Mobilités : la droite se divise sur le financement des transports dans les zones peu denses
Malgré l’opposition d’une partie du groupe LR, le Sénat a adopté l’un de ses principaux apports au projet de loi d’orientation des mobilités. Il introduit la possibilité, pour les collectivités locales, d’instaurer un prélèvement sur les entreprises (à taux très réduit), même en cas d’absence de réseau de transports. Pour la commission sénatoriale, il faut apporter une garantie aux ambitions du texte.

Mobilités : la droite se divise sur le financement des transports dans les zones peu denses

Malgré l’opposition d’une partie du groupe LR, le Sénat a adopté l’un de ses principaux apports au projet de loi d’orientation des mobilités. Il introduit la possibilité, pour les collectivités locales, d’instaurer un prélèvement sur les entreprises (à taux très réduit), même en cas d’absence de réseau de transports. Pour la commission sénatoriale, il faut apporter une garantie aux ambitions du texte.
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Comment encourager le développement des alternatives à la voiture individuelle ? Et surtout, comment mettre les moyens financiers nécessaires en face ? Ce sont ces deux questions existentielles qui résument les débats au Sénat depuis deux jours sur le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM). La commission de l’Aménagement du territoire avait trouvé une idée, pour les territoires les moins lotis en termes de mobilités. L’article 2, voté en séance, a bien conservé ce dispositif, malgré l’opposition d’une partie de la droite.

De quoi parle-t-on ? Dans une agglomération, qui dispose d’un réseau de transports régulier, une recette existe : c’est le versement transport, une contribution que la collectivité prélève sur les entreprises qui comptent plus de 10 salariés. Le calcul est un peu complexe, mais retenons qu’environ 2 % de la masse salariale de ces entreprises vient financer le réseau de transport local.

Une taxe au taux réduit sur les entreprises que les collectivités pourront choisir d’instaurer ou non

Évidemment, dans les territoires peu denses et ruraux, là où il n’y a pas de réseau de transport, les intercommunalités ne sont pas tenues d’imposer ce versement transport, appelé à devenir le « versement mobilités » avec ce projet de loi. Mais sans moyens, difficile d’envisager l’essor des moyens de déplacements en commun, et surtout, des nouvelles formes de mobilités comme l’autopartage. C’est pourquoi la commission sénatoriale a choisi de donner la possibilité aux collectivités d’instaurer un versement mobilité à taux réduit (0,3 %). Et si le rendement était trop faible, l’enveloppe serait complétée avec une part provenant des ressources de la TICPE, la taxe sur les carburants.

Une petite quarantaine de sénateurs LR (soit un quart du groupe) a vu plus d’inconvénients que d’avantages dans la proposition de leur camarade Didier Mandelli, rapporteur sur ce projet de loi. « Je ne veux pas encourager un système qui déresponsabilise les usagers, fait exploser le coût des infrastructures et transforme les entreprises en vaches à lait », s’est opposé par exemple Philippe Dominati, sénateur LR de Paris, ville où le montant du versement transport atteint 3 %.

Crainte pour la compétitivité des petites entreprises en milieu rural

Même inquiétude pour les élus de départements ruraux. « Alourdir la fiscalité des entreprises dans les zones périphériques ou rurales, c'est éroder leur attractivité, leur compétitivité. Le problème de l'enclavement, il faut le prendre en considération. Et donc son problème, c’est son financement. Vous choisissez de le faire, très chers collègues, par l'impôt, mais il y a bien d'autres pistes », a mis en avant le sénateur de l’Oise Olivier Pacaud, plaidant pour l’utilisation des ressources existantes, comme la « cagnotte » de la TICPE, dont 577 millions d’euros ont été transférés au budget général de l’État. Il ajoute que cette disposition offerte aux collectivités peut créer des « effets pervers » pour l’implantation d’entreprises, qui joueront avec les différences d’imposition d’un bassin à l’autre.

« Alourdir la fiscalité des entreprises dans les zones rurales, c'est éroder leur attractivité » (Olivier Pacaud)
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« Alourdir la fiscalité des entreprises dans les zones rurales, c'est éroder leur attractivité » (Olivier Pacaud)

Élu de Haute-Loire, Laurent Duplomb, opposé à toute nouvelle taxe, craint l’effet « double peine » avec la menace de ce prélèvement à 0,3 % sur les entreprises. Un, il va frapper des territoires « peu denses », qui « peinent à conserver des activités économiques et industrielles ». Deux, « ces sommes n’iront pas l’investissement », selon lui, car elles seront « insuffisantes pour organiser la mobilité dans des territoires où l’habitat est très dispersé ».

Élisabeth Borne renvoie le problème à la prochaine loi de finances

Tout aussi dubitative, la ministre, qui refuse toute nouvelle « usine à gaz », a également demandé le retrait de ce dispositif imaginé par la commission de l’Aménagement du territoire. « D’autres solutions semblent préférables auxquelles le gouvernement est en train de travailler », a expliqué Élisabeth Borne. L’exécutif l'assure, des annonces seront faites dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale à venir. Pas avant. Mais la ministre est formelle, elle sera « attentive » aux mesures de solidarité avec les collectivités qui disposent de peu de ressources budgétaires.

LOM : Borne annonce de nouvelles propositions dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale
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Mais rien ne serait pire qu’une absence de financement pour le vendéen Didier Mandelli (il défend le mécanisme en vidéo de tête). « Si vous supprimez la disposition du texte, les collectivités territoriales les moins denses et les moins bien dotées resteront dans la situation actuelle, sans aucune amélioration ! » Il ajoute que sans moyens supplémentaires, les collectivités iront rogner sur d’autres postes de dépenses. C'est-à-dire au détriment d’autres compétences. Son collègue Patrick Chaize, sénateur LR de l’Ain, a reconnu que le débat constituait une forme de dilemme mais que la position du rapporteur était « équilibrée ». « On veut une politique, il faut des moyens. Faut-il donc les prendre aux entreprises, y compris dans les territoires ruraux ? Entre deux maux, il faut choisir », a-t-il exposé à l’hémicycle.

Il serait « irresponsable » de transmettre une nouvelle compétence « sans un centime de plus », prévient Hervé Maurey

La centriste, Françoise Gatel, a voulu mettre le gouvernement en face de ses contradictions. « Si le dispositif est imparfait, c'est aussi parce que vous ne voulez pas nous en proposer d'autres », a-t-elle grincé.

Le président de la commission, Hervé Maurey (UDI), a lui aussi cherché à siffler la fin de la récréation, insistant sur le fait que le texte (amendé début mars) a été « élaboré collectivement », et pas seulement par la majorité sénatoriale. Et qu'il avait au moins le mérite de poser un cadre. « Je comprends très bien les préoccupations qui ont été exprimées par rapport à la fiscalité des entreprises, mais qui dans cette salle, à cet instant, peut proposer un dispositif permettant de financer la compétence mobilité ? […] Pour l’instant, on ne voit que de vaines promesses du gouvernement, même pas de calendrier ! »

Mobilités : « On ne voit que de vaines promesses du gouvernement » (Hervé Maurey)
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« On ne voit que de vaines promesses du gouvernement » (Hervé Maurey)

Selon lui, confier une nouvelle responsabilité aux collectivités, « sans mettre un centime de ressource en plus », serait « totalement irresponsable ».

Au terme des débats, le Sénat en est resté à la position de la commission, soutenue notamment par les socialistes, les centristes et le RDSE. Les amendements de suppression, déposés par une partie de la droite, ont été retirés par leurs auteurs. Aussi petit soit-il, ce versement de 0,3 % peut permettre de développer la « culture de la mobilité », a encouragé l’écologiste Ronan Dantec.

 

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