Pour la clôture des universités d’été du Rassemblement national (RN), à Fréjus, dans le Var, Marine Le Pen a tenu un discours résolument tourné vers les élections municipales de mars 2020. Une élection que la présidente du RN place dans la continuité du mouvement des gilets jaunes, où « l’angoisse de tout un peuple » s’est exprimée. « L’explosion a été brutale, car la lave du volcan est venue des profondeurs de la terre française » lance la présidente du RN.
Pour la formation d’extrême droite, les municipales restent compliquées à aborder. Le RN manque d’ancrage local. « Nous le savons, l’élection municipale n’est pas la plus facile » a elle-même reconnu Marine Le Pen. Son parti s’active pour trouver suffisamment de volontaires pour se présenter. Et ses candidats pourraient avoir certaines difficultés à emprunter auprès des banques, craint le trésorier du RN, Wallerand de Saint-Just (voir notre article). Mais la présidente du RN sent malgré tout « les vents porteurs ».
« Parachever la grande recomposition politique »
Des vents qui, espère Marine Le Pen, pourraient mener le Rassemblement national aux plus hautes fonctions, après la « séquence électorale » à venir. « Dans les 18 prochains mois, trois rendez-vous électoraux locaux attendent le RN, qui seront l’occasion de parachever la grande recomposition politique : municipales, départementales et régionales. Et même quatre rendez-vous, si on rajoute les sénatoriales. Ces rendez-vous peuvent bouleverser la donne politique », rêve Marine Le Pen (voir la première vidéo). Pour le RN, les municipales sont comme une marche vers la présidentielle, explique l’ancienne candidate de 2017 :
« Dans ce moment politique exceptionnel, qui voit s’opérer la grande recomposition entre nationaux et mondialistes, chaque scrutin doit nous permettre d’accrocher un mousqueton supplémentaire sur la paroi qui mène au sommet. Et le sommet, c’est l’Elysée ».
« Danger de la submersion par l’immigration »
Marine Le Pen évoque sans surprise les thèmes de prédilection de l’extrême droite, immigration, et sécurité. La France se retrouverait ainsi, à ses yeux, face au « danger de la submersion par l’immigration et de la dilution par la globalisation ». « Les peuples veulent vivre comme ils l’entendent chez eux, ils veulent transmettre à leurs enfants leur art de vivre, leurs traditions, leurs lois, leurs langues, parce que c’est là l’ordre du monde » dit-elle. Et d’ajouter, non sans sous-entendus qui parlent à son auditoire : « Nous voulons vivre en France comme des Français, pour la simple et bonne raison que nous sommes chez nous ».
Marine Le Pen voit au passage la dénomination du nouveau commissaire européen « à la protection du mode de vie des Européens » comme « une victoire politique » et « idéologique ».
« Révolution de la proximité »
Mais la présidente du RN ne s’est pas vraiment attardée sur les questions migratoires, pour plutôt aborder longuement des sujets sur lesquels on n’attend pas vraiment le RN habituellement : les collectivités et les institutions. Autant de réponses à la crise des gilets jaunes pour Marine Le Pen.
Sa vision des territoires s’exprime par « le localisme », qu’elle entend « décliner aux municipales ». Une « révolution de la proximité » qui doit se traduire par « une grande politique de réaménagement du territoire » via une « démétropolisation » (voir vidéo ci-dessous). Le pupitre affiche d’ailleurs le message : « La proximité au service des Français ».
Marine Le Pen veut lancer la « démétropolisation » en France
« Le rééquilibrage des territoires sera la grande affaire de la prochaine présidentielle »
Pour elle, « la grande thématique, c’est la fracture territoriale », qu’il convient de combler par « un rééquilibrage des territoires. Ce sera la grande affaire de la prochaine présidentielle, j’en ai la conviction » soutient Marine Le Pen.
Elle pointe du doigt la concentration des bureaux à La Défense, les problèmes de mobilités – « où est la qualité de vie quand on passe 4 heures par jour dans les transports » – et « l’air pollué », tout en dénonçant les fermetures « des écoles, des lignes ferroviaires » en zone rurale, « les commerces qui ferment, les panneaux à vendre ». Elle propose plutôt une « relocalisation des activités » car « produire et consommer sur place est le premier principe de la société écologique » qu’elle défend maintenant.
« Réforme drastique des modes de scrutin »
Pour Marine Le Pen, « la réponse est aussi institutionnelle », car « la révolte fut une crise de représentation ». Plutôt qu’une « dose homéopathique de proportionnelle » – Emmanuel Macron propose 20 % – elle souhaite une « réforme drastique des modes de scrutin, qui aujourd’hui interdisent le pluralisme des opinions ». Elle raille au passage les débats lancés par le chef de l’Etat, « c’est toujours des blablas, blablas, blablas ». Autre idée : un septennat non renouvelable de 7 ans.
Elle entend aussi « faire descendre le pouvoir vers les citoyens en donnant aux quartiers une visibilité nouvelle (…) et pourquoi pas une existence institutionnelle » pour en faire « un échelon de décision ». Elle évoque donc l’idée de créer une strate de plus, mais dénonce en même temps « le chaos territorial » où « personne n’y comprend plus rien ». « On crée des institutions à la carte, des strates nouvelles s’empilent » lance-t-elle…
« Stopper l’inique privatisation des barrages et d’Aéroports de Paris »
Pour répondre au malaise exprimé par les gilets jaunes, le RN n’oublie pas « le pouvoir d’achat » : revalorisation des retraites, allégement des dépenses de première nécessité avec « une tarification écologique et familiale de l’eau ».
Elle ajoute « la lutte contre l’injustice au quotidien ». Succès dans la salle quand elle évoque la « loterie des prix à la SNCF » et « le racket des carburants d’autoroutes », qu’elle veut renationaliser. « Il faut stopper l’inique privatisation des barrages et l’inique privatisation d’Aéroports de Paris. Chacun doit signer la pétition » ajoute Marine Le Pen.
Le RN « ouvert » aux fusions de listes au second tour pour des municipales
Si le RN élargit ses thématiques avec l’écologie et le local, il entend aussi élargir son assise électorale et ses alliances. Marine Le Pen tend la main « à la droite bonapartiste, c’est logique », saluant « Thierry Mariani et Jean-Paul Garraud », mais aussi à ce qu’elle appelle « la droite enracinée » avec « Daniel Philippot du CNIP (Centre national des indépendants et paysans) » et même « les souverainistes de gauche » qui « sont orphelins ». Ouverture aussi à « la société civile » avec des candidats soutenus par le RN mais non membres du parti. Elle écarte en revanche la stratégie définie par sa nièce, Marion Maréchal : « Nous entendons beaucoup parler d’union avec la droite. Mais nous voulons nous allier vers la fraternelle union nationale avec un projet d’unité nationale » lance-t-elle. Regardez :
Marine Le Pen veut élargir pour les municipales
Pour le second tour, elle n’écarte pas des « fusions » de listes. « Nous y sommes ouverts », si elles sont « justes et transparentes ». Pour Marine Le Pen, « la séquence électorale qui s’ouvre doit marquer un tournant ». Confronté au plafond de verre depuis des années, malgré des scores élevés à chaque scrutin, le RN n’a pas d’autre choix que de s’ouvrir s’il veut remporter les élections.