Monde de la culture toujours à l’arrêt : un vent d’incompréhension au Sénat

Monde de la culture toujours à l’arrêt : un vent d’incompréhension au Sénat

L’absence d’aménagements pour les établissements et la perspective de fermetures jusqu’au 7 janvier au moins laissent les acteurs dans un état de désarroi. Ce mardi, jour marqué par des mobilisations sur tout le territoire, beaucoup de sénateurs partagent la frustration du secteur.
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Restaurants, bars et cafés ne sont pas les seuls à trouver le temps long. Toutes les personnes qui vivent des théâtres, des salles de cinéma, des salles de spectacle ou encore des musées s’impatientent également, eux qui espéraient reprendre ce 15 décembre, avec toutes les précautions sanitaires. Mais le gouvernement en a décidé autrement, pour tenir compte d’une circulation du coronavirus qui reste encore très active, voire qui a tendance à augmenter dans certains départements. Invité de la matinale d’Europe 1 ce mardi matin, le Premier ministre Jean Castex a assumé ses choix difficiles. « Il n’y avait pas d’autres alternatives », a-t-il expliqué, donnant rendez-vous au secteur le 7 janvier 2021 pour un éventuel assouplissement, si les conditions épidémiologiques étaient réunies. Et de rappeler : « L’exception culturelle, ce n’est pas l’exception sanitaire ».

Au cours de cette journée du 15 décembre, qui aurait pu marquer la fin de longues semaines d’attente, le monde de la culture a exprimé sa colère dans plusieurs villes. La place de la Bastille à Paris, face à l’Opéra, était ainsi noire de monde. Au Sénat, et notamment au sein de la commission de la Culture et de l’Education, les marques de soutiens sont présentes, peu importent les nuances politiques. « La contestation ne vient pas tant du fait que le secteur s’estime avoir été mal traité en termes d’accompagnement – des crédits importants ont été votés – mais plutôt de ne pas avoir de lisibilité. Ce jeu d’accordéon se fait dans un cadre désormais incohérent », pointe la sénatrice Catherine Morin-Desailly (Union centriste). L’ancienne présidente de la commission de la Culture, admet que le malaise repose avant tout sur un « sentiment d’injustice ». « Je pense aux salles de cinéma. Y a-t-il plus de risques avec le protocole énoncé que d’aller se presser dans les grands magasins ? » se demande-t-elle.

« S’il y a bien un endroit où on respecte les gestes barrières, c’est dans les salles de spectacle »

Laure Darcos, sénatrice LR de l’Essonne, juge les mesures « incompréhensibles ». « S’il y a bien un endroit où on respecte les gestes barrières et la distanciation, le fait de ne pas manger, pas parler, c’est bien dans les salles de spectacle », explique-t-elle. Si elle comprend que « l’aspect sanitaire a pris le dessus », elle en veut au gouvernement de n’avoir laissé aucun horizon au secteur culturel. « C’est mal connaître ce système où il faut programmer les choses très en amont. Ils sont en plein désarroi ». Le couvre-feu de 20 heures, une heure plus tôt qu’à l’automne, ne facilitera pas non la reprise en cas de reprise éventuelle, redoute-t-elle. « Ce n’est pas très pratique pour les représentations du soir. »

A gauche, les parlementaires font également bloc derrière les acteurs culturels. Plusieurs sénateurs comme les socialistes David Assouline et Sylvie Robert, ou encore le communiste Pierre Laurent, étaient dans le rassemblement place de la Bastille. La sénatrice Sylvie Robert souligne que le monde de la culture veut « comprendre en quoi la culture est moins essentielle », lui qui « pointe les incohérences du gouvernement dans ses décisions et qui en toute responsabilité était prêt à travailler avec le ministère à une ouverture raisonnable et différenciée ».

« Le gouvernement a considéré qu’il y avait plusieurs types d’économies »

Lorsqu’on sollicite son avis sur ce dossier, le sénateur des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias regrette que la « fermeture des lieux de culture relève plus d’une décision politique que sanitaire ». « Le gouvernement a considéré qu’il y avait plusieurs types d’économies. Il y a en aurait une qui mériterait d’être soutenue. Et une autre qui est accessoire, un peu annexe. »

Relevant des contradictions avec la forte fréquentation des transports ou encore l’ouverture des lieux de culte, le parlementaire redoute les effets à long terme de cette mise en sommeil de la culture. « Le risque fort, c’est que l’on perde de la capacité créative. Vous pouvez fermer une usine et la rouvrir six mois plus tard. Mais pas un théâtre. Il y a un certain nombre de processus, de répétitions qui ne peuvent pas se faire. Vous finissez par perdre des compétences », met-il en garde.

Présent dans sa circonscription de l’Aude ce mardi, le socialiste Sébastien Pla relate avoir assisté à Narbonne à une convergence des différents rassemblements : restaurations et hôteliers, rejoints par des agriculteurs et viticulteurs mais aussi par le monde de la culture. « J’ai pu sentir leur désespoir, leur désarroi », témoigne-t-il. « Je ne veux pas porter un regard trop négatif sur le gouvernement. Ils font ce qu’ils peuvent. Il y a la pression du monde économique et la pression du monde de la santé. Mais la question que je me pose c’est, pourquoi tant de différences de traitement selon les secteurs ? On sacrifie des secteurs qui ont fait des efforts », souligne-t-il.

« Son passé d’élu local devrait lui rappeler qu’il faut accorder plus d’importance au couple maire-préfet »

Sur ce déconfinement par palier, le nouveau sénateur de l’Aude juge par ailleurs la communication gouvernementale dommageable. « Ce qui est gênant dans cette affaire, c’est que le Premier ministre a tendance à infantiliser les Français. Tantôt on dit le 20 décembre, tantôt le 7 janvier : cela dépendra de vous. Et ce sera de votre faute si on est dans cette situation », souffle-t-il.

Beaucoup de sénateurs sont conscients que Jean Castex redoute la survenue d’une troisième vague épidémique. Mais ils appellent à changement de méthode. « Je conçois que ce ne soit pas facile pour le gouvernement et le Premier ministre de gérer tout cela. Mais il est dommage de ne pas se reposer sur l’intelligence des territoires », fait valoir Catherine Morin-Desailly. « Son passé d’élu local devrait lui rappeler qu’il faut accorder plus d’importance au couple maire-préfet, à une estimation de la situation au cas par cas. »

Si Laure Darcos estime que Jean Castex « fait de son mieux », elle espère d’autres réponses dans les jours à venir. La sénatrice interpellera le chef du gouvernement ce mercredi lors des questions d’actualité.

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