La pandémie de coronavirus, par sa nature planétaire, pose des enjeux de coopération entre les nations, et crée parfois des tensions, dans la course à l’équipement médical. Pour épauler les personnels de santé, l’armée est également fortement mobilisée. Entretien avec le président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées au Sénat, Christian Cambon (LR), qui est en contact régulièrement avec des officiers de l’armée.
Six militaires français de l'opération Barkhane sont touchés par le Covid-19. Plusieurs centaines dans les forces armées. Cette situation vous inquiète-t-elle ?
Christian Cambon : C’est un sujet que l’on suit pas à pas. Il y a en effet quelques cas identifiés dans la force Barkhane mais le problème ne se pose pas, dans la mesure où il n’y a pas encore de renouvellement. Une prolongation est organisée, pour tenir compte des circonstances. Certains étaient partis en fin d’année.
Mais on est très attentifs à cette problématique. Le porte-hélicoptères Dixmude est parti pour les Antilles. Plutôt qu’un dépistage généralisé, ils vont faire durer la traversée sur 14 jours, au lieu de 12, de telle sorte d’arriver à la phase de quarantaine. C’est aussi ce qu’il se passe dans le détroit d’Ormuz : ils patrouillent 14 jours avant d’être autorisés à réaccoster. Le Charles-de-Gaulle est au Nord de l’Écosse : il n’a plus aucune escale.
Après, on a les risques inhérents aux missions métropolitaines. Pour la Marine, beaucoup de contaminations au Covid-19 sont des marins-pompiers de Marseille par exemple.
Le 1er avril, on apprenait qu’une section du 27e Bataillon de chasseurs alpins d’Annecy était affectée à la sécurité de l’usine Kolmi-Hopen (Maine-et-Loire), qui produit des masques. Ce genre d’initiative va-t-elle se multiplier ?
Ça se développe énormément. Il est évident qu’il y a des gens très mal intentionnés qui profitent de la crise pour procéder à des vols, afin de revendre du matériel. Beaucoup d’opérations Résilience consistent à escorter les convois de gel hydroalcoolique, de blouses et surtout de masques, à la demande des préfets.
Comment réagissez-vous à ces informations selon lesquelles les États-Unis rachèteraient au prix fort des masques, destinés à la France, dans un aéroport chinois ? Ou encore à cet imbroglio sur les masques suédois à Lyon ? Y a-t-il des conséquences diplomatiques ?
Des contacts que j’ai, ces différents trafics – je parle pour l’aéroport de Shanghai – ne relèvent pas de la volonté des gouvernements mais bien d’une forme de gangstérisme sanitaire. Je ne sais pas qui a commandité cette opération à Shanghai. Sur le petit incident franco-suédois, il y a eu une demande de réquisition des stocks. Cela s’est soldé par un arrangement.
Sur la question des rapatriements des voyageurs français à l’étranger, où en sommes-nous ?
Cela se termine actuellement pour les voyageurs français, non-résidents. On est passé de 120.000 fin mars à 11.000 environ. Les derniers cas sont en passe d’être réglés. Il se peut qu’il y ait localement des difficultés. Je pense à ce qui se passe au Pérou : certains ressortissants, dans des régions reculées, n’arrivent à regagner la capitale Lima. Il se peut aussi qu’il y ait des mini-groupes en Asie.
Il y a une solidarité entre les compagnies européennes. Mais on est gênés par la fermeture des espaces aériens. L’évacuation des Français en Russie a été compliquée par la fermeture de leur espace aérien. Il a fallu que le ministre, comme au Maroc, s’en mêle lui-même.
Y a-t-il un point qui préoccupe votre commission ?
Un sujet qui peut s’annoncer c’est l’épidémie qui peut se transformer en pandémie en Afrique. Dans chaque grande capitale, il existe des cliniques privées, mais elles risquent d’être vite saturées. Les installations hospitalières locales n’ont rien à avoir avec l’équipement en Europe. À Addis Abeba [la capitale de l’Éthiopie, N.D.L.R.], il n’y a que dix respirateurs.