Mis à l’écart par TF1, Dupont-Aignan trouve « inacceptable que les médias choisissent qui a le droit ou non de parler »
Qualifié sur le fil pour la présidentielle, Nicolas Dupont-Aignan a présenté samedi 12 mars son affiche et son slogan de campagne. Le fondateur de Debout la France en a profité pour dénoncer sa mise à l’écart d’une émission politique organisée lundi par TF1 avec huit candidats à la présidentielle. Nicolas Dupont-Aignan a également revendiqué un « patriotisme humaniste » pour se démarquer d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen, largement devant lui dans les sondages.
Par Romain David et Hugo Lemonnier
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« J’avais envie de prendre comme slogan ‘Liberté, égalité, fraternité’, mais ça faisait trop long sur l’affiche ». Rien que ça. Ce samedi 12 mars, Nicolas Dupont-Aignan a dévoilé son affiche de campagne aux cadres et principaux responsables départementaux de son parti, Debout La France, réunis pour l’occasion dans un centre de conférences du 15e arrondissement de Paris, à deux pas de la Tour Eiffel. Une sorte de « grosse réunion publique de travail pour lancer la campagne », décrypte un membre du staff, et sur laquelle le candidat n’a que peu communiqué. 100 à 200 membres du parti sont ainsi rassemblés dans cette longue pièce en sous-sol, mais les militants, eux, ne sont pas là. « On a organisé cette petite réunion au débotté », glisse Nicolas Dupont-Aignan. Les électeurs, il les attend surtout pour son grand meeting de fin de campagne, le 6 avril au Cirque d’Hiver. « Il nous faudra au moins 2 000 personnes ! »
Sur l’affiche, le député, tout sourire, pose devant un paysage très campagnard. Un champ de blé, des bois, et au fond un petit village avec son clocher. Lorsqu’on lui fait remarquer que la composition rappelle une autre affiche présidentielle, autrement plus célèbre, il sourit : « Mitterrand n’avait pas le monopole de la France ! Je pense que la France doit avoir les pieds dans la terre et la tête dans les étoiles. J’aurais voulu y ajouter une fusée, ou quelque chose du XXIe siècle, mais on ne peut pas tout faire. » Sur le ciel bleu, son slogan se déroule en lettre capitale : « Choisir la liberté ».
« La liberté », il veut en faire le thème principal de sa campagne, comme une réponse aux privations endurées pendant la crise du covid-19, et contre lesquelles il s’est insurgé dans les médias et sur les réseaux sociaux. « Ce mot de liberté me paraît évident vis-à-vis de tout ce que l’on vit, la propagande, la manipulation, les interdictions, et la déresponsabilisation des gens », énumère-t-il, pêle-mêle. Devant la petite assemblée réunie ce samedi, il a d’ailleurs largement insisté sur une proposition clef de son programme : la mise en place du référendum d’initiative citoyenne (RIC), une idée empruntée au mouvement des « Gilets Jaunes ». « Il faut renouer avec l’esprit du général de Gaulle qui était de rendre leur liberté aux Français », précise-t-il.
« Je suis fier d’être un petit qui porte une grande idée de la France ! »
Le 1er mars, Nicolas Dupont-Aignan s’est qualifié de justesse pour la présidentielle avec 532 parrainages validés par le Conseil constitutionnel (600 depuis). « Je les ai eus sans l’aide de personne, parce que la bourse aux signatures de François Bayrou, la bourse du pouvoir, ne m’était pas dévolue ! », pointe-t-il à propos de la proposition du président du MoDem de mettre en place une banque des parrainages à l’intention des candidats ayant plus de 10 % d’intentions de vote dans les sondages.
Pris en étau entre Marine Le Pen et Éric Zemmour, Nicolas Dupont-Aignan n’est crédité que de 1 à 3 % des intentions de vote dans les dernières enquêtes d’opinion. « Je ne lis plus les articles désagréables qui se demandent à quoi je sers. À un moment donné, chacun, en son âme et conscience, peut apporter une idée de la France », défend-il. « Et je suis fier d’être un petit qui porte une grande idée de la France ! » Un petit candidat qui n’aura pas sa place parmi les huit qui participeront lundi soir, sur TF1, à une soirée consacrée à la guerre en Ukraine. Nicolas Dupont-Aignan en a été écarté avec Nathalie Arthaud, Philippe Poutou et Jean Lassalle. De quoi le faire sortir de ses gonds : « Il est inacceptable que des médias choisissent après le Conseil constitutionnel qui a le droit de parler et qui n’a pas le droit de parler ! », fulmine l’élu qui évoque un « monde orwellien ». Déjà en 2017, il avait quitté le plateau du 20 Heures de TF1 pour dénoncer le choix de la chaîne de ne pas l’inviter au premier débat présidentiel.
Et pourtant, il en a des choses à dire sur l’Ukraine : « Il s’agit d’une agression inacceptable de la Russie, mais qui ne nécessite pas de mettre entre parenthèses la démocratie, qui ne nécessite pas un hold-up sur la présidentielle », s’agace-t-il, alors qu’Emmanuel Macron a attendu le dernier moment pour se déclarer candidat à sa succession, et reste depuis largement accaparé par la crise. Quant aux 27 réunis à Versailles jeudi et vendredi pour se pencher sur la demande d’adhésion expresse de l’Ukraine à l’UE ? « Des oligarques qui ont pavané, comme des roitelets à Versailles, pendant que l’Ukraine est sous les bombes », résume le candidat. « L’Europe a raison d’essayer d’obtenir la paix, mais je n’aime pas la manière dont elle le fait. C’est indécent dans la forme, et surtout, c’était de la gesticulation. Il n’en est rien ressorti. »
50 nuances d’une droite… très à droite
Nicolas Dupont-Aignan enquille pour sa troisième élection présidentielle - la quatrième si l’on compte sa tentative avortée de réunir 500 parrainages en 2007. À 61 ans, cet ancien sous-préfet est passé par nombre des formations politiques qui ont émaillé l’histoire de la droite au cours des 45 dernières années. Adolescent engagé pour l’élection de Chaban-Delmas en 1974, il adhère au RPR de Jacques Chirac, puis rejoint dans les années 1990 le RPF de Charles Pasqua et Philippe de Villiers, avant de participer à la fondation de l’UMP en 2002… qu’il quitte cinq ans plus tard pour créer son propre parti, Debout La France.
Nicolas Dupont-Aignan se revendique « candidat gaulliste », on l’aura compris (encore un…, serait-on tenté d’ajouter), avec un programme souverainiste et eurosceptique dans lequel il entend remplacer l’Union européenne par une « communauté des nations libres », s’émanciper de la BCE, renégocier la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et la Charte des droits fondamentaux de l’UE sur l’immigration, mais aussi quitter le commandement intégré de l’Otan. Plusieurs propositions iconoclastes ont nourri la polémique, comme sa volonté de rouvrir un bagne, sur les îles Kerguelen, à l’attention des condamnés pour faits de terrorisme.
En 2017, il avait frôlé la barre symbolique des 5 % (4,70 %) avant de franchir le Rubicon en ralliant Marine Le Pen qu’il a longtemps critiquée. Leur pacte de gouvernement n’a pas survécu au second tour, et nombre de commentateurs y ont vu la mort politique de celui qui est également député de l’Essonne depuis 25 ans. Il faut dire qu’après un nouvel échec aux européennes de 2019, les démissions se sont multipliées dans son entourage. « On a dit que les cadres étaient partis, mais ceux qui sont partis, comme Jean-Philippe Tanguy (ex-secrétaire général de Debout la France, ndlr), n’étaient que des salariés », tient à nuancer Cécile Bayle de Jessé, vice-présidente du parti. « Ils sont partis pour avoir l’espoir de décrocher un mandat ailleurs. J’admire ceux qui suivent Nicolas Dupont-Aignan, parce que ce ne sont pas des gens en train de chercher un poste. Avec quelqu’un à moins de 5 % dans les sondages, je peux vous dire qu’on essaye d’abord de défendre nos idées », explique cette ancienne conseillère régionale des Pays de la Loire. « Debout La France, on l’a enterré dix fois, et à chaque fois le parti ressuscite ! », s’exclame Nicolas Dupont-Aignan.
Au cours des derniers mois, il est revenu sur le devant de la scène en critiquant la politique sanitaire du gouvernement face à la crise du covid-19, et en manifestant contre l’instauration du passe sanitaire et l’obligation vaccinale des soignants. Lui-même a longtemps refusé de dire s’il était vacciné ou non… avant d’avouer à une passante en marge d’un déplacement en novembre dernier, et en présence de caméras, qu’il ne l’était pas. Il explique que la crise sanitaire l’a convaincu de rempiler pour une nouvelle élection présidentielle. « Je me suis levé pour défendre la liberté des Français. Je ne pensais pas devoir me battre un jour pour que mes enfants puissent aller à un cours de judo sans avoir à se faire injecter un produit expérimental ! », soutient-il. Il promet, en cas d’élection, la suppression « immédiate et définitive » du passe vaccinal… dont le gouvernement a déjà annoncé la suspension à partir de lundi.
Un ralliement à Marine Le Pen ou Éric Zemmour ?
« La troisième, c’est toujours la bonne ! », lâche un membre du parti en tapant sur l’épaule de Nicolas Dupont-Aignan. « Je ne m’étais jamais engagé personnellement à aucune élection précédente, mais je pense que cette élection est celle de la dernière chance. Si l’on ne trouve pas dans les urnes une issue à ce que l’on sent bouillir dans la société française, nous connaîtrons les Gilets Jaunes puissance dix », avertit Nicolas Stoquer, responsable des comités de soutien de « NDA » et animateur sur Radio Courtoisie, un média qui prône l’union de la droite et de l’extrême droite.
La carte du rapprochement, Nicolas Dupont-Aignan conseille à ses équipes de la jouer à fond. « Il est très important de tisser des liens avec les représentants d’Asselineau et de Philippot qui sont orphelins maintenant », leur a-t-il expliqué samedi. Mais lorsqu’on lui demande s’il serait prêt à aller plus loin, et à rallier au second tour Marine Le Pen, comme il l’avait fait en 2017, ou, le cas échéant, Éric Zemmour, le candidat se renfrogne. « Pourquoi je rallierai l’un ou l’autre ? Personne ne sait qui sera au deuxième tour. Les sondages se sont toujours trompés. Je suis candidat au premier tour, et j’espère être le plus haut possible. Je vais défendre un projet cohérent, sincère, d’un patriotisme humaniste de rassemblement, pas d’exclusion. Les Français choisiront. »
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