Mobilisation du 18 septembre : « Soit une politique de rupture est menée, soit on continue à mettre la pression »

A l’appel de l’intersyndicale, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue partout en France pour protester contre le projet de budget pour 2026. Dans le cortège parisien, les manifestants, pas convaincus par la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, sont déterminés à maintenir la pression sur l’exécutif. Reportage.
Mathilde Nutarelli

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Le cortège s’étend de la place de la Bastille à la place de la République et marche doucement vers la place de la Nation, entre les ballons des syndicats et les sonos. La foule qui s’est déplacée en ce jeudi ensoleillé, scande des slogans comme « Nous ce qu’on veut, c’est de la justice fiscale ! Nous ce qu’on veut, c’est des services publics ». L’ambiance est bon enfant, la fumée des merguez embaume l’air et les manifestants se sont déplacés en famille.

Un mot d’ordre : « Unité »

Le mot d’ordre du jour est donné par Yolande, militante syndicale FO à l’hôpital Henri-Mondor : « Unité ». L’appel à la mobilisation, lancé le 3 septembre, à l’initiative des syndicats, réunis en intersyndicale (UNSA, CFDT, CGT, FO, CGC, CFTC, Solidaires, FSU). Une première depuis le 6 juin 2023 et la dernière mobilisation contre la réforme des retraites. « Cela faisait très longtemps qu’il n’y avait pas eu d’intersyndicale ! » se réjouit la militante. Les politiques sont priés de se faire discrets et de rester en queue de cortège.

« Le plus important, c’est la justice sociale »

L’appel à la mobilisation a été lancé avant la chute de François Bayrou et la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon. Pourtant, les revendications sont simples : pas de budget Bayrou pour 2026. Les syndicats dénoncent des mesures « inacceptables et d’une brutalité sans précédent », en ciblant l’année blanche, la réforme de l’assurance chômage ou encore le doublement des franchises médicales. « La France qui travaille ne veut plus payer les déficits publics dont on la rend responsable, mais techniquement, elle ne l’est pas », dénonce Hervé, fonctionnaire territorial, secrétaire général adjoint CFTC de la ville de Paris. « Le plus important, c’est la justice sociale, entre nous et tous ensemble », martèle Tommy, traducteur, venu d’Ardèche. Il a été marqué par le montant d’aides publiques versées aux entreprises, révélé par le sénateur communiste Fabien Gay lors de sa commission d’enquête cette année.

« Le prochain budget annoncé ne peut pas augurer des bonnes choses, et celui de Lecornu sera sûrement dans la même veine »

Loin de rassurer, l’arrivée de l’ancien ministre des Armées au poste de Premier ministre n’a pas convaincu les manifestants. « On passe par plusieurs phases : d’abord, la médiation, on rentre en contact avec les hommes politiques. Quand elle ne fonctionne pas, on passe à l’action et on descend dans la rue le plus unitairement possible pour faire passer nos revendications », explique Hervé. « Le prochain budget annoncé ne peut pas augurer des bonnes choses, et celui de Lecornu sera sûrement dans la même veine », affirme Pascal, enseignant d’EPS dans un lycée à Toulouse et membre du syndicat Snep-FSU. Tommy est du même avis : « Sébastien Lecornu ne changera rien. Soit une politique de rupture est menée, soit on continue à mettre la pression ».

Des conditions de travail qui se dégradent

Dans le cortège, les manifestants font état de conditions de travail qui se dégradent : de Yolande à l’hôpital public, en passant par Pascal le professeur d’EPS, à Hervé, le fonctionnaire territorial. « Mes classes sont passées de 32 élèves à 36 », déplore Pascal. Il s’inquiète des potentielles suppressions de poste de fonctionnaires de l’Education nationale à venir. « Mon travail, c’est de faire que des enfants qui ne peuvent pas avoir accès au sport dans des salles privées puissent quand même en faire », s’émeut-il. Yolande, elle, déplore ses journées à rallonge. « Les conditions de travail sont telles que les gens sont découragés », regrette-t-elle.

« On nous écoute de moins en moins »

Les messages aperçus sur les pancartes sont également très politiques. Arborant fièrement un carton avec un slogan et un dessin attaquant le milliardaire Vincent Bolloré, Juliette, Amel et Pauline (les prénoms ont été changés), étudiantes dans une école d’art, sont, elles aussi, mobilisées. « On se sent ultra menacées par la montée de l’extrême-droite et sa mainmise sur certains médias », expliquent-elles. Elles craignent aussi les coupes dans le budget de la culture et l’augmentation de la précarité étudiante. « On nous écoute de moins en moins », déplorent-elles.

D’après les derniers chiffres du ministère de l‘Intérieur, 588 rassemblements sont recensés dans le pays. L’avenir du mouvement n’est pas encore écrit. Les assemblées générales qui se tiendront ce soir détermineront si d’autres journées de mobilisation auront lieu dans les jours qui viennent. Pascal est prêt à rester à Paris si l’appel est lancé à nouveau et à reprendre la rue, tout comme les trois étudiantes en art.

 

Images de Fabien Recker et Flora Sauvage

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