« Tout ne passe pas par la loi, on passe trop par la loi dans notre République. » Comme après chaque crise, Emmanuel Macron veut redéfinir les méthodes. Au cours de son interview télévisée cet après-midi, le chef de l’État s’est livré à un de ses exercices fétiches : s’interroger sur la rapidité du processus législatif et sur la longueur des textes de loi. « Il faut agir au service des priorités de nos compatriotes, le faire de manière très concrète, avec les élus sur le terrain, avec les services de l’État », a-t-il encouragé. Le président de la République veut également bâtir les futurs textes en associant les deux chambres du Parlement, dans une logique « coconstruction d’un agenda parlementaire ».
Cette tentation de répondre aux difficultés par d’autres véhicules que la loi – par l’intermédiaire des collectivités locales ou par voie de décrets ou de règlements – a heurté les sénateurs. « On va moins avoir moins recours au Parlement, moins avoir de textes législatifs, on n’aura plus recours aux décrets ou alors on va avoir des textes qui seront saucissonnés dans le temps… mais qu’est-ce que ça veut dire ? Quel est ce mépris du Parlement qui est de nouveau affiché par le président de la République ? » s’étonne par exemple la sénatrice Dominique Estrosi Sassone (LR). « Je suis désolé, je pense que c’est particulièrement grave pour notre démocratie. »
Le travail parlementaire « détricoté »
Patrick Kanner, le président du groupe socialiste estime qu’Emmanuel Macron, « en doublant le Parlement », illustre sa « philosophie ». « Il n’a jamais été élu local, il n’a jamais été parlementaire, don il ne sait pas comment fonctionne la démocratie dans notre pays », s’exclame le sénateur du Nord. L’ancien ministre l’accuse au passage de « détricoter le travail parlementaire », en donnant pour exemple le projet de loi immigration.
Ce texte sensible va être retiré de l’agenda du Sénat, où il devait être examiné en premier la semaine prochaine, pour être redécoupé en plusieurs textes. « Ce sont des semaines, des mois, de travail qui passent à la trappe. C’est un manque de respect incroyable en disant tout à l’heure je vais saucissonner le texte », conteste le président de groupe, qui se dit « très inquiet sur la gouvernance du pays ».
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Passée par les arcanes du Parlement européen où des compromis doivent se nouer entre les groupes, l’écologiste Mélanie Vogel rejoint également ses collègues dans cette critique. « On est minoritaire dans le pays, dans le Parlement, et donc on va se mettre à gouverner par décret parce qu’en fait c’est la seule manière de gouverner. Emmanuel Macron a fini d’enterrer la Ve République. Maintenant, le chemin de sortie de crise réel pour sortir de la crise sociale et politique, et pour que ce ne soit pas l’arrivée de l’extrême droite en 2027, c’est de changer de Constitution. »
Président du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), le groupe des marcheurs au Sénat, François Patriat approuve au contraire le message du président du président de la République. « Tout le monde le dit : le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État le dit, on légifère trop, et légifère trop avec des lois trop lourdes et trop longues et qui sont trop bavardes ! » Le sénateur de Côte-d’Or, proche du chef de l’État, considère que passer par décret pour « changer la vie concrète des Français » est en réalité une « solution de sagesse », qui « n’outrage pas par ailleurs les droits du Parlement ».