Menu sans viande dans les cantines à Lyon : « Bon sens » ou « pure démagogie » ?

Menu sans viande dans les cantines à Lyon : « Bon sens » ou « pure démagogie » ?

La décision du maire de Lyon d’instaurer des menus uniques sans viande à la cantine pour « des raisons sanitaires », n’a pas manqué de faire réagir le gouvernement qui a qualifié l’initiative « d’idéologie scandaleuse ». Un bras de fer politique entre macronistes et écologistes, sans oublier la droite vent debout, qui donne déjà le ton de la prochaine présidentielle.
Public Sénat

Par Antoine Comte

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Idéologie électoraliste ou mesure nécessaire en période de crise sanitaire ? Depuis que Grégory Doucet, le maire écologiste de Lyon a annoncé qu’à partir de la rentrée des vacances de février, c’est-à-dire ce lundi, les 206 écoles de la ville proposeraient désormais uniquement des menus décarnés à la cantine, c’est un véritable déferlement de critiques qui s’abat sur lui et sa majorité municipale.

Les premiers à dégainer : la droite locale logiquement avec leur chef de file et sénateur du Rhône, Etienne Blanc. « Grégory Doucet utilise la crise du covid-19 et le nouveau protocole sanitaire mis récemment en place dans les écoles, pour avancer ses thèses vegans, animalistes et donc végétariennes au vrai sens du terme », tacle au micro de Public Sénat le candidat malheureux des Républicains aux dernières élections municipales.

Pour le sénateur LR, François-Noël Buffet, qui se dit « scandalisé », c’est aussi « une vraie discrimination, car la cantine doit rester un lieu où l’on a le choix ». « C’est de la pure démago ! Imaginez, si personne n’avait rien dit, Grégory Doucet aurait imposé ces menus uniques jusqu’à la fin de son mandat », ajoute le conseiller de la métropole lyonnaise qui promet d’être « extrêmement vigilant quant au caractère temporaire de la mesure ».

« Comportements de bobos »

« Ce sont des comportements de bobos. C’est totalement irresponsable ! Heureusement que le gouvernement n’a pas laissé passer ça, car sinon le maire de Lyon n’aurait pas reculé. Profiter de la crise sanitaire pour imposer derrière leurs idées dogmatiques, ce n’est pas possible », râle de son côté le sénateur RDSE du Rhône, Bernard Fialaire, qui rappelle que cette mesure figurait dans le programme de Grégory Doucet l’année dernière.

La levée de boucliers est en effet surtout venue du gouvernement, en la personne du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui a dénoncé « l’insulte inacceptable « faite » aux agriculteurs et aux bouchers français » et « la politique moraliste et élitiste des Verts qui « exclut les classes populaires », car, selon lui, « de nombreux enfants n’ont souvent que la cantine pour manger de la viande »…

Un tacle qui s’est suivi aussitôt d’un tweet de Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture annonçant qu’il avait « saisi le préfet du Rhône » sur cette question.


 

Gérard Collomb : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé »

Accablé de critiques de toutes parts, le maire de Lyon et ses adjoints ne se sont pas pour autant démontés. Si Grégory Doucet a d’abord rappelé dans une série de tweets que la mise en place de menus uniques sans viande répondait à des contraintes logistiques liées au nouveau protocole sanitaire décidé par le gouvernement pour les cantines scolaires (les élèves d’une même classe déjeunent ensemble en maintenant une distance de deux mètres avec ceux d’une autre classe…), il a surtout précisé que son prédécesseur, Gérard Collomb, avait fait exactement la même chose au sortir du premier confinement en juin, et qu’à l’époque, cela n’avait dérangé personne.

Une information que l’ancien maire de Lyon a reconnue ce matin au conseil municipal, mais avec un bémol tout de même, qu’il a expliqué à Public Sénat. « A l’époque, à la sortie du premier confinement, les conditions n’étaient pas du tout les mêmes. On ne savait même pas combien d’enfants reviendraient à l’école, et Jean-Michel Blanquer nous avait envoyé une liste de courses pour tout réorganiser. Je peux vous dire que la question de la viande à la cantine était alors un élément parmi d’autres », confie l’ex-ministre de l’Intérieur qui s’amuse que les écologistes le citent en exemple. « Ils se réfèrent en permanence à moi. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », ironise-t-il, en critiquant « les déclarations malencontreuses et surtout de plus en plus liberticides » de son successeur, comme « sur le Tour de France ou le Vœu des Echevins ».

« C’est une question de santé publique »

Des critiques que ne comprend pas la majorité écologiste lyonnaise. Pour Stéphanie Léger, l’adjointe à l’Education, si la mairie de Lyon a opté pour des menus uniques sans viande, c’est avant tout parce que c’est celui qui « correspond le mieux à tous les enfants ». « Il y a vocation à accueillir l’ensemble des 30 000 écoliers lyonnais pour leur servir un plat chaud tous les jours malgré un protocole sanitaire extrêmement contraignant. C’est une question de santé publique, pas d’idéologie », assure l’élue lyonnaise.

Une position logiquement défendue par le sénateur écologiste du Rhône, Thomas Dossus : « Nous avons fait des études, et nous nous sommes rendu compte ici à Lyon, que quand de la viande est proposée le midi à la cantine, 50 % des élèves la mettent de côté. Le menu qui plaisait au plus grand nombre tout en permettant de respecter ce nouveau protocole sanitaire strict était donc bien celui-là ».

 

« On a bien compris que 2022 était derrière tout ça »

Mais derrière ce bras de fer qui s’est engagé entre écologistes et macronistes sur cette question idéologique, on sent bien que la campagne pour l’élection présidentielle de 2022 est déjà lancée. « Le but d’Emmanuel Macron est de se retrouver au deuxième tour face à Marine Le Pen. La stratégie est donc de ne surtout pas laisser une autre force politique émerger comme les écologistes qui ont le vent en poupe depuis les dernières élections municipales. Ce qui peut expliquer pourquoi des ministres ont sorti le bazooka dans cette histoire de menus sans viande », explique un fin connaisseur de la politique lyonnaise et nationale, qui souligne tout de même la tentative d’apaisement de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili dans « ce débat préhistorique », tel qu’elle le qualifie. Tout comme le ministre de la Santé Olivier Véran qui a semblé se montrer ouvert aux cantines propsant des menus sans viande, lors d'un déplacement ce matin à Lyon justement.

« Dans cette histoire de menu unique, les écologistes se sont un peu piégés politiquement eux-mêmes en fait. S’ils ne passaient pas leur temps à dire qu’ils sont contre la consommation de viande, il n’y aurait pas eu toute cette suspicion qu’on leur fait aujourd’hui sur ce type de mesure. Et ça, je peux vous dire que le gouvernement l’a bien compris… », confirme l’ancien maire de Lyon Georges Képénékian.

Une analyse que partage également David Kimelfeld l’ancien président de la Métropole de Lyon, et candidat à sa réélection en tant que dissident LREM. « Je trouve assez décalé de voir cette déferlante du gouvernement en pleine crise sanitaire. Je dirai même que ce n’est pas très raisonnable, même si on a bien compris que 2022 était derrière tout ça », lâche l’ex-patron du Grand Lyon, impatient de connaître de fin mot de cette histoire.

La réponse au prochain épisode…

Dans la même thématique

Menu sans viande dans les cantines à Lyon : « Bon sens » ou « pure démagogie » ?
3min

Politique

Européennes 2024 : Marie Toussaint plaide pour « un pacte de non-agression à gauche »

Alors que la Nupes s’est décomposée durant les dernières semaines, Jean-Luc Mélenchon a acté, samedi 2 décembre, la fin de la Nupes. Cet été, l’idée d’une liste commune entre les partis de la Nupes pour les élections européennes de juin 2024 avait déjà commencé à fracturer l’alliance, en particulier chez les écologistes. En juillet 2023, le parti de Marine Tondelier, habitué aux bons résultats lors des scrutins européens, désigne Marie Toussaint tête de liste pour les élections européennes.  « La réparation est l’un des objectifs de l’écologie politique, le meeting a duré trois heures, c’était très dense » Si les écologistes rejettent l’idée d’une liste commune à gauche, la députée européenne Marie Toussaint plaide pour « un pacte de non-agression à gauche ». Pour rappel, une liste ne peut élire des députés au Parlement européen uniquement si elle dépasse un seuil de 5 %. « Je pense que l’on a des combats essentiels à mener, c’est ce qui doit concentrer toute notre attention », juge Marie Toussaint qui estime que le combat doit être mené contre les partis nationalistes qui continuent de progresser au sein de l’Union européenne. En proposant ce pacte de non-agression, Marie Toussaint rappelle qu’elle souhaite orienter sa campagne autour de « la douceur ». Une approche qui suscite l’étonnement, ou l’incompréhension, notamment après le meeting de lancement de la campagne. Ce 2 décembre, la tête de liste écologiste avait convié un groupe de danseuses pratiquant la « booty-therapy », une danse permettant de « s’assumer ». « La réparation est l’un des objectifs de l’écologie politique, le meeting a duré trois heures, c’était très dense », justifie Marie Toussaint qui assume vouloir mener une campagne « sensible ». « La douceur, dans un monde meurtri par la violence politique et sociale, est un horizon de sauvegarde, c’est un objet de combativité », développe Marie Toussaint pour laquelle cette approche peut être payante.  « Il faut sortir les lobbys des institutions, il faut une législation de séparation des lobbys des institutions européennes » Alors que les négociations de la COP 28 se déroulent actuellement à Dubaï avec un nombre record de lobbyistes présents. Selon Marie Toussaint, que cela soit durant les négociations internationales ou au sein des institutions européennes, les lobbys, notamment pétroliers, doivent être écartés des espaces de discussions. « Il faut sortir les lobbys des institutions, il faut une législation de séparation des lobbys des institutions européennes », développe Marie Toussaint alors que les groupes d’intérêts occupent une place importante dans le processus législatif européen. Outre le lobby des énergies fossiles, la tête de liste écologiste prend également pour cible la fédération des chasseurs et son président Willy Schraen qui mènera une liste aux élections européennes. Accusée par ce dernier de prôner une écologie déconnectée, Marie Toussaint a, de nouveau, proposé d’organiser un débat avec Willy Schraen afin de « vérifier qui est du côté de l’agro-industrie et qui est du côté des paysans ». Marie Toussaint fustige notamment l’hypocrisie du patron des chasseurs considérant que ce dernier défend « une vision de l’agriculture sans paysans ».

Le

L’hémicycle du Sénat
7min

Politique

Aide médicale d’Etat : la majorité sénatoriale divisée sur les conclusions du rapport Stefanini Evin

Un rapport remis lundi au gouvernement balaye l’hypothèse d’une suppression de l’Aide médicale d’Etat (AME), tout en préconisant une réforme du dispositif. Cette étude prend toutefois ses distances avec le chemin tracé par la majorité sénatoriale, qui a fait disparaître l’AME lors de l’examen du projet de loi immigration en novembre, pour lui substituer une aide d’urgence.

Le