriels, mais il faut aussi mobiliser des outils plus actuels. Dans l’esprit de certains jeunes les mots de conférence ou d’exposition peuvent paraître rébarbatifs, nous devons renouveler nos modes de communication », estime-t-il.
Des peines « marquées de l’empreinte de la fermeté »
Sur le volet répression, le sénateur LR Roger Karoutchi – présent aux côtés d’élus de son groupe politique dans le cortège parisien ce dimanche – attend de son côté des mesures exemplaires. « Il y a eu beaucoup d’interpellations pour des faits d’antisémitisme, on attend maintenant des jugements marqués de l’empreinte de la fermeté », demande le sénateur. Roger Karoutchi qui indique ce mardi sur X, qu’au vu « des remises en cause par certains », il a demandé au Président du Sénat la création d’une mission d’information face à la multiplication des actes antisémites, qui se portent à 1518, a précisé Gérald Darmanin. Pour le moment, ces faits ont débouché sur 518 interpellations.
Au-delà des actions policières, c’est donc sur le volet judiciaire qu’il faut mobiliser davantage de moyens. « Nous avons besoin de magistrats vigilants mobilisés spécifiquement sur ces enjeux et identifiés dans tous les parquets et pas seulement dans ceux des grandes juridictions, car malheureusement l’antisémitisme concerne tout le territoire y compris les zones rurales », constate Hussein Bourgi.
Une « action transpartisane » contre la haine en ligne
Des moyens supplémentaires, il en faut aussi pour lutter contre la haine en ligne. Lors des questions d’actualité au gouvernement, Gérald Darmanin avait également indiqué que 7 726 signalements pour faits antisémites avaient été signalés via la plateforme Pharos, destinée à signaler des contenus illicites diffusés sur internet. « Quand 75 % des actes antisémites signalés à la police viennent de Twitter, le ministre de l’Intérieur se dit que les policiers ne peuvent pas tout faire et que tout le monde doit prendre sa part », avait alerté le ministre.
Face à ce constat, le sénateur socialiste Rachid Temal – présent à la marche parisienne ce dimanche – appelle à « une action transpartisane au Sénat » pour lutter contre la haine en ligne. « La position des plateformes, de ne pas se préoccuper du contenu qu’elles diffusent, elle est aujourd’hui intenable. Il faut une plus grande responsabilité des plateformes et de plus fortes sanctions lorsqu’elles diffusent des messages de haine », martèle le sénateur.
Une volonté de fermeté sur les réseaux sociaux partagée par Roger Karoutchi, qui souhaite cibler en particulier X, anciennement Twitter, dont le propriétaire Elon Musk érige en principe phare la liberté d’expression. « Gérald Darmanin a reconnu lui-même qu’il était très difficile de dialoguer avec X. Il faut donc taper, si X ne veut pas respecter la loi française alors il faut interrompre sa diffusion », insiste le sénateur républicain.
« Sans bon diagnostic, on ne peut pas avoir les bons remèdes »
Toutefois, avant de passer au temps des solutions, un débat politique persiste autour des causes actuelles de l’antisémitisme. Invité de l’émission « Dimanche en politique » sur France 3 juste avant la marche, Bruno Retailleau a ainsi estimé : « Quand Emmanuel Macron parle de résurgence [de l’antisémitisme], on voit bien qu’il se trompe. Pour lui, c’est la résurgence du vieil antisémitisme porté par le fascisme, par l’extrême droite. Aujourd’hui ce n’est pas cet antisémitisme-là qui est de retour, le terreau maintenant c’est l’Islam politique, l’islamisme et l’islamo-gauchisme ». Pour le président du groupe LR au Sénat, le président de la République « se trompe de constat, sans bon diagnostic on ne peut pas avoir les bons remèdes ».
Prendre le temps du diagnostic, c’est une préoccupation que partage la sénatrice écologiste Mélanie Vogel : « Avant l’action, c’est le moment de la clarification. Cela ne sert à rien de mettre en place de nouveaux cours à l’école contre l’antisémitisme, si avant cela nous n’avons pas clarifié le fait qu’on se bat contre toutes les formes de haine et de discrimination ». Pour l’élue, qui a défilé dans la marche parisienne au sein d’un « cordon républicain » contre le Rassemblement national avec de nombreuses personnalités de gauche, la mobilisation de l’extrême droite « et d’une partie de la droite » vise à « instrumentaliser la lutte contre l’antisémitisme à des fins racistes ».
Si la marche du 12 novembre se voulait à l’origine apolitique, ce sont désormais bien des réponses politiques qui sont désormais attendues. Le président du Sénat Gérard Larcher n’a pour l’instant pas annoncé les « démarches » qu’il souhaitait voir mises en place pour lutter contre la résurgence de l’antisémitisme.