Boulogne Billancourt: The new president of Udi Herve Marseille and Jean Louis Borloo
Jacques Witt/SIPA

Matignon : Jean-Louis Borloo est-il « l’homme de la situation » avec sa « créativité » et ses « foudroyances » ?

Le nom du centriste est évoqué pour Matignon, alors que la pays n’a plus de premier ministre. « Il est en capacité de parler à tout le monde », salue le secrétaire général de l’UDI, le sénateur Olivier Henno. Chez les LR, on reconnaît qu’« il n’est pas inféodé à Macron ». Mais au PS, on continue à demander un premier ministre de gauche.
François Vignal

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Et si c’était lui ? Après l’échec de la mission impossible confiée au « moine soldat » Sébastien Lecornu, qui n’a pas trouvé en 48 heures la formule magique pour sortir du blocage, le prochain cap, donné par le premier ministre démissionnaire lui-même, est de… 48 heures. On devrait peut-être avoir un nouveau premier ministre d’ici vendredi soir. Et un nom revient ces dernières heures : celui de Jean-Louis Borloo.

« Il peut trouver des voix de passage quand d’autres ne les voient pas »

Ancien ministre de Jacques Chirac puis de Nicolas Sarkozy, l’homme de centre droit a plusieurs avantages. Dans son parti, l’UDI, mais plus généralement sur la planète centriste, on voit évidemment tous les bienfaits de l’hypothèse Borloo. « Il peut être l’homme de la situation, parce qu’il est en capacité de parler à tout le monde. Il a une forme de créativité et un esprit de consensus. Il a des foudroyances, il peut trouver des voix de passage quand d’autres ne les voient pas », affirme, dithyrambique, le sénateur Olivier Henno, secrétaire général de l’UDI. « Il parle à la droite naturellement, il a été ministre de Chirac et Sarkozy », souligne le sénateur du Nord. Mais à la gauche aussi, pense Olivier Henno : « Il n’est pas classique dans son cheminement. C’est quand même quelqu’un qui a fait le Grenelle de l’environnement, le plan de cohésion sociale et l’ANRU. Ce n’est quand même pas léger, comme bilan ». Les mauvaises langues diront que l’ancien maire de Valenciennes est aussi brouillon, confus… « La créativité, la volonté de trouver des champs nouveaux, font que forcément, ce n’est pas expert-comptable Jean-Louis, ça non », rétorque le secrétaire général de l’UDI.

Reste à voir l’état des relations entre Jean-Louis Borloo et Emmanuel Macron, qui avait enterré le plan Borloo sur les banlieues, en 2018. « Le président Giscard avait dit, « en politique, c’est comme pour les millefeuilles. C’est la dernière couche qui compte » », répond Olivier Henno. Autrement dit, « il ne faut pas s’arrêter à ça. Si on ne dépasse pas une difficulté, il ne faut pas faire de politique ».

« Moi, je suis à 200 % pour » lance Marc-Philippe Daubresse

L’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin lui apporte aussi son soutien. « C’est une bonne idée. C’est quelqu’un de très habile, qui connaît bien la complexité des choses et qui sait faire travailler les gens ensemble », salue l’ancien sénateur UMP, tendance centre droit. Il ajoute cependant un bémol : « Comme toujours, avec les gens d’expérience, il n’est pas forcément au cœur de la jeunesse, de la société. Donc il faut trouver cet équilibre-là. Mais c’est quelqu’un de talent ».

Il y en a un, sénateur LR qui plus est, qui est un grand fan de Jean-Louis Borloo. C’est Marc-Philippe Daubresse. Il précise aussitôt s’exprimer « à titre personnel », avant de lancer : « Moi, je suis à 200 % pour. C’est le sénateur du Nord qui parle », prévient l’ancien secrétaire d’Etat au Logement, qui fait quelques rappels : « Je fais partie de ce que j’avais appelé les « baobabs », quand il y a 20 ans, on avait le grand ministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, avec moi au Logement, Larcher au Travail. On était la boîte à outils de Jean-Louis Borloo. Ça le faisait beaucoup rire ».

« Beaucoup de cases cochées »

Pour Marc-Philippe Daubresse, « Jean-Louis Borloo a deux qualités majeures pour être à Matignon : il a l’expérience du Parlement, dont il connaît les rouages, ce qui est indispensable dans une période où on n’utilise pas le 49.3. Et il connaît très bien tous les réseaux politiques, économiques et sociaux. Il a une très bonne cote au patronat, une très bonne cote chez les syndicalistes, en particulier la CFDT. Et il est pour moi l’un des meilleurs spécialistes de l’interministériel et du budgétaire ». Aux yeux du sénateur LR, « ça fait beaucoup de cases qui sont cochées », d’autant que cette solution « ne bloque pas la gauche et elle peut ne pas bloquer la droite ».

Evidemment le président du groupe Union centriste du Sénat et président de l’UDI, « Hervé Marseille, est un proche de Jean-Louis Borloo. Et Gérard Larcher a plus que des très bonnes relations avec lui. Pour faire passer des choses au Sénat, c’est bien », remarque encore Marc-Philippe Daubresse, qui glisse « que pour en avoir déjà parlé avec Bruno Retailleau, il a une excellente image de Jean-Louis et une très bonne relation avec lui ».

« Quelqu’un qui parle à tout le monde, c’est quelque chose de positif », reconnaît Julien Aubert

Qu’en pense justement le président des LR ? « Il est disruptif », a réagi ce jeudi le ministre de l’Intérieur démissionnaire, lors d’un événement organisé par Politico, relevant que Jean-Louis Borloo n’était « ni de gauche, ni macroniste ». Soit deux des conditions fixées par Bruno Retailleau pour permettre éventuellement une présence des LR au gouvernement.

Julien Aubert, un fidèle de Bruno Retailleau, pense aussi que Jean-Louis Borloo « est quelqu’un qui parle à tout le monde. C’est quelque chose de positif. Dans le contexte actuel, il faut surtout être créatif ». Selon le vice-président des LR, il a aussi « l’avantage, sur l’énergie, d’avoir un positionnement très clair. Alors que c’était l’homme du Grenelle, il a compris le rôle essentiel du nucléaire. Et il a la fibre sociale qui répond aux problèmes de justice portés par le bloc de gauche ». Dernière qualité : « On ne peut pas dire qu’il ait des aspirations à être président de la République ».

« Il répond à plusieurs éléments que nous avons définis », selon le sénateur LR Max Brisson

Pour Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques, l’idée ne suscite pas non plus de rejet automatique. « Si c’est Jean-Louis Borloo, il n’est pas inféodé à Macron. Personne ne peut penser qu’il ira prendre ses ordres à l’Elysée. Il répond à plusieurs éléments que nous avons définis. Sera-t-il pour autant un premier ministre de cohabitation ? Je n’en sais rien. Ce serait une cohabitation douce », avance le porte-parole du groupe LR du Sénat.

Reste le fond. « La question, c’est moins la personne que son programme. Y aura-t-il une rupture ? Est-ce l’homme du président ou l’homme de la synthèse parlementaire ? Touchera-t-il à la réforme des retraites ? C’est surtout ça », souligne Julien Aubert.

Patrick Kanner dit « chiche » : « C’était une boutade »

Mais l’ancien maire de Valenciennes plaît-il réellement à la gauche ? Les mots lâchés dans la matinée par Patrick Kanner, président du groupe PS, ont été remarqués à ce titre. Interrogé sur le nom de Borloo sur France Info, l’ancien ministre de la Ville n’a dans un premier temps pas fermé la porte. « Ce serait un sacré pari » de la part du Président, « mais j’aurais plutôt envie de dire chiche ! » a lancé Patrick Kanner, vantant « quelqu’un qui, lui, renverserait la table » car « il connaît la musique et saura gérer ».

Une sortie qui n’a plus à tous ses camarades socialistes. Certains s’en sont étonnés, dans les boucles de discussions internes. Le sénateur du Nord, terre d’élection de Jean-Louis Borloo, a vite rectifié le tir. « C’était une boutade », a-t-il assuré ensuite sur le plateau de LCI, prononcée « dans le monde burlesque dans lequel nous vivons ». « Mon choix est clair : il faut être sérieux et je veux un premier ministre de gauche », a-t-il rétabli, soit la position défendue officiellement par le PS, estimant que « le problème de M. Borloo, c’est qu’il n’est pas de gauche » et qu’il « portera une politique au mieux de centre-droit ».

« Nous ne sommes pas favorables à la nomination de Jean-Louis Borloo à Matignon », soutient Rachid Temal

« Notre position est simple : nous souhaitons un premier ministre socialiste », confirme le sénateur Rachid Temal, porte-parole du groupe PS. « Borloo, je ne vois pas ce qu’il apporterait. Il faudrait qu’il puisse travailler sur un budget, composer un gouvernement. Et je ne vois pas en quoi il serait pour la gauche plus attractif qu’un premier ministre socialiste. Nous ne sommes pas favorables à la nomination de Jean-Louis Borloo à Matignon », insiste le sénateur PS du Val-d’Oise, qui rappelle que « les socialistes proposent une méthode, un budget et un premier ministre. Et de l’autre, on nous propose des supputations ». Et de conclure : « Ceux qui sont les agents du chaos sont ceux qui expliquent toute la journée que le PS serait le chaos. Mais les agents du chaos, c’est quand même la droite ».

Reste que l’hypothèse qu’Emmanuel Macron nomme un premier ministre de gauche, comme l’espère le PS, est loin d’être acquise. Et une autre option est citée, ce jeudi : un gouvernement Lecornu II. Autrement dit, qu’il nomme à Nouveau Sébastien Lecornu à Matignon. Dans la période, on n’est pas à l’abri d’une nouvelle surprise…

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