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Mohamed Amra : que prévoit le texte du Sénat pour sécuriser la détention des narcotrafiquants ?

Arrêté samedi en Roumanie après neuf mois de cavale, le narcotrafiquant Mohamed Amra a été mis en examen mardi soir à Paris, et placé en quartier d’isolement dans la prison de Condé-sur-Sarthe (Orne). Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a mis en avant le nouveau régime de détention prévu par le texte sur le narcotrafic « pour que le drame d’Incarville » ne se reproduise pas.
Simon Barbarit

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Son évasion avait coûté la vie à deux agents pénitentiaires et blessé trois autres, le 14 mai dernier, au péage d’Incarville. Trois jours après son arrestation en Roumanie, le narcotrafiquant, Mohammed Amra a été mis en examen pour meurtres, tentative de meurtres, évasion, vol et recel de vol, le tout en bande organisée, ainsi que pour association de malfaiteurs, et incarcéré dans un quartier d’isolement dans la prison de Condé-sur-Sarthe (Orne). « Il aura le droit à une heure de promenade par jour, seul, sans jamais croiser un autre détenu. Il aura le droit à deux heures de communications téléphoniques écoutées par les services de renseignement. Il aura le droit à trois visites par semaine, extrêmement contrôlées, avec des fouilles systématiques », a détaillé Gérald Darmanin lors d’un point presse au ministère de la Justice. « L’isolement ne peut être que provisoire, c’est pourquoi nous plaidions dans notre rapport en faveur de systèmes plus sécurisés des établissements pénitentiaires », rappelle Etienne Blanc (LR) rapporteur de la commission d’enquête sur le narcotrafic.

Le choix de la prison de haute sécurité connu la semaine prochaine

Pour le garde des Sceaux aussi, « le drame d’Incarville a démontré que notre système carcéral ne fonctionnait pas ». « Il faut tout revoir », a-t-il estimé. Le ministre a rappelé son projet de prison de haute sécurité au 31 juillet, susceptible d’accueillir les narcotrafiquants les plus dangereux. Quatre établissements pénitentiaires répondent aux exigences de sécurité renforcées. « Je rendrai mon arbitrage la semaine prochaine », a-t-il annoncé, citant parmi les établissements évalués, la prison de Condé-sur-Sarthe, Vendin-le-Vieil, Arles et Saint-Maur. « J’ai aussi dit qu’il fallait quatre nouvelles prisons d’ici 2027 pour couvrir les 600 à 700 narco-bandits particulièrement dangereux pour l’extérieur », a-t-il rappelé.

En attendant, Gérald Darmanin mise « sur le nouveau régime de détention » prévu par la proposition de loi du Sénat visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Le texte adopté à l’unanimité de la chambre haute arrive en examen en séance publique à l’Assemblée nationale, le 17 mars.

La dangerosité de Mohammed Amra était passée sous les radars de l’administration pénitentiaire. « Nous devons améliorer cette information », a reconnu Gérald Darmanin précisant que ce sera le rôle du nouveau parquet national anticriminalité (Pnaco), « avec un juge d’application des peines centralisé comme c’est le cas pour le terrorisme ». Rappelons ici que le futur Pnaco sera mis en place au 1er janvier 2026. Un amendement de la commission des lois du Sénat a aussi supprimé le monopole qu’il était envisagé de lui confier. Le nouveau parquet national pourra ainsi définir ses propres compétences, dans un dialogue avec les JIRS (Juridictions pénales spécialisées) et les parquets locaux afin de pas priver les juridictions de toute possibilité de se saisir d’affaires graves. « Comme pour les affaires de terrorisme, les plus importantes remonteront au parquet national qui sera capable de définir qui est dangereux et qui ne l’est pas », appuie Etienne Blanc.

Visioconférence à la place d’une extraction physique

L’attaque d’Incarville s’est déroulée alors que Mohammed Amra faisait l’objet d’une mesure d’extraction judiciaire. « Il nous faut un nouveau régime de détention qui nous permet d’éviter les extractions judiciaires ». Le ministre fait ici référence à un amendement de la corapporteure de la proposition de loi, Muriel Jourda (LR), désormais inscrit dans le texte que vont examiner les députés. Il prévoit le recours à la visioconférence, plutôt qu’une comparution physique nécessitant une extraction judiciaire lorsque l’infraction reprochée relève du champ de la criminalité organisée. Dans le cas où la personne se révèle particulièrement dangereuse le recours à la visioconférence peut avoir lieu, malgré son refus.

« Nous avons eu un débat assez vif sur la nécessité ou non de soustraire la personne détenue de la procédure classique. La privation des droits de l’individu mais aussi la nécessité de faire des économies de moyens, notamment dans les JIRS d’Outre-mer sont des éléments qui ont été pris en compte », souligne Jérôme Durain (PS), corapporteur du texte. C’est pourquoi, le choix de la comparution immédiate ou de la visioconférence restera dans la main du magistrat.

Un autre amendement adopté par les sénateurs de Lauriane Josende (LR) prévoit de sécuriser davantage les convois pénitentiaires en caméras embarquées à bord des véhicules.

Enfin, le texte comporte une série de mesures visant à sécuriser les établissements pénitentiaires en autorisant, par exemple, les drones aux fins de prévenir l’introduction d’objets prohibés, comme les téléphones portables.

 

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