Débat sur « qu’est-ce qu’être français ? », promesses sur l’éducation et la santé… Au CESE, François Bayrou tente de montrer sa volonté d’agir

Critiqué ces dernières semaines pour son supposé « immobilisme », François Bayrou a tenté de mettre en avant « l’urgence » de la situation politique et économique en France, lors de la présentation de sa feuille de route devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ce mardi 1ᵉʳ avril. Santé, dette, éducation, simplification… Le Premier ministre a évoqué de nombreux chantiers, mais a aussi confié à la troisième chambre de la République une mission sur « qu’est-ce qu’être Français ».
Théodore Azouze

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« Agir, agir tout de suite. » Invité à s’exprimer ce mardi 1ᵉʳ avril devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE), François Bayrou a tenté de se montrer proactif, au moment où l’opposition, mais aussi une partie de ses partenaires, comme le président d’Horizons Edouard Philippe lui reproche un certain « immobilisme ». « Nous n’avons pas le temps de prendre le temps », a lancé à la tribune du palais d’Iéna le Premier ministre. « Nos concitoyens sont découragés par l’impuissance publique. Là est le plus grand danger : les voir se détourner du débat et des institutions de la démocratie elles-mêmes. »

Débat sur « qu’est-ce qu’être français » confié au CESE

Plus de cent jours après son arrivée à Matignon, le maire de Pau a pointé « l’urgence » de la situation politique, économique et budgétaire en France. Sa volonté pour trouver des solutions ? S’appuyer sur « les corps intermédiaires », comme ceux qui composent le CESE, afin de pouvoir échanger sur des pistes d’améliorations de la loi. « Ma philosophie de l’action, c’est l’association de la démocratie sociale aux grandes décisions où se joue l’avenir du pays », a défendu François Bayrou, avant de faire référence au conclave sur les retraites. La plupart des partenaires sociaux participent depuis janvier à cette concertation pour « remettre en chantier » le texte adopté en 2023 lorsque Elisabeth Borne était à Matignon.

Au moment de prendre la parole devant les représentants syndicaux et associatifs, l’actuel Premier ministre avait donc préparé une annonce pour matérialiser cette intention de dialogue. « J’ai décidé que soit mené à l’échelle du pays et des régions un débat sur ce que signifie « être français » », a indiqué le responsable. Une mission dont l’organisation sera confiée au CESE, « en tirant parti de l’expertise qu’il a acquise grâce aux conventions citoyennes ». L’idée d’un tel processus avait déjà été évoquée début février par François Bayrou, après l’adoption à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi visant à restreindre le droit du sol à Mayotte.

Le président du CESE, Thierry Beaudet, a accueilli « bien volontiers » la requête du Premier ministre, tout en posant deux conditions à ce débat : qu’il ne soit pas « récupéré par une idéologie ou un calcul politique quel qu’il soit » et qu’il soit « mis en rapport avec les premiers sujets de préoccupation des Français ». Les Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER), remis en cause par les députés après le vote la semaine dernière d’un amendement prévoyant leur suppression, pourraient par ailleurs constituer « un point d’appui » pour « développer » cette mission dans les régions, selon le président du MoDem.

« Reconquête de l’écrit » et formation des enseignants

Au-delà de cette proposition, François Bayrou a aussi détaillé ses quatre principaux chantiers pour les mois à venir, caractérisés par « les domaines les plus identifiables de notre déficit d’efficacité ». Sa priorité numéro une ? L’éducation. Le Premier ministre s’inquiète du niveau des élèves, notamment en français, en mathématiques et en sciences. « Si, étant dans cette responsabilité, nous ne faisions rien aujourd’hui, nous nous rendrions coupables de non-assistance à un pays en danger », a-t-il justifié. Citant plusieurs études montrant le déclin de ceux-ci de plusieurs compétences dans ces différentes matières, il prône « un plan de reconquête de l’écrit » à l’école dès la rentrée prochaine.

D’autres mesures, cette fois sur le plan de la formation des enseignants, vont aussi être mises en place. Vendredi, en compagnie de la ministre de l’Éducation nationale Elisabeth Borne, François Bayrou avait déjà détaillé le contenu d’une réforme de la formation initiale des professeurs des écoles. Les concours pour accéder à la fonction d’enseignant seront accessibles à partir de bac + 3 dès le printemps 2026, contre bac + 5 aujourd’hui.

Le passage de ces épreuves après le master, institué en 2021, avait fait chuter le nombre de candidats ces dernières années. La situation pousse aujourd’hui les différents rectorats à avoir recours à de plus en plus de contractuels pour pallier le manque de professeurs dans certains établissements. « Nous allons retrouver les principes qui faisaient la réussite des anciennes écoles normales », a promis François Bayrou.

Le Premier ministre entend aussi, à plus long terme, se pencher sur « la question de l’orientation ». « Très interrogatif » sur le système de vœux Parcoursup, il a par exemple insisté sur la nécessité de repenser la préparation à l’entrée dans l’enseignement supérieur. Le but serait de « donner à chacun la maîtrise des outils nécessaires pour entrer dans l’autonomie d’acquisition de la connaissance » à l’université, a-t-il précisé, sans fournir davantage de précisions.

« Régulation » du lieu d’installation des médecins

En plus de l’éducation, sujet auquel il a consacré une bonne partie de son discours, François Bayrou a également développé ses projets en matière de santé. Là encore, le Premier ministre a souhaité apparaître volontariste. « Je le dis pour tous ceux qui voudraient toujours reporter à demain, procrastiner comme on en a trop l’habitude », a-t-il lancé. « Les solutions qu’après tant et tant d’années de négociations et de palabres, nous ne trouverons pas dans les semaines qui viennent, nous ne les trouverons jamais. » Pour lutter contre les déserts médicaux, le locataire de Matignon propose dans un premier temps de mettre en place une « cartographie du devoir de prise en charge de nos compatriotes réduits à l’abandon dans ce domaine ».

Autre possibilité : « Une régulation » du lieu d’installation des médecins, rapidement évoquée par François Bayrou. Le député socialiste Guillaume Garot porte justement à l’Assemblée nationale un texte transpartisan sur le sujet. Son débat dans l’hémicycle est inscrit à l’ordre du jour cette semaine au Palais-Bourbon, mais les élus pourraient manquer de temps d’ici à jeudi pour examiner cette proposition. Pharmaciens, kinésithérapeutes ou encore dentistes sont aujourd’hui soumis à certaines règles pour installer leurs cabinets, contrairement aux médecins libéraux. François Bayrou compte « inviter toutes les parties prenantes dès la semaine prochaine » pour examiner « ensemble les solutions pratiques, concrètes » sur la problématique.

Le surendettement de la France, qualifié d’« épée de Damoclès » par François Bayrou, a été développé un peu plus brièvement à la fin de son discours. L’objectif de ramener à 3 % du PIB d’ici à 2029 le niveau du déficit public a de nouveau été mentionné. L’an dernier, ce chiffre a atteint 5,8 %, loin des prévisions initiales fixées à 4,4 %. Le Premier ministre a rappelé avoir demandé aux directeurs des différentes administrations de « traduire dans une langue compréhensible par tout le monde les missions dont leur département ministériel est chargé ». Ces comptes-rendus sont actuellement à l’étude par le gouvernement pour évaluer l’efficacité, la pertinence et les moyens alloués à ces différentes missions.

La simplification contre « la paperasse, la bureaucratie, les normes qui n’ont pas d’utilité » a enfin été présentée par François Bayrou comme le dernier grand chantier à traiter par le gouvernement. Dans ce domaine, comme pour les autres mentionnés lors de sa prise de parole, le Premier ministre entend donc apporter une « réponse rapide et concrète » à l’ensemble de ces problèmes. Un pari tenable ? Les tensions entre les différents ministres de son équipe gouvernementale, tout comme le risque toujours prégnant d’une censure, ont en tout cas de quoi l’inquiéter.

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