En Moldavie, la guerre se rapproche. La Transnistrie, territoire moldave contrôlé par des séparatistes prorusses, de facto indépendant depuis 1991 a été la cible d’attaques. Ce 27 avril, le bâtiment du ministère de la Sécurité publique situé à Tiraspol, la capitale, a été touché par une explosion. La veille, une attaque aurait été menée à l’encontre d’un dépôt de munitions de l’armée russe situé en Transnistrie. La veille, plusieurs explosions avaient endommagé une tour relayant des fréquences radiophoniques russophones.
A la suite de ces explosions, les autorités locales séparatistes ont annoncé avoir mis en alerte l’armée locale épaulée par une garnison russe. Kiev dément toute responsabilité dans ces incidents. De son côté, le gouvernement moldave a annoncé son intention de renforcer les contrôles frontaliers.
Quelle relation unit la Transnistrie et Moscou ? Ce territoire est-il un régime satellisé ou une république séparatiste moldave bénéficiant d’une autonomie politique ?
Le régime de Tiraspol est une république séparatiste, créée à la suite d’une guerre en 1992 au moment de l’éclatement du bloc soviétique. On peut comparer la Transnistrie, à d’autres régimes « sécessionnistes russophones » comme l’Abkhazie ou l’Ossétie en Géorgie. C’est également le résultat de la politique menée sous Staline, de « diviser pour mieux régner » en créant des enclaves multi-ethniques majoritairement russophones. Les habitants de ce territoire sont avant tout des « néo-soviétiques. » Ils parlent russe, proviennent de l’ex-URSS, un territoire en opposition à la Moldavie voisine, majoritairement roumanophone.
En orange, la République moldave du Dniestr (RMD) ou Transnistrie, État indépendant autoproclamé depuis la dislocation de l'URSS en 1991
Héritage soviétique oblige, la Transnistrie est une véritable mosaïque ethnique et culturelle comprenant une majorité russophone mais également des Ukrainiens, des Gagaouzes, un peuple turcophone de confession orthodoxe mais le véritable dénominateur commun : C’est la « russophonie », une allégeance totale à l’égard de la Russie. La Transnistrie comme les autres républiques sécessionnistes est dirigée par un gouvernement, pro-russe d’inspiration stalino-léniniste qui cultive et accentue une nostalgie de la période soviétique. La Transnistrie peut également compter sur les 1 500 soldats russes de l’ancienne 14e armée, présents sur son territoire, une troupe obéissant aux ordres directs de Moscou, officiellement présente pour « protéger » la paix, ils sont l’assurance vie des autorités locales.
Dans cette république coincée entre l’Ukraine et la Moldavie, Sheriff est un conglomérat tentaculaire, omniprésent dans tous les secteurs de l’économie et contrôle l’Etat. L’entreprise a une relation « spéciale » avec la fédération de Russie, faite de hauts et de bas. Pendant une période, Sheriff était devenue trop autonome pour Moscou. Désormais, le conglomérat est rentré dans le rang.
Existe-t-il de la part des Transnistriens, peuple majoritairement russophone, un désir de rattachement ou d’une union avec la fédération de Russie ?
C’est l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Si on va sur le terrain, on est médusé. On est replongé 30 ans en arrière. Pour avoir grandi dans une Roumanie dirigée par un régime communiste, je reconnais très facilement, les attributs d’un régime autoritaire, les moyens de propagande mis en œuvre, l’omniprésence de l’armée et des forces de l’ordre pour contrôler la population. Selon moi, il n’y a pas forcément une demande spontanée et spécifique de la part des Transnistriens. En 2006, les autorités du territoire avaient organisé un référendum sur cette question. 97,5 % des électeurs s’étaient exprimés en faveur d’une union, mais il ne faut pas être dupe.
De l’autre côté du fleuve Dniestr, comment la Moldavie a-t-elle réagi à l’invasion de l’Ukraine par la Russie ?
Avec la guerre en Ukraine les politiques et les citoyens moldaves, neutres à l’égard de Moscou sont devenus proeuropéens et farouchement antirusses du jour au lendemain. Pour les autorités moldaves, le pays ne peut compter que sur lui-même et intensifie depuis le début du conflit ses demandes d’aide et d’assistance auprès de l’UE et de l’OTAN. Le pays a même déposé une demande d’adhésion auprès de l’Union, le 3 mars, mais tout cela reste très symbolique. C’est une demande portée par la présidente moldave Maia Sandu, élue en 2020, qui appartient à cette génération, formée dans les universités occidentales, des Moldaves atlantistes et pro-européens.
Le pays ne dispose pas de garantie de sécurité, ni auprès de l’alliance atlantique, ni même de ses frères roumains. Il existe une crainte dans les régions frontalières que les troupes russes en garnison en Transnistrie reçoivent l’ordre d’envahir la Moldavie. C’est une hypothèse peu probable mais qui reste possible et logique dans le cas où la Russie souhaiterait étendre le conflit aux pays voisins. Enfin, le pouvoir moldave s’inquiète d’une possible tentative de « déstabilisation » par des éléments pro-russes moldaves, notamment le PSRM, parti de l’ancien président Igor Dodon. Le mot de coup d’État circule très largement dans les médias moldaves.