Mayotte et Guyane, même combat?

Mayotte et Guyane, même combat?

Il y a un an, les Guyanais entamaient un grand mouvement social qui allait paralyser leur territoire pendant cinq semaines....
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Par Cécile AZZARO

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Il y a un an, les Guyanais entamaient un grand mouvement social qui allait paralyser leur territoire pendant cinq semaines. Depuis plus d'un mois, Mayotte est en partie paralysé par un conflit social. Les deux évènements présentent de fortes similitudes.

DES PROBLEMES STRUCTURELS ANALOGUES AU COEUR DES REVENDICATIONS:

Les deux mouvements ont été lancés sur des revendications de lutte contre l'insécurité, vite rattrapées par des revendications sur l'immigration, puis plus largement sur le développement économique et social du territoire.

Les deux territoires connaissent une forte insécurité (taux d'homicides le plus élevé en Guyane, infractions violentes et cambriolages beaucoup plus fréquents à Mayotte qu’en métropole), une pression migratoire importante venue des pays voisins (40 à 50.000 personnes, souvent du brésil ou du Suriname sont en situation illégale en Guyane, les immigrés comoriens composent plus de 40% de la population de Mayotte).

Ils ont une croissance démographique exponentielle (la population des deux territoires a doublé en 20 ans), une population très jeune (les moins de 20 ans représentent 42,3% des habitants de Guyane; 54,5% à Mayotte), une situation sanitaire et sociale critique (des hôpitaux au bord de l'asphyxie et un manque de médecins criant), un PIB par habitant très faible (En 2014, il s'établissait 16.057 euros en Guyane et 8.603 euros à Mayotte), et un taux de chômage très important (23% pour la Guyane, 26% pour Mayotte).

Principale différence, la densité de population: Mayotte compte 682 hab/km2, quand la Guyane en compte 3,36 (pour une population quasi équivalente: 256.500 habitants à Mayotte, 254.000 en Guyane). La Guyane connait en outre deux phénomènes particuliers: l'orpaillage clandestin, et un fort trafic de drogue (cocaïne) issue des pays voisins.

DES MOUVEMENTS ISSUS DE LA POPULATION ET DES SYNDICATS:

A Mayotte, un collectif de citoyens et une intersyndicale, ont déclenché le mouvement, exaspérés par les violences autour des établissements scolaires et contre les bus scolaires.

Les élus se rapprochent un temps du mouvement et ferment les mairies, mais la scission est finalement actée entre eux, qui souhaitent négocier avec la mission dépêchée par la ministre des Outre-mer et les organisateurs du mouvement, qui réclament un émissaire envoyé par le Premier ministre.

En Guyane, le mouvement part des 500 Frères, collectif né mi-février 2017 à la suite du meurtre d'un habitant d'un quartier de Cayenne, tué pour son téléphone portable et sa chaîne en or.

Après avoir fait irruption, encagoulés, à une conférence régionale à Cayenne où se trouvait la ministre de l'Environnement Ségolène Royal, les "500 frères" s'agrègent avec d'autres mouvements syndicaux et citoyens au sein du collectif "Pour La Gwiyann dékolé" (pour que la Guyane décolle), pour dénoncer les carences sécuritaires, sanitaires et éducatives criantes du territoire. Les élus sont relégués au second plan.

DES BARRAGES COMME MOYENS DE PRESSION:

En Guyane, le mouvement social se traduit très vite par des barrages routiers qui empêchent notamment plusieurs lancements d'une fusée Ariane 5 au centre spatial de Kourou. A cause des barrages, le rectorat annonce la fermeture des écoles, et les longs courriers entre Paris et Cayenne sont annulés. La grève générale est lancée, les commerces fermés. Le 28, une journée "morte" rassemble 15.000 manifestants à Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni.

A Mayotte, le mouvement de contestation populaire prend de multiples formes : opération escargot ou "île morte", blocage de la liaison maritime entre Grande-Terre et Petite-Terre (où se trouve l'aéroport). Des barrages sont érigés depuis fin février sur les axes routiers principaux. Une grève générale est lancée, et le port bloqué. Deux grosses manifestations les 7 et 13 mars, rassemblent plusieurs milliers de personnes.

Les deux mouvements se servent aussi de l'enjeu d'une élection (la présidentielle de 2017 pour la Guyane, une législative partielle pour Mayotte) pour se faire entendre, menaçant de bloquer le scrutin pour obtenir des avancées.

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