Mayotte : « Des décisions brutales et inexplicables » dans la gestion de la crise sanitaire, dénonce Dominique Voynet
Mercredi 22 juillet, la commission d’enquête sur le covid-19 entendait par visioconférence différents responsables du secteur médical à Mayotte. Alors que l’état d’urgence sanitaire est toujours en vigueur sur l’île, la gestion centralisée de la crise depuis la métropole a été pointée du doigt.

Mayotte : « Des décisions brutales et inexplicables » dans la gestion de la crise sanitaire, dénonce Dominique Voynet

Mercredi 22 juillet, la commission d’enquête sur le covid-19 entendait par visioconférence différents responsables du secteur médical à Mayotte. Alors que l’état d’urgence sanitaire est toujours en vigueur sur l’île, la gestion centralisée de la crise depuis la métropole a été pointée du doigt.
Public Sénat

Par Steve Jourdin

Temps de lecture :

2 min

Publié le

Mis à jour le

« Le triptyque tester, protéger, isoler a-t-il pu être mis en place de manière efficace à Mayotte ? ». Formulée au passé, la question d’Alain Milon, président de la commission d’enquête, a de quoi étonner : sur l’île, la crise n’est pas terminée ; l’état d’urgence a été prolongé jusqu’au 30 octobre inclus. Le décalage entre le ressenti en métropole et le vécu à Mayotte a  rythmé toute l’audition.

« Un travail rendu pénible et complexe »

Première intervenante, Dominique Voynet, actuelle directrice générale de l'ARS de Mayotte, n’a pas ménagé le gouvernement. L’ancienne sénatrice et ministre de l’Aménagement du territoire a d’abord exposé les éléments qui, selon elle, doivent être pris en compte pour saisir la singularité du cas de Mayotte. La faible proportion de personnes âgées, l’importance de la religion musulmane dans la vie quotidienne, la saturation chronique des institutions médicales et la jeunesse du département – Mayotte est un département français depuis 2011 – permettent, d’après elle, de mettre en perspective la « dynamique de l’épidémie ».

Dominique Voynet a choisi de « dire tout ce qu’elle pense »,  sans omettre les difficultés rencontrées par les responsables de l’île, « parce que c’est le principe d’une commission d’enquête ». Si elle reconnaît que les relations avec le préfet ont été plutôt fluides, elle a dénoncé des « décisions brutales et inapplicables ayant contribué à rendre le travail plus pénible et plus complexe » sur le terrain, ainsi qu’un certain « amateurisme ». Parmi ces décisions prises au niveau national, l’ancienne ministre cite notamment la suspension immédiate et sans préavis de tous les vols à partir du 20 mars, la mise en place hésitante d’un pont aérien « sous-dimensionné et complexe », ou encore la suppression des vols directs entre Paris et Mayotte. Dominique Voynet a également critiqué le « rythme de production des instructions et la lourdeur de l’interministérielle ». De nombreuses directives auraient été redondantes, et « inadaptées à la réalité du territoire ». La multiplication des réunions, « souvent inutiles », organisées en visioconférence, aurait eu pour conséquence de ralentir les dispositifs d’urgence mis en place pour lutter contre l’épidémie.

Covid-19 à Mayotte ; "Nous avons eu des dizaines d'instructions contradictoires" déplore Dominique Voynet
00:59

« Le vertige de l’inconnu »

Catherine Barbezieux Betinas, directrice générale du CHR de Mayotte, a quant à elle insisté sur le décalage entre la propagation de l’épidémie en métropole et ses premières manifestations à Mayotte. Alors que les premiers cas de contamination en métropole remontent au mois de janvier, Mayotte a enregistré son premier patient Covid sept semaines plus tard, soit le 13 mars. Durant cet intervalle, Catherine Barbezieux Betinas dit avoir « constaté le désarroi de la communauté médicale. (…) La première difficulté a été l’inconnu. Quand va arriver l’épidémie… va-t-elle arriver (à Mayotte) ou pas ? ».

 

« 20 000 masques disparus la première semaine »

Covid-19 à Mayotte: " On a eu 20 000 masques qui ont disparu la 1ère semaine" précise Catherine Barbezieux Betinas
01:08

La directrice du CHR de Mayotte, seul hôpital de l’île de 270 000 habitants, a aussi fait part des difficultés à « sécuriser le matériel médical ». Le vol massif de masques de protection a entraîné une vigilance accrue : « Quand on a commencé la crise, on avait 225 000 masques disponibles sur l’établissement, assure Catherine Barbezieux Betinas. On s’est rendu compte quil fallait mettre en place des mesures de sécurité, car 20 000 masques ont disparu la première semaine. »

Des mesures ont ainsi été mises en place. Une fouille systématique des sacs a été instaurée, et les services de sécurité ont été renforcés.

 

« Il faut accroître la place de la démocratie en matière de santé »

Covid-19 à Mayotte: "La communication institutionnelle a eu des effets très limités sur la population"
00:57

 

Joëlle Rastami, membre de l’association France Asso Santé Mayotte, a souhaité revenir sur les ratés dans la communication des autorités. Cette dernière n’aurait produit que des « effets très limités sur les comportements de la population ». En cause notamment, les « modes et moyens de communication multiples » des Mahorais, mais aussi le manque d’adaptation des autorités face aux spécificités locales. En conséquence, l’association France Asso Santé Mayotte propose, pour l’avenir, de « revaloriser la place de la démocratie en matière de santé ».

Des préconisations destinées à mieux gérer une éventuelle nouvelle épidémie, alors que la situation sanitaire est toujours tendue sur l’île. Mayotte compte à ce jour 2 824 cas de coronavirus confirmés. 7 patients sont hospitalisés au CHR, dont 2 en réanimation.

Partager cet article

Dans la même thématique

Mayotte : « Des décisions brutales et inexplicables » dans la gestion de la crise sanitaire, dénonce Dominique Voynet
3min

Politique

Smartphone à l’entrée au collège : le dilemme de cette maman

À l’heure où plusieurs sociétés savantes alertent sur les dangers d’une trop forte exposition des enfants aux écrans, Clémentine Legrand, maman active et parisienne s’interroge sur la pertinence de fournir, au plus jeune de ses enfants, un téléphone pour son entrée au collège. Interrogée dans l’émission Dialogue citoyen, présentée par Quentin Calmet, elle revient sur les risques encourus par les enfants au moment du passage au collège.

Le

Mayotte : « Des décisions brutales et inexplicables » dans la gestion de la crise sanitaire, dénonce Dominique Voynet
4min

Politique

Ministère de l’Intérieur : « Ce qui m’a frappé, c’est le rapport quasiment quotidien à la mort » déclare le dessinateur Mathieu Sapin

Il est toujours dans le décor, un carnet de croquis à la main. Depuis presque 15 ans maintenant, Mathieu Sapin s’est fait une spécialité dans ses ouvrages de nous dévoiler les coulisses du monde politique. Dans son dernier opus A l’intérieur, il embarque avec les forces de l’ordre. Police judiciaire, compagnie républicaine de sécurité, le dessinateur qui se classe à gauche nous dévoile au micro de Rebecca Fitoussi dan l’émission Un monde, un regard les raisons qui l’ont poussées à accepter de franchir les portes du ministère de la place Beauvau, alors dirigé par Gérald Darmanin.

Le

Cats and dogs shelter in Nabeul .
6min

Politique

Vente de chiens et de chats : la loi est-elle contournée ?

Moins d’un mois après le lancement de la mission d’information visant à contrôler le respect de la loi dite maltraitance animale, la commission des affaires économiques a publié ce 11 juin un rapport sur l’encadrement des modalités de vente des chiens et chats. Un rapport qui pointe les situations d’abandon et les dérives dans la vente des animaux de compagnie.

Le