Si certains, au RN, avaient pensé à cette éventualité, ils n’y croyaient pas ou ne voulaient pas y croire. C’est pourtant le pire, pour le parti d’extrême droite, qui se produit. La décision des juges, dans l’affaire des assistants parlementaires du RN, revient à empêcher Marine Le Pen de se présenter à la présidentielle de 2027. Marine Le Pen a eu beau se montrer « combative », lors d’une réunion rassemblant en visio l’ensemble des parlementaires, à 13h30, les élus RN accusent le coup. « Il y a un effet de sidération », reconnaît quelques heures après le jugement Christopher Szczurek, sénateur RN du Pas-de-Calais.
Les juges ont condamné ce lundi Marine Le Pen à quatre ans de prison, dont deux ans ferme, aménagés sous bracelet électronique, et à une amende de 100.000 euros, pour détournement de fonds publics et à cinq ans d’inéligibilité, avec exécution provisoire. Autrement dit, cela revient à appliquer immédiatement la peine d’inéligibilité, malgré l’appel de Marine Le Pen. Un coup de tonnerre qui l’empêche de concourir.
« Ça va poser une crise de légitimité pour celui qui sera élu en 2027 »
« Je suis choqué, abasourdi. On savait qu’il y avait une connotation extrêmement politique dans ce procès mais on n’imaginait pas qu’ils iraient jusqu’à ce qui s’apparente, ni plus ni moins, à une confiscation de l’élection présidentielle », réagit Christopher Szczurek, l’un des trois sénateurs RN.
« La motivation du jugement, en gros, c’est clairement assumé d’empêcher Marine Le Pen d’être candidate. L’exécution provisoire est pour empêcher la récidive. Mais c’est ubuesque. Elle est traitée quasiment comme les pédophiles », dénonce le sénateur RN du Pas-de-Calais. « Ils sont allés jusqu’à rappeler le caractère antieuropéen du RN, ce qui veut bien dire que tout ça est politique », insiste l’élu, qui estime qu’« après un sondage qui donne Marine Le Pen à 37 % d’intentions de vote, ce sera difficile de faire avaler la pilule aux Français ». Il prévient : « Ça va poser une crise de légitimité pour celui qui sera élu en 2027, si on a un second tour sans Marine Le Pen, alors que ça paraît incontournable ».
Localement, Christopher Szczurek fait part « de réactions extrêmement dures de la population ici, qui voit que le système est verrouillé et qu’il y a une tentative d’auto-préservation pour l’empêcher d’être candidate ».
« C’est 11 millions d’électeurs qui sont privés de leur candidat »
« Au-delà d’être grave pour le parti, cette décision est grave pour la démocratie française. C’est 11 millions d’électeurs qui sont privés de leur candidat, si le jugement reste en l’état », réagit pour sa part Joshua Hochart, sénateur RN du Nord. « On ne pouvait pas s’attendre à une condamnation et surtout une condamnation qui va aussi loin, notamment avec la peine maximum requise par le parquet, 5 ans d’inéligibilité et l’exécution provisoire », ajoute le sénateur d’extrême droite, qui rappelle que « le Conseil constitutionnel a rendu la semaine dernière une décision pour dire qu’il fallait prendre en compte le contexte du mandat, le respect des électeurs, ce qui a été fait pour Louis Alliot, maire de Perpignan, et je m’en réjouis. Ce qui n’est pas le cas pour Marine Le Pen. On est sur des motivations du jugement qui sont assez lunaires ».
« Le simple fait de se défendre, et les moyens même de défense, sont utilisés pour dire qu’il y a un risque de récidive », dénonce le sénateur RN du Nord. Joshua Hochart note qu’« il y a aussi une motivation pour prévenir tout trouble à l’ordre public, si Marine Le Pen était candidate en 2027. C’est particulier. La présidentielle a été un élément motivant pour le rendu de cette décision », soutient le sénateur, qui s’étonne : « Dans aucune démocratie, on interdit à un candidat de se présenter avant une décision définitive ».
« Marine Le Pen est toujours notre candidate. Mais si ça devait être Jordan Bardella, à l’issue, évidemment, on le soutiendra »
Mais si la décision reste en l’état, qui pour reprendre le flambeau ? « L’heure n’est pas à cette question-là », balaie Joshua Hochart. Christopher Szczurek ouvre lui la porte à un plan B… comme Bardella. « A ce jour, Marine Le Pen est toujours notre candidate. Mais si ça devait être Jordan Bardella, à l’issue, évidemment, on le soutiendra », assure le sénateur du Pas-de-Calais. Si certains lui reprochent de ne pas avoir les épaules, Christopher Szczurek estime que « Jordan Bardella a prouvé qu’il était capable de mener une campagne avec brio ». Et si ce n’était pas lui, « qui d’autre ? » demande le sénateur. Sous-entendu, personne. C’est un peu le problème pour le Rassemblement national : le banc de touche est plutôt faible. Et si Marine Le Pen est bien mise hors course, les choix ne seraient en effet pas légions pour prendre la relève. Mais pour l’heure, les responsables RN doivent encore encaisser la décision.