Le président de la Conférence des évêques de France (CEF) Mgr Georges Pontier, a estimé mercredi que "le rôle de l'Eglise est, plus que jamais, de ne pas prendre parti pour l'un ou l'autre candidat", et dénonce un "climat hystérisé" à quatre jours du second tour de la présidentielle.
Dans une interview sur le site de la CEF, l'archevêque de Marseille souligne que "la devise de notre pays est belle: liberté, égalité, fraternité" et qu'"elle est entre nos mains de citoyens", sans que l'on sache s'il s'agit d'une considération générale ou d'une indication pour le scrutin de dimanche.
L'épiscopat est critiqué depuis dix jours pour n'avoir pas pris position contre la présidente du Front national Marine Le Pen, alors qu'un vote pour le candidat d'En marche! Emmanuel Macron est rejeté par une frange conservatrice de l'électorat catholique.
Une vingtaine d'évêques se sont toutefois exprimés à titre personnel, certains rappelant des principes devant éclairer le choix des électeurs, d'autres - plus nombreux - exprimant plus ou moins directement un rejet des thèses de l'extrême droite.
Le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux et ancien président de la CEF, s'est inquiété de l'abstention, porte ouverte "à toutes les aventures, y compris les plus extrêmes".
Vice-président de la CEF, Mgr Pascal Delannoy a relevé que "le score +modéré+ de Marine Le Pen" (13,58%) dans son diocèse de Seine-Saint-Denis était "le signe que la fraternité, la solidarité, le respect de l'autre qui animent nombre d'habitants de notre département sont les meilleures réponses que l'on puisse apporter aux discours qui veulent semer la discorde, la méfiance et la peur".
- "Les plus orphelins" -
A rebours, Mgr Dominique Rey, évêque du diocèse de Fréjus-Toulon où Marine Le Pen est arrivée en tête au premier tour avec 30,43%, a invité ses fidèles à "choisir en conscience", en ignorant "les exclusives de la médiacratie ou les consignes du prêt-à-penser".
"Je perçois un certain émoi, du désarroi chez un nombre important de catholiques qui n'arrivent pas trop à se situer", a-t-il expliqué lors d'un entretien avec l'Association des journalistes d'information religieuse (Ajir). "Il faut rester à notre place, située à distance, rappeler des principes mais ne surtout pas donner de consigne de vote", a ajouté cette figure influente dans les milieux conservateurs.
Pour Jérôme Fourquet, de l'institut de sondage Ifop, "les catholiques pratiquants sont l'un des groupes les plus orphelins au second tour", puisque seuls 34% d'entre eux ont choisi au premier un des deux finalistes (19% Emmanuel Macron, 15% Marine Le Pen, contre 46% pour François Fillon). Ce qui peux expliquer, selon lui, des "prises de position de l'épiscopat moins stabilisées" que par le passé.
Si les évêques apparaissent en retrait, de nombreuses organisations catholiques ont pris part avec clarté au débat. Une trentaine de mouvements, du Secours catholique aux Scouts de France, ont appelé à refuser "la tentation du repli sur soi", la Conférence des religieuses et religieux de France (Corref, moines, frères et soeurs) invitant à opter "pour la fraternité, l'ouverture, l'hospitalité". Le quotidien La Croix s'est prononcé en faveur d'Emmanuel Macron.
Pour Mgr Pontier, "le rôle de l'Eglise est, plus que jamais, de ne pas prendre parti pour l'un ou l'autre candidat mais de rappeler à chaque électeur ce que notre foi nous invite à prendre en compte". Avant de citer: "le respect de la dignité de toute personne humaine, l'accueil de l'autre dans sa différence, l'importance de la famille et le respect de la filiation, la nécessité de respecter la liberté de conscience, l'ouverture au monde, la juste répartition des richesses, l'accès au travail, au logement...".
Comme "aucun programme ne remplit tous ces critères", c'est "à chacun, à la lumière de l'Evangile, d'effectuer sa propre pondération et de voter en conscience", estime-t-il.