Hasard du calendrier, la démission de Laura Flessel est intervenue au moment où le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) s’apprêtait à présenter une pétition nationale pour plus de moyens pour le sport français. Le texte, mis entre parenthèses, a été transformé en hashtag « le sport compte » sur les réseaux sociaux. Une semaine plus tôt, son président, Denis Masseglia avait fait état d’un monde sportif « déboussolé », face au « hold-up » de l’État qui prélève 25 millions, soit la moitié de la taxe Buffet sur les droits de retransmission des rendez-vous sportifs, pour résorber le déficit.
Face aux gigantesques enjeux sportifs à venir sur le territoire national, la Coupe du monde féminine de football en 2019, la Coupe du monde de rugby en 2023 et surtout les Jeux Olympiques de 2024, les élus locaux, les parlementaires, présidents de fédérations sportives ne comprennent pas les coupures drastiques dans ce ministère.
L’année dernière déjà, une centaine de sénateurs de tous bords confondus s’étaient émus, dans une lettre ouverte, d’une baisse de 7 % du budget des Sports (finalement limitée à 1,1 %) dans le projet de loi de finances. La Haute assemblée avait bien fait passer un amendement en novembre 2017 relevant l’enveloppe du Centre national pour le Développement du Sport (CNDS) de 64 millions, avant que les députés ne la ramènent finalement à 27 millions.
« C’est sympathique une ancienne sportive à un poste aussi sensible, mais ça ne suffit pas »
Pour 2019, le budget de Roxana Maracineanu,ancienne championne du monde de natation, devrait être amputé de 6,2 %. Son profil, celui d’une ancienne sportive de haut niveau comme Laura Flessel, pas vraiment rompue à l’exercice des arbitrages politiques, n’incite pas à l’optimisme chez les sénateurs. « C’est sympathique de mettre une ancienne sportive à un poste aussi sensible, mais ça ne suffit pas. Ministre des Sports ce n’est pas simplement accompagner les sportifs sur la photo. C’est un rapport de force permanent avec les présidents de fédérations, c’est se battre pour son budget. Ce n’est pas seulement une affaire sportive. Le sport, ça crée le lien social dans les quartiers, ça concerne la jeunesse, la politique de la ville, la jeunesse… En France, il y a 17 millions de licenciés et 17 millions de non licenciés qui font du sport. Trouvez-moi une activité humaine qui regroupe 34 millions de Français, il n’y en a pas » avance le président du Groupe PS, Patrick Kanner.
Et pour l’ancien ministre des Sports du gouvernement Valls, les premiers mots de Roxana Maracineanu lors de la passation de pouvoir avec Laura Flessel n’augurent rien de bon sur ses capacités à tenir le choc. « Elle commence très mal. Elle a d’abord remercié Laura Flessel pour l’obtention des JO. Laura Flessel a été nommée en juin 2017, et la France a eu les JO en septembre. Je ne vous apprends rien en vous disant que le dossier a été ficelé par le gouvernement précédent. Ça met quand même la puce à l’oreille quant à sa faiblesse politique. Même si ça s’acquiert » tempère-t-il.
« Une baisse de 6,2 % du budget des Sports : pas acceptable »
Michel Savin, sénateur LR et président du groupe d'études sur les Pratiques sportives, sait bien que le « milieu sportif est assez inquiet ». « Le passage de Laura Flessel n’a pas été une réussite et cette baisse annoncée de 6,2 % du budget des Sports n’est tout simplement pas acceptable quand on annonce des objectifs comme 3 millions de pratiquants supplémentaires d’ici la fin du quinquennat ou ramener 80 médailles aux JO. On ne peut qu’acquiescer aux discours. La réflexion menée cet été sur la modernisation de la gouvernance du Sport était une bonne chose. Mais concrètement rien ne se fait » déplore-t-il avant d’indiquer qu’il s’agit là d’un sentiment partagé par l’ensemble des sénateurs tous partis confondus.
En effet, ce mercredi, la sénatrice centriste Françoise Gatel rappelle dans le quotidien Ouest France que « le sport est une source d’épanouissement personnel, un facteur de santé et un espace unique d’inclusion sociale. Il doit être une priorité pour le gouvernement. Je souhaite que la nouvelle ministre des sports porte cette volonté de développement de la pratique tout au long de la vie avec la même détermination. ». L'ancienne nageuse est prévenue. Elle va devoir se mouiller.