« J’ai tué le métier », cette phrase prononcée par Nicolas Sarkozy à l’époque où il était ministre de l’Intérieur, rappelle à quel point ce dernier a marqué la fonction. C’est ce que rappelle Éric Schahl, ancien directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy pour les primaires en 2016. Interrogé par Hélène Risser sur le plateau de Hashtag, il souligne que « les ministres de l’Intérieur qui se sont succédé ont rarement échappé à la comparaison avec Nicolas Sarkozy ».
Alors, qu’en est-il pour le ministre Gérald Darmanin qui vient de prendre ses fonctions ?
« Premièrement il veut ressusciter le métier » analyse Éric Schahl. « Il se dit : on vient d’avoir Castaner, on vient d’avoir des ministres de l’Intérieur qui n’ont pas forcément été marquants dans leurs fonctions. Alors, il veut copier/coller le Nicolas Sarkozy de 2002 ». Quand Gérald Darmanin multiplie les déplacements sur le terrain, il est donc dans l’imitation de son mentor.
N’est pas Nicolas Sarkozy qui veut
Mais si par son usage du mot « ensauvagement », Gérald Darmanin a pu être comparé à Nicolas Sarkozy, qui en son temps avait fait polémique pour son utilisation du mot « racaille » ou « Kärcher », pour Éric Schahl la comparaison n’a pas lieu d’être. « Je crois que Gérald Darmanin utilise le mot « ensauvagement » parce qu’il le pense beaucoup plus modéré que d’autres mots. Il a le souvenir des polémiques suscitées par Nicolas Sarkozy. Et je crois qu’à ce moment-là, il fait l’effort de parler d’ensauvagement de la société pour ne pas stigmatiser ».
Et comme il le rappelle, Gérald Darmanin emploie ce mot, quelques semaines après qu’Emmanuel Macron a utilisé le terme « d’incivilités » pour qualifier les faits divers de cet été.
Le ministre de l’Intérieur a donc employé un mot plus dur, sans viser une population précise pour ne pas se voir accuser de vouloir relancer le débat sur les violences en banlieue. À l’inverse d’un Nicolas Sarkozy, qui comme le souligne Éric Schahl « employait des mots forts parfois brutaux pour provoquer des débats ».
Macron à la recherche de l’électorat de droite avec le thème de l’insécurité ?
Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti a rejeté ce mot d’ensauvagement, qui pour lui développe le « sentiment d’insécurité ».
Éric Schahl commente : « Gérald Darmanin avait vraiment l’impression d’utiliser un mot qui ne va pas trop loin et il est le premier à se rendre compte que finalement il appartient à une coalition gouvernementale qui est loin de penser comme lui »
En effet d’autres ministres comme Barbara Pompili, ministre de l’Écologie et Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale ont émis des réserves sur le mot « ensauvagement ».
Le Premier ministre, Jean Castex dans une déclaration a été obligée de trancher : « La question, ce ne sont pas les mots que l’on emploie pour qualifier le phénomène, mais les actions […] donc fermez le ban, il n’y a aucune polémique ». Le chef du gouvernement enchaîne : « Le ministre de l’Intérieur et l’ensemble du gouvernement constatent effectivement qu’il y a une montée du « sentiment d’insécurité » et je peux vous dire la totale mobilisation du gouvernement pour y faire face ». Jean Castex termine donc sa déclaration en reprenant les mots d’Éric Dupond-Moretti et non ceux de Gérald Darmanin.
Pour Éric Schahl, cela est révélateur de la stratégie d’Emmanuel Macron sur les questions de sécurité : « Gérald Darmanin ne réutilisera plus de son propre fait ce mot-là. Il y a une forme de sanction de la part du gouvernement. Cela est allé trop loin, c’est quelque chose qui n’était pas audible pour l’aile gauche. Emmanuel Macron est toujours dans ce en même temps. Il a donc besoin de ne pas se couper de son aile gauche ».
Retrouvez l'intégralité de l'émission dimanche à 0h30 sur Public Sénat et en replay sur https://www.publicsenat.fr/emission/hashtag-l-emission/ensauvagement-le-buzz-d-un-mot-clivant-184320