Mer, sel, coquillage…et armes chimiques

Mer, sel, coquillage…et armes chimiques

Des centaines de millions de tonnes d’armes chimiques dormiraient dans les fonds marins… du gaz moutarde, de l’arsenic, contenus dans des obus, seraient prêts à exploser là où nous nous baignons. C’est en tout cas la thèse du film « Menaces en Mers du Nord », réalisé par Jacques Loeuille. Si les faits historiques prouvent que des armes chimiques ont bien été jetées dans les mers du Nord, lors des deux Guerres mondiales, leur quantité, et les dangers qu’elles représentent font débat.
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Par Mariétou Bâ

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« Au XXe siècle, les Alliés ont volontairement laissé couler des navires transportant des centaines de millions de tonnes d’armes chimiques », c’est par ce constat inquiétant – peut-être un peu trop ?- que débute le film du réalisateur Jacques Loeuille.

Sorti des archives belges un courrier destiné au ministère de la Guerre détaille pourtant de façon précise que « le moyen le plus efficace – de se séparer de ces stocks encombrants d’armes chimiques — est de noyer ces munitions en mer ». Rien qu’au large de la plage de Knokke, en Belgique ce seraient 35 000 tonnes d’armes chimiques, qui auraient été jetées sur des bancs de sable.

La course aux armes chimiques

Lors de la Première Guerre mondiale les Allemands auraient été les premiers à faire un usage massif des armes chimiques, en 1915. Sur le front, les adversaires s’inquiètent. À la fin de la Grande Guerre, tous les belligérants en sont équipés. Quelques années plus tard, l’Allemagne reprend son avance, et met au point des agents neurotoxiques. Craignant que d’autres nations en fassent usage, les généraux allemands décideront finalement de ne pas utiliser cette arme qui repend la mort de façon aveugle.

En 1945, tout cet arsenal, chimique et conventionnel, revient aux mains des Alliés. Entre 1946 et 1948 par exemple, faute de pouvoir les éliminer, Américains et Britanniques se débarrassent de ce cadeau empoisonné dans les différentes Mers du Nord.

Des armes chimiques immergées, mais combien de tonnes ?

Magnifiquement filmées par drone, on finit par regarder avec appréhension les images de cette mer calme mais qui recèle cet héritage empoisonné de la guerre. Sur fond de musique oppressante le réalisateur nous montre des fonds marins, où les obus sont empilés dans les bateaux naufragés.

Mais à quel point doit-on s’inquiéter ? Les cartes font apparaître des points rouges, comme autant de menaces qui se multiplient. Quelle quantité d’armes, quelle intensité de danger représentent-ils ?

Mais les chiffres présentés dans le film sont loin de faire l’unanimité. Selon Dominique Anelli, ancien chef de la vérification des armes chimiques à l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques), ce ne sont pas des centaines de millions de tonnes d’armes chimiques dont on doit parler, mais plutôt centaines de milliers de tonnes d’armes chimiques, et conventionnelles, immergées dans le monde entier.

« Le problème des armes chimiques vient s’ajouter aux effets du réchauffement climatique et à la pêche industrielle », Jacques Loeuille, réalisateur du documentaire « Menaces en Mers du Nord ».

Un danger sanitaire et environnemental

Néanmoins, quel que soit leur nombre, la présence avérée d’armes chimiques, documentée par d’autres pays comme le Royaume-Uni, représente plusieurs dangers certains. Les poissons pêchés en Mer du Nord et en Mer Baltique sont peut-être contaminés. « Acceptons-nous qu’il y ait des traces de munitions faites pour tuer des humains, dans notre alimentation ? », se demande Matthias Brenner, chimiste marin. Pire, « le problème des armes chimiques vient s’ajouter aux effets du réchauffement climatique et à la pêche industrielle », affirme Jacques Loeuille. Mais pour certains, il n’est pas trop tard pour « nettoyer » les océans.

Il faut développer "une fondation internationale " pour s'occuper des armes chimiques immergées, selon Terrance Patrick Long, démineur de l'OTAN
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Des approximations à débattre

Un sujet peu documenté en France. Et pour cause, l’accès aux archives sur ce sujet reste interdit : des documents classés « très secret défense ». Un silence révélateur d’une culture française, selon Olivier Lepick, expert en armes chimiques.

"Il y a une véritable culture du secret en France", selon Olivier Lepick, expert en armes chimiques
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