A épidémie régionalisée, mesures localisées. Face à la recrudescence de l’épidémie de Covid-19, l’heure est aux nouvelles décisions, plus restrictives, mais à l’échelle territoriale. Bouches-du-Rhône, Gironde… plusieurs départements sont dans une situation de plus en plus difficile. En prenant la parole vendredi, le premier ministre Jean Castex, citant Marseille, Bordeaux et la Guadeloupe, avait demandé « aux préfets concernés de proposer d'ici lundi, et après avoir mené les concertations locales nécessaires, de nouvelles mesures complémentaires ».
Eviter les rassemblements privés de plus de 10 personnes
Nous y voilà. En Gironde, la préfète, Fabienne Buccio, a annoncé la réduction de la jauge pour les événements publics à 1.000 personnes, l’interdiction des fêtes foraines et des brocantes, l’annulation des fêtes étudiantes et l’interdiction à Bordeaux de la consommation d’alcool sur la voie publique, ou encore l’annulation des sorties scolaires. Elle demande aussi « solennellement à chaque habitant de limiter les événements familiaux et festifs à 10 personnes maximum », évoquant les « mariages », qu’il serait préférable de « reporter ».
A Marseille, la semaine dernière, du côté du ministère de la Santé, on avait pointé la responsabilité des élus, qui avaient plutôt freiné sur les mesures. Cette fois, chacun y est allé de son idée, avant les annonces. Renaud Muselier, le président LR de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, a réclamé dimanche de « fermer les plages et les parcs à 20 heures » et « d'interdire les fêtes de mariage ». La maire EELV de Marseille, Michèle Rubirola, souligne de son côté dans Le Monde que « la répression ne marche qu’un moment », appelant à « accompagner les mesures d’explications ».
Foire de Marseille annulée et « soirées dansantes interdites »
En fin de journée, le préfet des Bouches-du-Rhône, Christophe Mirmand, a finalement présenté des mesures similaires à celles annoncées un peu plus tôt en Gironde, notamment l’obligation du port du masque dans 27 communes (à l’exception des calanques) où le taux d’incidence est supérieur à 100. Les contrôles seront renforcés, y compris, dans les transports. Les événements de plus de 1.000 personnes seront interdits, la Fête des voisins, Journée du patrimoine et Foire de Marseille annulées, comme les fêtes étudiantes. Dans les bars et restos, la fermeture reste à 00h30, mais la consommation debout n’est pas autorisée et les consommations partagées comme « la pipe à chicha » sont interdites. Par ailleurs, « les soirées dansantes seront interdites ». Les réunions privées de plus de 10 personnes sont fortement déconseillées, là aussi.
Michel Amiel, maire des Pennes-Mirabeau, au nord de Marseille, et sénateur LREM jusqu’en août dernier, défend « une position du juste milieu ». Il voit dans ces mesures plus « un coup de semonce pour dire aux gens de prendre maintenant leurs responsabilités ». Mais ce médecin généraliste de profession n’est « pas certain qu’elles seront extrêmement efficaces sur le plan sanitaire »… « J’ai une pensée particulière pour les personnes âgées dans les Ehpad, qui ne vont peut-être pas mourir du Covid mais de désespoir » ajoute-t-il. Quant aux laboratoires surchargés face à la demande de tests, Michel Amiel appelle « à filtrer les prélèvements par les médecins. C’est indispensable que les généralistes soient davantage mis à contribution. Mais une fois de plus, ils ont été mis sur la touche ».
La sénatrice Victoire Jasmin salue des mesures prises en concertation avec les élus de Guadeloupe
En Guadeloupe, les bars et restaurants devront fermer à 22 heures en semaine et minuit le week-end. Les stades, piscines et gymnases seront fermés. Des mesures appréciées par Victoire Jasmin, sénatrice PS de Guadeloupe. « Elles étaient nécessaires » dit-elle, saluant « des décisions prises avec les parlementaires, les élus locaux. Nous avons été informés des mesures et avons donné nos avis ». Regardez (images de Marion Vigreux) :
Covid : la sénatrice PS Victoire Jasmin salue les mesures "nécessaires" prises en concertation avec les élus de Guadeloupe
Sur les bars et restaurants, la fermeture est en réalité autant motivée par le risque de contamination que par « les problèmes de violence et d’alcool ». « C’est vrai qu’il ne faut pas faire le lien (avec le Covid) directement, car les clusters sont essentiellement familiaux. Mais ces mêmes personnes qui viennent dans un bar, elles viennent avec leur Covid ou repartent avec, on peut l’imaginer », souligne Victoire Jasmin.
« Regardons ce que font les pays qui fonctionnent, comme l’Allemagne » demande le docteur Jérôme Marty
Un certain flou, dans les motivations de la prise de décision, que pointe justement du doigt le docteur Jérôme Marty, président du syndicat UFLM (Union française pour une médecine libre). « Tout ça est complètement lunaire » dénonce ce médecin, qui demande des statistiques beaucoup plus fines sur les lieux de contamination pour mieux cibler les mesures, qui seront ainsi mieux acceptées par la population. Il s’agit de savoir si les contaminations se font par exemple dans les bars ou plutôt chez soi, et cela pour chaque département, ville. « Les équipes de contact tracing de l’Assurance maladie » ont fait ce travail depuis le mois de mai, dit-il. « Je demande qu’on ait le rendu de ces statistiques. Ils ne les diffusent pas. Pourquoi ? Je n’en sais rien » regrette le médecin. Il ajoute :
Fermer les bars à 22 heures, si c’est juste pour faire de la politique et montrer qu’on fait quelque chose, on ne sait pas l’efficience de cela.
Pour Jérôme Marty, « on cible les jeunes, comme avec la Fête de la musique, et on fait une guerre intergénérationnelle. C’est perdu d’avance. Ce n’est pas ce qu’il faut faire. Soyons froids et factuels, faisons comme Drosten (virologue allemand, ndlr), regardons ce que font les pays qui fonctionnent ». Le président de l'UFLM constate que malgré des chiffres de contamination similaire, nos voisins allemands gèrent beaucoup mieux la reprise épidémique. « On a une différence de 1 à 20 avec l’Allemagne pour les sujets contacts. C’est du délire. Pourquoi ? Car ils ont ciblé depuis longtemps les zones dangereuses et y mettent le paquet ». Autrement dit, plutôt que des mesures au chalut – tests trop larges sans priorisation et fermeture de tous les bars par exemple – il vaut mieux des mesures ciblées et localisées, et réellement respectées.
« Communication désastreuse » de Jean Castex
Globalement, le sénateur PS de Paris, Rémi Féraud, invité ce matin de Public Sénat, dénonce pour sa part « l’absence totale de scénario défini nationalement, qu’on puisse adapter département par département en fonction de la situation sanitaire ». Regardez :
Covid : le sénateur PS de Paris Rémi Féraud dénonce « l’absence totale de scénario défini nationalement »
Le sénateur (apparenté PS) Bernard Jomier s’interroge aussi sur la méthode. « La bonne manière, c’est d’avoir une stratégie nationale claire, adaptée au niveau local » dit-il. Il salue les décisions partagées « avec tous les acteurs », à la différence des décisions prises « d’autorité par le préfet, sans accord avec les élus ». « J’ai le souvenir de la façon dont le port du masque obligatoire a été pris à Paris. Ce n’était pas vraiment un travail de coopération » pointe le sénateur de Paris, commune aussi très touchée par le Covid.
« Certes, le premier ministre a l’intention de mieux territorialiser. C’est tout à fait louable » continue Bernard Jomier, « mais il faut qu’il nous explique sa méthode ». Ce médecin généraliste, toujours en exercice, s’étonne encore de la décision de ramener à sept jours la quarantaine. S’il reconnaît que la décision se justifie « sur le fond », en raison de la contagiosité plus faible au-delà de sept jours, il s’interroge : « Il y a une reprise de la circulation du virus, et la seule mesure annoncée par Jean Castex, c’est d’assouplir la durée d’isolement. Si vous comprenez, vous êtes très fort… C’est une communication désastreuse. Et à ce moment-là, vous prêtez le flanc aux thèses complotistes ».