Marine Le Pen a suscité, à deux semaines du premier tour de la présidentielle, une vive polémique sur un sujet épidermique pour l'image du FN, la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, appliquant au Vel d'Hiv un dogme frontiste diversement appliqué, le "refus de la repentance".
"La France n'est pas responsable du Vel d'Hiv", a répondu dimanche, au "Grand Jury" RTL-LCI-Le Figaro, la présidente du FN, alors qu'elle était interrogée sur la rafle et la décision du président Jacques Chirac de reconnaître en juillet 1995 la responsabilité de la France.
Les 16 et 17 juillet 1942, quelque 13.000 juifs avaient été arrêtés à leur domicile par des policiers et des gendarmes français, avant d'être rassemblés au Vélodrome d'Hiver pour être ensuite envoyés en camp d'extermination, d'où beaucoup ne devaient pas revenir. Cette rafle avait été demandée par la Gestapo.
Les propos de Mme Le Pen, critiqués dimanche comme "une faute grave (...) de la fille de Jean-Marie Le Pen" par Emmanuel Macron, son principal adversaire à la présidentielle, ou comme du "négationnisme" par le patron LR de la région Paca Christian Estrosi, ont amené la présidente du FN à rédiger le soir un communiqué pour s'expliquer, initiative rare de sa part.
"Comme Charles de Gaulle, François Mitterrand ou encore de nos jours Henri Guaino, Jean-Pierre Chevènement ou Nicolas Dupont-Aignan, je considère que la France et la République étaient à Londres pendant l'Occupation et que le régime de Vichy n'était pas la France", a souligné Mme Le Pen dimanche soir.
Jacques Chirac, dont la position a ensuite été suivie par Nicolas Sarkozy et François Hollande, a eu selon elle "tort" en changeant de position sur la responsabilité de l'Etat français.
Lundi sur LCI, M. Dupont-Aignan a lui distingué "la France qui a sali la France, celle de Vichy, et la France qui a sauvé l'honneur, face à la collaboration".
- Le FN demande la repentance pour les harkis -
Trente ans après les propos de Jean-Marie Le Pen, dans la même émission, sur les chambres à gaz, "point de détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale", Mme Le Pen, bien qu'elle ait clairement qualifié "d'ignoble" la rafle ou évoqué les "atrocités commises" pendant la Seconde Guerre mondiale, a prêté le flanc à la critique sur un sujet sensible.
La polémique, alimentée encore lundi matin par de nouvelles critiques d'adversaires, de Jean-François Copé (LR) à Jean-Christophe Lagarde (UDI), pourrait affecter Mme Le Pen, en baisse dans les sondages de premier tour. Ses propos qualifiés de "révisionnistes" par le Crif ont aussi été condamnés par Haïm Korsia, grand Rabbin de France, et par Israël.
Dans le livre "Le Front national de 1972 à nos jours" (2014, Seuil), de l'historienne Valérie Igounet, le vice-président du FN et compagnon de Mme Le Pen Louis Aliot jugeait d'ailleurs que la stratégie de longue date de "dédiabolisation" de Mme Le Pen "ne porte que sur l'antisémitisme", un "verrou idéologique" qui "empêche les gens de voter pour nous".
La patronne du FN a pris soin dès son accession à la tête du FN début 2011 de qualifier les chambres à gaz de "summum de la barbarie".
Avec cette déclaration, Mme Le Pen a surtout appliqué à la mémoire du Vel d'Hiv le 97e de ses 144 "engagements présidentiels": "le refus des repentances d’État qui divisent".
Le 29 mars, elle regrettait auprès de Sud-Ouest que "80%" de l'enseignement sur la Seconde Guerre mondiale soit consacré à la collaboration.
"On a appris à nos enfants qu'ils avaient toutes les raisons de critiquer (la France), de n'en voir peut-être que les aspects historiques les plus sombres (...) Donc, je veux qu'ils soient à nouveau fiers d'être français", a-t-elle souligné dimanche.
Cette position n'est toutefois pas celle du FN concernant les "harkis" à la fin de la guerre d'Algérie, dont le FN dénonce régulièrement "l'abandon" par les dirigeants français de l'époque puis des suivants.
En 2012, Mme Le Pen demandait ainsi des "excuses" et des "réparations" à leur égard.