Un an après une première tentative avortée, Jean-Luc Mélenchon relance la menace destitution. Cette initiative survient alors que François Bayrou, fragilisé, a décidé d’engager la responsabilité de son gouvernement devant l’Assemblée nationale en recourant à l’article 49 alinéa 1, avec un vote de confiance prévu le 8 septembre. Si la France insoumise a déjà fait savoir qu’elle ne voterait pas cette confiance, le parti entend aller plus loin : « Je vous informe que nous allons recommencer le 23 septembre et déposer – en plus de la motion de censure qui ne servira sans doute plus à rien puisque le gouvernement sera tombé d’ici là – une motion de destitution, » a prévenu Jean-Luc Mélenchon. Pour le chef de file insoumis, la crise actuelle ne saurait être imputée au seul Premier ministre : « S’il y a un responsable, c’est le président de la République », a-t-il insisté. Une première tentative du parti en 2024 n’avait pas abouti, rejetée largement en commission des lois. Mais LFI persiste, et prévoit de relancer la procédure le 23 septembre.
Que prévoit l’article 68 ?
Inscrit dans la Constitution française depuis 2007, l’article 68 prévoit qu’un Président puisse être démis de ses fonctions en « cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». La possibilité de destituer dans ces conditions le président de la République a un lien étroit avec son irresponsabilité, décrite à l’article 67 de la Constitution, et consiste en une sanction politique puisqu’elle est prononcée par la réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elle concerne aussi bien « le comportement politique, que privé du Président, à condition que ses actes aient porté atteinte à la dignité de sa fonction », indique le site vie publique.
Une procédure complexe et encadrée
Le processus est complexe. La destitution doit être déclenchée par l’Assemblée nationale ou par le Sénat. Le président n’est donc pas jugé pénalement, mais sur sa capacité politique à rester en fonction. Pour être recevable, la proposition de résolution doit être signée par au moins un dixième des membres de la chambre concernée, soit 58 députés ou 35 sénateurs. « Ce qui est relativement peu », souligne Théo Ducharme, professeur de droit à l’université d’Aix-Marseille. Avec 73 députés, LFI peut donc franchir cette première étape. Mais, insiste-t-il, « ils ont la charge de motiver quels sont les manquements du président à son rôle ». Une fois déposée, la proposition doit être déclarée « recevable » par le bureau de l’Assemblée, puis examinée par la commission des lois. Pour être adoptée, elle doit être « inscrite à l’ordre du jour et obtenir les deux tiers des voix en séance publique » indique le professeur de droit public. « Un résultat complexe à obtenir », rappelle Théo Ducharme. Si la première chambre adopte la proposition, elle est transmise à l’autre, qui doit suivre la même procédure. Le rejet par l’une d’elles met fin au processus. En cas d’approbation par les deux chambres, la Haute Cour se réunit. Elle est composée de 22 membres, 11 députés et 11 sénateurs désignés de manière à « refléter les équilibres politiques du Parlement » précise le professeur des universités.
Après la destitution, l’intérim
Une commission spécifique, formée de six vice-présidents de l’Assemblée et de six du Sénat, est chargée d’instruire la demande. Elle dispose des pouvoirs d’une commission d’enquête et peut même « auditionner le président de la République », qui peut se faire assister « par toute personne de son choix » rappelle Théo Ducharme. À l’issue de ces travaux, un rapport est rendu public et transmis aux membres de la Haute Cour. Le débat se tient en séance publique et se conclut par un vote à « bulletin secret ». Pour qu’elle soit effective, la destitution doit recueillir les deux tiers des suffrages, soit 617 parlementaires sur 925. En cas de destitution, le président du Sénat assure l’intérim, et une élection présidentielle doit être organisée dans les 20 à 35 jours.
Une arme symbolique plus que réaliste
Sous la Ve République, aucun président n’a jamais été destitué. Les précédents n’ont pas dépassé les premières étapes. En 2016, une tentative contre François Hollande, initiée par Les Républicains après la parution du livre « Un président ne devrait pas dire ça… », avait été rapidement rejetée. En 2024, LFI avait aussi tenté la procédure, sans succès. Un an plus tard, l’issue semble tout aussi compromise. Pour Théo Ducharme, il s’agit avant tout « d’une procédure qui reste politique, avec une grande liberté laissée aux parlementaires dans la qualification du manquement ».