Sans se croiser, Marine Le Pen, cheffe de l'extrême droite française, et sa nièce, Marion Maréchal, multiplient les déplacements à l'étranger: la première pour rallier ses soutiens en vue des élections européennes, la seconde pour faire de la politique sans gêner sa tante.
L'une (Marine) était lundi à Genève, avant de se rendre prochainement en Italie, quand l'autre (Marion) est allée mardi à Oxford, promettant de voyager ensuite en Russie.
Presque dans une inversion des rôles, la présidente du Rassemblement national (RN, ex-FN) a déroulé en Suisse devant la méconnue fondation Spinoza un discours très identitaire et culturel sur l'Europe. Elle y a dénoncé "une soumission au multiculturalisme qui a échoué partout" et défendu "l'héritage de Jérusalem et de Rome, d'Athènes et de Constantinople".
Le lendemain, sa nièce Marion Maréchal, 29 ans, devenue directrice d'une école de sciences politiques, s'exprimait devant le club de débats de la prestigieuse université d'Oxford, où s'était déjà rendue sa tante en 2015. Elle y a comparé les "gilets jaunes" français aux militants britanniques pro-Brexit et appelé à la formation d'une "nouvelle élite" qui se "reconnectera avec le peuple".
- Slogan de Trump -
En février 2018, la petite-fille du cofondateur du FN (devenu RN) Jean-Marie Le Pen avait déjà fait un discours remarqué devant le gratin conservateur américain à Washington, où elle avait souhaité rendre à la France "sa grandeur", reprenant le slogan du président américain Donald Trump.
Marion Maréchal qui vit, selon la presse italienne, avec un militant théoricien de la Ligue (extrême droite), grand allié du RN, a aussi sillonné la péninsule. Le couple a participé en juillet à une soirée de réflexion intitulée "les invasions barbares, souveraineté et pouvoir" sur la côte ligure (nord).
En France en revanche, elle avait promis de ne plus commenter l'actualité, et reste effectivement discrète. Même si elle n'a pas résisté à parler en novembre des "gilets jaunes", soutenus par les partis de droite et d'extrême droite qu'elle rêve de réunir dans un "grand mouvement conservateur".
Marion Maréchal "entretient la flamme. Si elle veut revenir en politique, elle ne peut pas se retrancher derrière les cours de son école", explique le politologue Jean-Yves Camus.
Mais dans le même entretien à BFMTV, Marion Maréchal avait expliqué qu'elle ne "rentrerait jamais dans le jeu d'un conflit" avec sa tante, pour avoir "vu la politique atomiser (sa) famille à toutes les générations".
Une manière aussi pour elle de ne pas s'immiscer dans la campagne des européennes de sa tante. Les conférences à l'étranger "me (permettent) de parler politique sans rentrer dans le débat national", a expliqué lundi au Figaro Marion Maréchal.
- Meeting avec Salvini -
Marine Le Pen, elle, entend profiter de l'arrivée au pouvoir de partis nationalistes alliés dans plusieurs pays d'Europe (Italie, Autriche etc) pour soutenir sa campagne.
Ses déplacements nourrissent "l'idée, chère au RN, qu'un grand vent nationaliste souffle à travers l'Europe", selon M. Camus.
Mais "l'enjeu de la recomposition au Parlement européen ne va pas se résoudre par des déplacements". Elle dépendra surtout du départ des eurodéputés britanniques, "qui forceront les Polonais à se repositionner", ajoute-t-il.
Marine Le Pen veut former au moins une minorité de blocage à Strasbourg afin de changer l'Union européenne "de l'intérieur", sans quitter l'euro dans l'immédiat.
Pour ce faire, elle a rencontré en octobre à Rome son allié ministre de l'Intérieur et homme fort du gouvernement italien Matteo Salvini, avec lequel elle pourrait tenir début février un meeting commun à Milan.
Elle s'est aussi rendue en novembre en Bulgarie et en décembre à Bruxelles aux côtés du sulfureux Steve Bannon, ancien stratège de Donald Trump.
Marion Maréchal prévoit de son côté de s'exprimer fin février à Saint-Pétersbourg, en Russie.
Ce pays ami du parti de sa tante est en même temps une "pomme de discorde" des souverainistes au Parlement européen, rappelle M. Camus, les pays du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) considérant Moscou comme "un danger existentiel".