L’allocution aura été attendue. Ce vendredi, le Conseil de défense s’est réuni, autour du président de la République, pour mettre en œuvre une série de mesures destinées à lutter contre la propagation de la Covid-19, qui repart à la hausse. Ce jeudi, 9 843 nouveaux cas ont été confirmés, une forte hausse qui n’était pas arrivée depuis la période de confinement. « Le gouvernement va être obligé de prendre un certain nombre de décisions difficiles », avait soutenu, mercredi, le président du conseil scientifique Jean-François Delfraissy. Une déclaration qui avait ouvert la voie à de nombreuses hypothèses, notamment celle d’un reconfinement généralisé. Initialement, les mesures du gouvernement devaient être annoncées par le ministre de la Santé, Olivier Véran, lors d’une conférence de presse. Mais c’est finalement Jean Castex, lui-même confiné pour soupçon de contamination, qui prend la parole sur le perron de Matignon.
« La situation épidémiologique fait apparaître une dégradation manifeste », déclare le premier ministre. « Le taux d’incidence est monté à 72 cas pour 100 000 personnes et le pourcentage des cas positifs ne cesse d’augmenter ». Pour autant, le chef du gouvernement assure, dès le début de sa prise de parole, que la stratégie de l’exécutif consiste toujours à « lutter contre le virus en évitant de mettre entre parenthèse notre vie sociale, culturelle, économique, l’éducation de nos enfants et notre capacité à vivre normalement ». « Le virus est là pour quelques mois encore, et nous devons réussir à vivre avec lui, sans nous laisser entrainer dans une logique de confinement généralisée », désamorce Jean Castex. « C’est une bonne nouvelle », réagit le chef de file des sénateurs centristes Hervé Marseille. « La période de confinement, sûrement nécessaire, a déjà trop coûté à la France. Il faut donc prendre des mesures calibrées pour éviter une pénalisation économique et sociale. »
Plus de pouvoir accordé aux élus locaux
Plusieurs décisions ont donc émergé du conseil de défense. D’abord, procéder à une priorisation des tests de dépistage. Seront désormais prioritaires les personnes présentant des symptômes, celles ayant été en « contact proche » avec une personne contaminée, et le personnel soignant. « La priorisation des tests était un vrai sujet », salue la sénatrice de Meurthe-et-Moselle et médecin Véronique Guillotin. « Il est nécessaire de prioriser les personnes en situation d’urgence, pour permettre de désengorger les effecteurs de tests sur le terrain ». Autre changement : la durée d’isolement d’une personne potentiellement porteuse du virus passera désormais de quatorze à sept jours. « Parce que c’est la durée pendant laquelle il existe un risque de contagion », justifie Jean Castex. Cette durée d’isolement pourra désormais donner lieu à des contrôles. « C’est une bonne mesure », soutient le sénateur de la Marne, et également médecin, René-Paul Savary. « Il s’agit de s’adapter à une situation dans laquelle la quatorzaine commençait à poser des problèmes. »
Fidèle à son costume d’homme des territoires, Jean Castex est revenu sur le rôle de ces derniers dans la gestion de la pandémie. « 42 départements sont actuellement classés en rouge », souligne le premier ministre. Un classement qui permet désormais aux préfets, en lien avec les élus du territoire et les acteurs du monde de la santé, de déclencher des mesures supplémentaires et spécifiques pour permettre la réduction du risque de transmission. Parmi elles : l’obligation du port du masque dans certains endroits, l’interdiction de rassemblements sur l’espace public ou de grands événements. « Ces mesures ne doivent pas se justifier depuis Paris », affirme Jean Castex. « Nous conserverons cette méthode décentralisée, qui doit nous permettre d’agir sans attendre que la situation se dégrade. » « Le gouvernement montre qu’il a tiré les leçons du confinement, où le rôle des élus avait insuffisamment été pris en considération », commente Hervé Marseille. « C’est positif que l’on s’appuie désormais sur ceux qui sont au plus près de la population. » « Il ne faudrait pas que l’Etat se décharge de l’aspect régalien et de la santé publique », met toutefois en garde le sénateur Les Républicains Jean-François Rapin. « Adapter les mesures me paraît évidemment logique, mais les élus du territoire doivent pouvoir compter sur le soutien de l’Etat. »
« Le gouvernement patauge »
Pas de mesure spectaculaire, donc, dans la doctrine du gouvernement pour gérer la propagation de l’épidémie. Une allocution qui laisse certains sénateurs sur leur faim. « Tout ça pour ça… J’avais cru comprendre que le conseil scientifique préconisait des mesures plus fortes », réagit la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie. « La mise en scène du conseil de défense avec l’allocution du premier ministre était un peu exagérée. Le gouvernement donne l’impression de patauger et ça n’aide pas à reprendre confiance. » Et d’autres, s’ils partagent la nécessité de mettre en place des mesures préventives, relativisent l’arrivée d’une deuxième vague. « Il y a certes un rebond, avec l’augmentation du nombre de cas, mais il faut rester sereins, car l’effet des masques obligatoires met quinze jours pour porter ses fruits. La vague devrait donc commencer à s’atténuer, même si nous ne sommes pas à l’abri d’une récidive », tempère René-Paul Savary.