Emmanuel Macron  on the French Indian Ocean territory of Mayotte following the cyclone Chido’s passage over the archipelago

Mayotte : à quoi pourrait servir le recours à l’état d’urgence ? 

Depuis le passage du cyclone Chido à Mayotte, plusieurs parlementaires de l’archipel demandent au gouvernement de décréter l’état d’urgence. Plusieurs d’entre eux souhaitent d’ailleurs mobiliser l’armée pour éviter un risque d’insurrection. Pourtant, le recours à l’état d’urgence n’est pas nécessaire pour mobiliser l’armée.
Henri Clavier

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

« Ne laissons pas Mayotte retomber dans le chaos », déclarait la députée LIOT de Mayotte, Estelle Youssouffa, qui demande la « déclaration de l’état d’urgence et le déploiement de l’armée pour que l’île ne bascule pas dans l’insurrection ». La sénatrice macroniste de Mayotte, Salama Ramia a également demandé le recours à l’état d’urgence et que l’on « puisse faire appel à l’armée ». Le président du département a également formulé la même demande.  

Après le passage de l’ouragan Chido, qui a ravagé l’île, l’état de calamité naturelle exceptionnelle a été décrété par le ministère de l’intérieur. Un classement qui doit permettre de faciliter la reconstruction des infrastructures sur l’île. Néanmoins, en demandant le recours à l’état d’urgence, les parlementaires cités désirent éviter le déclenchement d’une situation insurrectionnelle liée au manque d’eau et de nourriture.  

« La finalité de l’état d’urgence, son objectif c’est de simplifier la tâche des autorités administratives »  

Pour rappel, l’état d’urgence est un régime d’exception prévu par la loi du 3 avril 1955 décrété en conseil des ministres et qui permet à l’Etat de renforcer les pouvoirs des autorités administratives et de restreindre certaines libertés fondamentales. Il peut être déclaré sur tout ou partie du territoire et est déclenché en cas d’atteintes graves à l’ordre public ou de calamité publique. Utilisé sept fois, l’état d’urgence n’a encore jamais été décrété pour gérer les conséquences d’une catastrophe naturelle. « L’état d’urgence permet de donner des pouvoirs supplémentaires à l’administration notamment pour des perquisitions administratives ou des assignations à résidence », explique Fiona Houdin, conseillère juridique à commission nationale consultative des droits de l’homme. « La finalité de l’état d’urgence, son objectif c’est de simplifier la tâche des autorités administratives, leur faciliter la vie en leur permettant d’agir plus efficacement, plus rapidement », abonde Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’université de Poitiers.  

L’état d’urgence pas nécessaire pour mobiliser l’armée  

Pour les parlementaires de Mayotte, le recours à l’état d’urgence doit notamment permettre le déploiement de l’armée afin de sécuriser l’acheminement et la distribution de l’aide humanitaire. Un déploiement qui doit aussi prévenir le risque d’insurrections. « C’est une situation d’urgence humanitaire, les mesures administratives prévues ne sont pas appropriées à un état de catastrophe naturelle et par ailleurs, le déploiement de l’armée ne dépend pas du recours à l’état d’urgence », pointe Fiona Houdin. Cependant, le recours à l’état d’urgence octroie la possibilité d’interdire des rassemblements publics ou de mettre en place des périmètres de sécurité.  

« La logique de l’état d’urgence est plutôt face à une menace terroriste ou insurrectionnelle. Si les enjeux sont humanitaires, je ne suis pas persuadé que l’état d’urgence soit pertinent, même s’il peut être utilisé pour faire face à une calamité nationale », précise Bertrand-Léo Combrade. Un avis partagé par le sénateur RDPI de Mayotte, Saïd Omar Oili pour qui l’urgence consiste plutôt à assurer la distribution d’eau et de nourriture pour la population.  

« Attention au dévoiement, l’état d’urgence n’est pas un régime préventif »  

Alors que l’on n’observe pas de situation insurrectionnelle à Mayotte, la question d’un recours à l’état d’urgence, de manière préventive, interroge. En principe, le recours à l’état d’urgence intervient après des événements menaçant le maintien de l’ordre public. « Attention au dévoiement, l’état d’urgence n’est pas un régime préventif. Il est dangereux de banaliser le recours à l’état d’urgence lorsque l’on n’est pas dans une situation de péril grave. On n’est pas sûr des scènes de pillage massif », observe Fiona Houdin. Néanmoins, la possibilité de recourir à l’état d’urgence pour la situation en cours à Mayotte ne semble pas exclue. « La loi de 1955 évoque une menace, c’est un terme suffisamment vague pour concerner des situations qui ne sont pas encore insurrectionnelles », affirme Bertrand-Léo Combrade. 

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Mayotte : à quoi pourrait servir le recours à l’état d’urgence ? 
4min

Politique

Budget 2025 : « Le message qui est envoyé est dramatique, ce n’est pas un coup de rabot, on y est allé à la hache », déplore Guillaume Gontard

Avant la commission mixte paritaire sur le budget, les oppositions formulent leurs réserves sur le texte issu du Sénat. Sur le plateau de Parlement Hebdo, l'écologiste Guillaume Gontard dénonce un budget « totalement austéritaire », le député RN, Gaëtan Dussausaye, évoque un « budget de punition sociale ». Néanmoins, le fond des critiques et la position à adopter en cas de recours au 49-3 divergent.

Le

DOUAI : GERALD DARMANIN
5min

Politique

Narcotrafiquants : Gérald Darmanin annonce une première prison de haute sécurité fin juillet

Alors qu’approche l’examen à la chambre haute, de la proposition de loi sénatoriale et transpartisane sur le narcotrafic, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin a annoncé, la mise en place d’une première prison de haute sécurité fin juillet, et deux autres d’ici deux ans, pour détenir « plus de 600 » narcotrafiquants « particulièrement dangereux ».

Le

Mayotte : à quoi pourrait servir le recours à l’état d’urgence ? 
2min

Politique

Budget 2025 : « La copie qui sort du Sénat propose plus de 6 milliards d’économies par rapport au projet initial du gouvernement », se félicite Jean-François Husson

Ce 23 janvier, le Sénat a adopté le projet de loi de finances pour 2025. « Une satisfaction » pour son rapporteur général, le sénateur Les Républicains Jean-François Husson. Le travail n’est toutefois pas terminé : le texte doit encore aboutir à un accord entre sénateurs et députés en commission mixte paritaire.

Le