« L’hôpital ne se sauvera pas tout seul », alerte Thierry Godeau

« L’hôpital ne se sauvera pas tout seul », alerte Thierry Godeau

A tour de rôle, les présidents des conférences médicales d’établissements des centres hospitaliers ont été entendus par la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital. Et le constat est partagé : l’hôpital ne va pas bien. Départs massifs de soignants, « extrême lassitude «, « perte de sens ». A travers ces auditions, les sénateurs de la commission d’enquête ont cherché à comprendre les problèmes structurels de la crise à l’hôpital.
Public Sénat

Par Flora Sauvage

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C’est un cri d’alarme que François-René Pruvot, président de la conférence des commissions médicales d’établissements des centres hospitaliers universitaires, a lancé à la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital. Après deux ans de lutte contre la pandémie de covid-19 19, et « à l’aube de la présidentielle, nous réclamons un rééquilibrage entre le service public hospitalier et le secteur privé ».

Cet appel solennel sera relayé aux prétendants à l’élection présidentielle dans les prochains jours, explique François-René Pruvot, qui regrette que la question de l’hôpital ne soit pas suffisamment abordée dans la campagne présidentielle. Pour le président de la conférence des commissions médicales d’établissements des centres hospitaliers, Thierry Godeau,

« ce serait une erreur grave de ne pas mettre la santé au cœur du débat de la campagne présidentielle »

car « l’hôpital ne se sauvera pas tout seul ».

Une vague de fond de départs

Comment expliquer la perte d’attractivité de l’hôpital, s’interroge le président rattaché PS de la commission d’enquête Bernard Jomier ? Pour expliquer la situation actuelle, François-René Pruvot avance trois explications : la pandémie avec la « lassitude extrême des soignants » et une carence de soins des malades hors covid-19 « qui sont autant de soucis dans les années qui viennent par exemple en oncologie ». Même s’il est « impossible » de tirer aujourd’hui un bilan du déficit de prise en charge pendant la crise. Le deuxième ressort de la crise à l’hôpital tient « aux manquements du Ségur, qui a eu des trous dans la raquette en particulier dans la permanence des soins ou le travail de nuit ». Enfin François-René Pruvot estime que la troisième explication de la crise à l’hôpital la plus problématique à ses yeux vient de « la vague de fond de départ lié à l’imaginaire des métiers de soins des futurs soignants » qui pensent aller à l’hôpital pour soigner les patients mais qui se retrouvent trop souvent à gérer des questions administratives.

3 explications aux ressorts de la crise à l'hôpital, selon François-René PRUVOT
01:52

Gestion financière de l’hôpital

« Les médecins se sentent aussi un peu dépossédés de la gestion de la santé », explique Thierry Godeau, président de la conférence des commissions médicales d’établissements des centres hospitaliers. Ils dénoncent la gestion financière de l’hôpital et la T2A, la tarification à l’activité, qui vise à réduire les coûts à l’hôpital. Devant les sénateurs, Thierry Godeau se confie : « j’ai deux filles qui ont fait médecine et qui sont actuellement à l’hôpital, mais elles vont probablement le quitter car elles me disent ‘on ne veut pas vivre la vie que tu as eue ‘ ». Et d’ajouter : « l’hôpital est en crise, mais la vraie crise de l’hôpital ce n’est pas celle du covid-19 ».

La pandémie a accéléré la crise

Selon Thierry Godeau, la pandémie a été « un accélérateur de la crise actuelle ». Déprogrammations massives de soins, lits fermés faute de soignants, manque de formation de personnels, « ce n’est pas faute d’avoir alerté les autorités » ajoute-t-il avec amertume. La crise a démontré que « l’hôpital est au cœur de notre système de santé », « alors redonnons plus d’autonomie aux équipes, faisons leur confiance » enjoint Thierry Godeau.

L'hôpital est en crise, affirme Thierry Godeau
01:27

Redonner de l’attractivité

« Ce sont les équipes qui apporteront les solutions, il faut avoir confiance dans les équipes. Et arrêter de penser que la cardiologie interventionnelle est plus noble que la gériatrie », prévient Laurence Luquel, présidente de la conférence des établissements de santé privés à but non lucratif. Aujourd’hui « les spécialités dont la population a le plus besoin comme la gériatrie par exemple, sont celles qui sont les moins attractives », regrette Thierry Godeau.

Revoir le ratio infirmiers/patients

Alors comment faire en sorte que l’hôpital soit plus attractif pour les soignants, s’interroge Catherine Deroche, rapporteure LR de la commission d’enquête ? Il y a une réforme de fond de l’hôpital à mettre en œuvre selon la présidente de la commission des affaires sociales, mais quelles sont les solutions rapides qui pourraient permettre de redonner leur liberté aux équipes soignantes, épuisées par les tâches administratives de plus en plus prégnantes ? Thierry Godeau suggère de revoir le ratio qui impose à certains infirmiers de prendre en charge jusqu’à 15 patients en même temps comme à l’hôpital de Colmar. Redonner plus d’autonomie aux soignants et mettre fin à la complexité administrative propose François-René Pruvot.

Souffrance des soignants

« Je vous remercie d’avoir pris conscience de la difficulté qu’on a tous pour soigner », a tenu à souligner Marie Paule Chariot présidente de la conférence médicale d’établissements de l’hospitalisation privée.

« Les aides-soignantes sont payées au Smic pour un week-end sur 2 travaillé »

rappelle Marie-Paule Chariot. Pourquoi les médecins vont dans le privé ? « Parce qu’ils ne dépendent pas de l’administration », explique Marie-Paule Chariot. « La souffrance des soignants dans le privé est au moins aussi importante que les médecins du public », affirme-t-elle.

Départs de soignants

Préoccupés par les départs de soignants vers le secteur privé, les sénateurs s’inquiètent de la situation. Mais François-René Pruvot, président de la conférence des commissions médicales d’établissements des centres hospitaliers universitaires a tenu à rappeler que « 50 % des départs de soignants ne sont pas faits pour aller ailleurs, ils sont faits pour arrêter le métier de soins, c’est ça le plus important ».

 

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